L’initiative chinoise la Ceinture et la Route peut sauver la République Démocratique du Congo de la stagnation DE son développement Dr Prof. Antoine Roger LOKONGO  Nom chinois : 龙刚 (Long Gang) 

L’auteur est professeur des Relations Internationales à l’Université Président Joseph Kasa-Vubu à Boma, en République démocratique du Congo. Il est aussi Attaché Supérieur de Recherche au Centre de Recherche pour les Echanges entre les Peuples, Université de Pékin; Et Chercheur Invité à l’Institut pour la Coopération Mondiale et la Compréhension Mutuelle entre les Peuples, toujours à l’Université de Pékin.

 

Soixante-quatre ans après son accession à l’indépendance, la République Démocratique du Congo notre pays souffre de nombreux déficits : déficit démocratique, déficit sécuritaire, déficit de stabilité politique, déficit de développement économique mais surtout, déficit d’infrastructures.

S’agissant du déficit démocratique, le pays vient de sortir d’une énième élection législative, provinciale et présidentielle chaotique qui a été marquée par une innovation controversée : la machine à voter qualifiée de « machine à voler ou à tricher ». Dix-neuf candidats sont partis à la conquête du pouvoir suprême. Joseph Kabila, contraint de se retirer, ne s’est pas présenté à nouveau. Plusieurs coalitions ont vu le jour, dont les plus importantes étaient Lamuka pour l’oposition, le « Cap pour le changement » (CACH) dirigé par Felix Tshisekedi et Vital Kaneohe et le Front Commun pour le Congo (FCC) de Joseph Kabila. Le scrutin, initialement prévu le 23 décembre 2018, a finalement eu lieu le 30 décembre 2018. Les raisons évoquées par la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) pour ce report définitif ne convainquaient personne. L’élection présidentielle était annulée dans les territoires de Beni, Butembo et Yumbi à l’Est, en raison de l’insécurité (Samuel Malonga, 2019).

Des pans entiers du territoire congolais à l’est sont toujours occupés par le Rwanda et l’Ouganda, qui utilisent certains complices congolais locaux et des groupes armés tutsis se prétendant congolais comme hommes de paille sous le prétexte sempiternel et le chantage de poursuivre ceux qui auraient commis le génocide au Rwanda en 1994; ce qui a été démystifié comme un stratagème visant à masquer l’offensive de guerre du Rwanda et de l’Ouganda au Congo afin de piller les ressources naturelles et minérales stratégiques du Congo et y occuper des terres.

Cette fois, ce sont les États-Unis qui ont ouvertement condamné « le soutien du Rwanda au groupe armé du M23, lançant un appel au Rwanda à retirer immédiatement tout le personnel des Forces de défense rwandaises de la République Démocratique du Congo ou elles occupent actuellement de vastes territoires dans la province du Nord-Kivu et à retirer ses systèmes de missiles sol-air, qui menacent la vie des civils, des soldats de l’ONU et d’autres forces régionales de maintien de la paix, des acteurs humanitaires et des vols commerciaux dans l’est de la RDC.

La diplomatie américaine accuse également le Rwanda d’être à l’origine d’un attentat meurtrier le 3 mai 2024 contre le camp des déplacés de Mugunga, dans l’est de la RDC, le qualifiant de « nouveau crime de guerre » (Radio Okapi, 2024) ; une accusation rejetée d’emblée par le Rwanda).

« Les Etats-Unis condamnent fermement l’attaque d’aujourd’hui contre les forces armées rwandaises et les positions du M23 contre le camp de personnes déplacées de Mugunga », a déclaré Matthieu Miller, porte-parole du Département d’Etat américain dans un communiqué.

Il a ajouté que les Etats-Unis étaient « profondément préoccupés par la récente avancée” des forces armées du Rwanda et du M23 dans l’est de la RDC, ce qui a contribué au déplacement de plus de 2,5 millions de personnes ».

Comme Kinshasa, les États-Unis affirment depuis longtemps que la rébellion du M23 est soutenue par le Rwanda. Mais la mention par Washington de l’implication directe de Kigali dans une attaque est inhabituelle.

« Il est essentiel que tous les Etats respectent la souveraineté et l’intégrité territoriale de chacun”, a déclaré le porte-parole du département d’Etat américain, Matthew Miller (Jeune Afrique/AFP, 2024).

Cependant, une sorte de nouvelle bande de Gaza est en train d’être créée au Nord-Kivu en l’Ituri par le Rwanda et l’Ouganda sans que la communauté internationale ne les force militairement à se retirer de l’est de la RDC, comme Ferdinand Kambere, secrétaire permanent adjoint du parti de Joseph Kabila, le Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie (PPRD), ne cesse de le dire.

Après tant de cycles électoraux, la République Démocratique du Congo ne se développe toujours pas. Après les augmentations successives de nos budgets nationaux annoncées en grande pompe, les conditions de vie des Congolais ne s’améliorent toujours pas. Tous les 5 ans, on vide les caisses de l’Etat pour financer les élections avec les fonds propres du pays et on repart de zéro en termes de réserves de devises.

