Ligue arabe: alors que le Proche-Orient est à feu et à sang, l’Algérie joue la carte de la discorde
Alors que la Ligue arabe, réunie mercredi au Caire au niveau des ministres des Affaires étrangères, a tenté de resserrer ses rangs en adoptant une résolution appelant à faire cesser les armes et à protéger les civils, l’Algérie choisit à nouveau de jouer les perturbateurs en émettant des réserves sur le texte. Une attitude récurrente d’un régime devenu dangereux, pour lui-même comme pour les autres.
Ils ne pouvaient décidément pas s’en empêcher. Alors que la bande de Gaza est sous les feux de l’armée israélienne, en représailles aux attaques inédites menées par le mouvement Hamas contre l’État hébreu, l’Algérie n’a pas trouvé mieux que de jouer aux éléments perturbateurs. C’était hier, mercredi 11 octobre au Caire, lors des travaux de la session extraordinaire du Conseil de la Ligue des États arabes au niveau des ministres des Affaires étrangères, présidée par le Maroc. La réunion a été convoquée par l’État de Palestine et le Royaume du Maroc, président de la session actuelle du Conseil de la Ligue des États arabes au niveau ministériel et ce, sur hautes instructions du roi Mohammed VI.
Il n’en fallait pas plus pour que le régime algérien en fasse une estrade pour, là encore, jouer en solo, histoire de s’offrir un minimum de visibilité. Alors que la situation ne s’y prête nullement, et que l’urgence absolue est de faire cesser le bruit des armes et de préserver des vies humaines d’un scénario déjà lourd en pertes et qui risque d’être encore plus catastrophique dans les jours, semaines, voire mois à venir.
Face à l’étendue du drame, le Conseil avait adopté une résolution exigeant l’arrêt immédiat de la guerre israélienne sur la bande de Gaza et son voisinage, et appelant toutes les parties à la retenue. Le Conseil a également condamné l’assassinat des civils des deux côtés (autant israéliens que palestiniens) et exprimé son rejet catégorique de toute action les visant, tout en insistant sur l’impératif d’assurer leur protection, conformément aux valeurs humaines universelles et dans le respect du droit international humanitaire et du droit de la guerre.
Jusque-là, c’est le bon sens et le réalisme qui ont primé. Mais qu’a donc été la réaction de l’Algérie (avec la Syrie de Bachar El Assad et, dans une moindre mesure, la Libye et l’Irak, deux pays encore en guerre)? Émettre des réserves. Au nom de quoi? Officiellement, le refus «que soient mis sur un même pied d’égalité le droit indiscutable du peuple palestinien à l’instauration d’un État souverain et les pratiques de l’entité sioniste qui viole la légalité internationale». Officieusement, le simple plaisir de torpiller une position sur laquelle le Maroc, qui assure la présidence tournante de la Ligue et qui a appelé à la tenue de cette réunion, a naturellement pris les devants. La solidité du monde arabe face à l’épreuve, l’impératif d’une position ferme et unie ne serait-ce que pour limiter les dégâts et les vies humaines, attendront.
Dans le détail, c’est la condamnation de l’assassinat des civils des deux côtés, aussi bien les civils israéliens que palestiniens, qui irrite un belliqueux régime algérien, bien connu pour son antisémitisme décomplexé, définitivement exclu de la marche de l’histoire et plus inaudible que jamais sur la scène tant arabe qu’internationale. L’autre point, contenu dans la résolution, qui a dû irriter le régime d’Alger, c’est l’appel légitime et sensé à libérer les nombreux otages israéliens civils retenus par le Hamas. Cela ne passe pas non plus auprès d’une junte qui se nourrit de la haine. Tout comme le rappel que l’Organisation de la libération de la Palestine (OLP) est le seul représentant du peuple palestinien n’arrange pas le «système». Une telle position élimine de facto du jeu politique des organisations comme le Hamas, dont la vassalisation à l’Iran est un secret de polichinelle. Voilà qui est inacceptable pour une Algérie qui, à l’unité, préfère les étroits calculs et l’irrépressible envie de nuire. Le fait que le communiqué de la Ligue arabe nomme l’État d’Israël, alors que l’Algérie parle systématiquement d’«entité sioniste», n’arrange pas non plus les affaires d’un régime qui instrumentalise à peu de frais la cause palestinienne à des fins de politique intérieure.
La condamnation au Caire du siège imposé par Israël à Gaza et l’appel des ministres des Affaires étrangères à l’acheminement «immédiat» d’aides aux 2,3 millions de Palestiniens subissant les raids aériens continus d’Israël, la sommation de l’État hébreu de revenir sur sa décision injuste de couper l’électricité et l’eau à Gaza? L’Algérie, tout juste occupée à jouer les fausses notes pour se faire entendre, n’en a que faire. Le tout, au nom d’une puérile et surannée, mais néanmoins «inaltérable constance» de la position algérienne sur le conflit israélo-palestinien. Il faut dire que sacrifier des vies humaines par milliers uniquement pour se maintenir, l’Algérie des généraux en a l’expertise.
On retiendra que même sur le registre des slogans et de la démonstration de soutien, la junte s’est largement montrée faillible. Alors que la «rue arabe» est actuellement en ébullition, que des manifestations sont organisées partout, Alger n’en a autorisé aucune dans le pays voisin. Le risque que le soutien à la Palestine ne se transforme en un nouvel épisode du Hirak pour un peuple algérien qui manque de tout est trop grand.
On retiendra surtout que le régime algérien se range de plus en plus du côté des pays inféodés à l’Iran. Sans surprise, la Syrie et l’Irak ont émis des réserves sur la résolution de la Ligue arabe. Il faudrait désormais compter avec un autre vassal du régime des mollahs à nos frontières.
Par Tarik Qattab