L’organisation des élections de 2018 a été totalement chaotique. De nombreux électeurs ne figuraient sur aucune liste électorale. Certains bureaux ouvraient à 17 heures. Malgré l’imbroglio, les élections tant attendues ont eu lieu. Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo a été proclamé vainqueur avec 73% (Samuel Malonga, 2019).

Ironiquement, quand Felix Tshisekedi a été déclaré vainqueur des élections de 2018, la Chine a été la première puissance mondiale à le féliciter pendant que les puissances occidentales tergiversaient. C’est pour dire que la Chine respecte les choix des peuples Africains quels que soient ces choix.

Concernant le déficit de développement économique, il est évident que les secteurs de l’agriculture, de l’énergie (électricité), le secteur bancaire et le secteur des infrastructures souffrent du manque d’investissements. Pourtant, ces secteurs constituent des secteurs prioritaires clés pour le développement d’un pays. Si la Chine est là où elle est aujourd’hui, notamment l’une des superpuissances mondiales, c’est parce qu’elle a commencé à donner la priorité et à investir dans ces secteurs.

De bonnes promesses ont été faites lors de la campagne électorale. Le président Félix Tshisekedi a notamment promis de poursuivre son initiative le « Programme de développement des 145 territoires » qui vise à lutter contre la pauvreté, les inégalités et à promouvoir le développement des 145 territoires du pays. Le programme se concentre sur quatre composantes principales : l’amélioration de l’accès aux infrastructures et aux services de base dans les zones rurales, la promotion du développement des économies locales, le renforcement des capacités de gestion du développement local et la mise en place d’un système de suivi pour évaluer les progrès du programme en temps réel (Ministère du Plan, 2024).

Au début de son premier mandat, un Félix Tshisekedi très pro-occidental comptait sur l’Occident pour mener à bien cette initiative. Il est allé jusqu’à annuler les contrats signés par son prédécesseur Joseph Kabila avec les Chinois.

En effet, dès son accession au pouvoir, l’une des premières décisions prises par Félix Tshisekedi fut la disqualification du consortium sino-espagnol sur le complexe hydroélectrique d’Inga (avec ses différents groupes : Inga I pour 351 MW, Inga II pour 1 424 MW, Inga III pour 4 500 MW avant le Grand Inga pour 39 000 MW. Ce dernier comprend Inga IV, Inga V, Inga VI, Inga VII et Inga III). Pour preuve, en 2021, le « marché » sera pris par la société Fortescue Metals Group du milliardaire australien Andrew Forrest (François Misser, 2021).

Félix Tshisekedi a ensuite pris la décision de mettre fin au contrat de construction de quatre ans du nouvel aéroport international de Ndjili signé avec la société chinoise WIETC sous Joseph Kabila au profit du géant turc Milvest. Jusqu’à présent, les travaux n’ont pas encore commencé. Quatre ans se sont déjà écoulés. Nous aurions déjà eu un nouvel aéroport international à Ndjili.

Selon Africa Intelligence, après la résiliation de son contrat, le chinois WIETC agite la menace d’un arbitrage. Cinq ans après la pose de la première pierre du chantier de la nouvelle aérogare de Ndjili, les autorités congolaises ont mis fin au contrat du groupe chinois WIETC. Elles souhaitent le remplacer par le turc Milvest, déjà bien implanté à Kinshasa. […] (Africa Intelligence, 2023).

En avril 2008, l’ancien Président Joseph Kabila (2001-2019) a négocié un contrat sous forme de troc – cobalt et cuivre contre construction d’infrastructures – avec un consortium chinois, pour un montant de 9 milliards de dollars. Le contrat a été réduit à 6 milliards sous la pression du Fonds Monétaire international (FMI), qui craignait que l’accord conduise le pays au surendettement et à s’endetter envers la Chine si les quantités de minerai prévues n’étaient pas extraites. . Depuis lors, près de 2,74 milliards ont été déboursés par la partie chinoise, principalement sous forme d’investissements.

Ce contrat minier entre la RDC, premier producteur mondial de cobalt et premier producteur africain de cuivre, et la Chine a été révisé le 14 mars à Kinshasa, avec la signature d’un nouvel avenant pour 17 ans et 7 milliards de dollars, en présence du président congolais Félix Tshisekedi lui-même (Jeune Afrique, 2014).

Le président Tshisekedi a été loué en Occident pour avoir rééquilibré le « contrat chinois » jugé inégal au détriment de la RDC.

Mais voilà que maintenant Félix Tshisekedi affirme que « la Chine et la Russie s’en sortent mieux que les Occidentaux en Afrique » (…) – Sputnik. 2024).

Attendons voir si Félix Tshisekedi a réellement tiré les leçons de l’histoire et de son expérience. Comme nous commémorons le 64ème anniversaire de l’indépendance de notre pays la République Démocratique du Congo, soit le 30 juin 2024; cela exige de nous une auto-évaluation historique, en tant que pays et peuple. Nous devons donc revisiter notre histoire, tirer toutes les leçons que notre passé nous offre, amorcer un nouveau départ pour mieux faire dans l’avenir.

Après tout, c’est le Président Chinois Xi Jinping qui a dit à juste titre: « L’histoire est le meilleur enseignant. Elle enregistre fidèlement les traces du chemin parcouru par un pays et offre des leçons pour son développement futur. » (CCTV.com, 2014).

Apparemment, le Congo de Félix Tshisekedi perd du temps au lieu de tirer profit de l’initiative « la Ceinture et la Route », susceptible de contribuer à libérer le pays de Patrice Lumumba et Laurent Désiré Kabila de l’autocolonisation et de la stagnation du développement où les infrastructures constituent encore un goulot d’étranglement à ce développement. Là encore un proverbe chinois dit que « si vous voulez devenir riche, commencez d’abord par construire des routes ». À partir de là, nous pourrons transformer nos ressources sur place afin de créer des emplois et des marchés au profit de nos populations après avoir exploité les nouvelles technologies.

Après tout, « l’Initiative la Ceinture et la Route », proposée en 2013 par le Président Chinois Xi Jinping, reconstituant et étendant des aspects clés de l’ancienne Route de la soie se donne comme objectifs : coopération gagnant-gagnant, échanges commerciaux, investissements dans des infrastructures et connectivité, gouvernance régionale et liens entre les peuples (China Insight, 2023).

Théoriquement, l’initiative « Programme de développement des 145 territoires » de Félix Tshisekedi partage quasiment les mêmes objectifs que l’Initiative la Ceinture et la Route qui repose sur la coopération Sud-Sud mais n’est pour autant pas exclusive. Cela favorise plutôt la prospérité commune de l’humanité. C’est la question « Qu’en dira-t-on en Occident si le Congo s’implique sérieusement dans l’initiative la Ceinture et la Route ? » qui pose problème. Là encore, un proverbe africain dit : « Si tu es en train de te noyer, tu ne regardes pas la main qui est tendue vers toi, tu la saisis ». A bon entendeur, salut !

REFERENCES :

Malonga, Samuel, « Les élections en RDC de 1957 à nos jours », publié en ligne sur le site Internet de la diaspora congolaise dénommé MBOKA MOSIKA, janvier 2019. ttps://www.mbokamosika.com/2019/01/les-elections-en-rdc-de-1957-a-nos-jours.html. Date de consultation : le 28 juin 2024.

Radio Okapi, Guerre au Nord-Kivu: les Etats-Unis condamnent les récentes incursions du M23 dans la cité de Sake, 18/02/2024. https://www.radiookapi.net/2024/02/18/actualite/securite/guerre-au-nord-kivu-les-etats-unis-condamnent-les-recentes-incursions. Date de consultation: 28 juin 2024.

Jeune Afrique/Agence France Presse (AFP), Est de la RDC : Washington accuse le Rwanda, 6 mai 2024. https://www.jeuneafrique.com/1565187/politique/est-de-la-rdc-washington-accuse-le-rwanda/. Date de consultation; 28 juin 2024.

Ministère du Plan, Détails projet Programme de developpement local des 145 territoires, 9 avr. 2024. https://plan.gouv.cd/projects/programme-de-developpement-local-des-145-territoires. Date de consultation; 28 juin 2024.

François Misser, RDC : La Chine perd du terrain, Washington veut en tirer parti, La Libre Belgique/Afrique, 8 septembre 202. https://afrique.lalibre.be/63457/rdc-la-chine-perd-du-terrain-washington-veut-en-tirer-parti/. Date de consultation; 28 juin 2024.

Africa Intelligence, Aéroport de Ndjili : après la résiliation de son contrat, le chinois WIETC agite la menace d’un arbitrage, 10/07/2023. https://www.africaintelligence.fr/afrique-centrale/2023/07/10/aeroport-de-ndjili–apres-la-resiliation-de-son-contrat-le-chinois-wietc-agite-la-menace-d-un-arbitrage,110001492-art. Date de consultation; 28 juin 2024.

Jeune Afrique, Contrat du siècle en RDC : le rééquilibrage des profits acté dans un avenant, 15 mars 2024. https://www.jeuneafrique.com/1547806/economie-entreprises/contrat-du-siecle-en-rdc-le-reequilibrage-des-profits-acte-dans-un-avenant/. Date de consultation; 28 juin 2024.

“Chinese President speaks in Berlin,” CCTV.com, March 29, 2014, http://english.cntv.cn/2014/03/29/VIDE1396039077777643.shtml, Date de consultation: le 28 juin 2024.

China Insight, la ceinture et la route » pour la coopération international, Bureau de Presse du Département International du Comité Central du PCC, 2023. https://www.idcpc.org.cn/english/chinainsight/202311/P020231128631954833703.pdf. Da

te de consultation: le 28 juin 2024.