Luanda : Kinshasa aurait perdu le leadership obtenu à Windhoek ?
Le communiqué final du Sommet SADC, EAC, CIRGL et CEEAC sur la situation sécuritaire dans l’Est de la RDC tenu à Luanda le mardi 27 juin 2023, en concrétisation de l’initiative de la Troïka de la SADC confiée à l’Union Africaine le 8 mai dernier, comprend au total 22 points.
Objectif annoncé : adoption du «Cadre conjoint de coordination des initiatives de paix à l’Est de la République démocratique du Congo (RDC) par la Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC), la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC), la Conférence internationale sur les Grands Lacs régionale (CIRGL), la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) et les Nations unies (ONU) sous les auspices de l’UA, qui harmonise les initiatives du quadripartite conformément à leurs instruments et décisions pertinents avec une répartition claire des responsabilités et des accords délais». C’est au point 10.
Au point 11, il est question d’approbation de la « création d’un ‘Groupe de travail de coordination à plusieurs niveaux’ composé de représentants de la RDC et du Rwanda, de l’UA, des présidents de l’EAC, de la CIRGL, de la SADC et de la CEEAC, ainsi que de l’ONU, avec un accent sur les questions politiques, diplomatiques, militaires, humanitaires et socio- économiques pour faciliter l’échange continu d’informations afin de favoriser la cohérence ; ordonne que le groupe de travail soit coordonné sous les auspices de l’U».
Retenons la précision « sous les auspices de l’UA ».
Information importante pour le commun des mortels : les engagements financiers pris par l’Union africaine et la Cae pour 2 millions de dollars américains, le Sénégal pour 1 million d’euros et le Gabon pour 500 milles. Soit moins de 4 millions de dollars américains (points 17-18-19).
Quelle est cependant la part respective de la SADC, de la CIRGL et de la CEEAC ? Le communiqué est muet. Et celle de la RDC, pays concerné ? Silence aussi.
Or, il est établi que l’argent étant le nerf de la guerre, et une loi non écrite voulant que celui qui finance commande, le succès du processus de Nairobi est tributaire des moyens financiers mis à la disposition de la force régionale de la Cae déjà déployée et de la force régionale de la Sadc à déployer.
Et pour cause !
Au point 8 de son communiqué final, le sommet de Luanda dit saluer «*les progrès réalisés dans la préparation des sites de pré-cantonnement et de cantonnement pour le désarmement du M23, tout en soulignant la nécessité de poursuivre la mise en œuvre du Programme de Désarmement, Démobilisation, Réintégration et Stabilisation Communautaire (DDRC- S) pour les ex- combattants».
Une telle opération exige un budget conséquent. D’où nécessité des contributions additionnelles plus importantes.
Le plus dur, cependant, est l’absence, dans ce communiqué, de toute allusion au dernier sommet de la Troïka de la Sadc tenue le 8 mai 2023, s’agissant du déploiement de la force régionale de la Sadc. De même que la non-rétention de la confirmation du leadership de la RDC sur la quadripartite, n’en déplaise au VPM Christophe Lutundula qui soutient le contraire, s’agissant du second.
En effet, sur Rfi, circonscrivant ce leadership le 29 juin 2023, il déclare : «Ça veut dire que rien ne pourra se décider sans la RDC. C’est la RDC qui définit ce qu’elle veut obtenir des communautés régionales, de l’Union africaine et de tous ceux qui viennent appuyer ses efforts».
Dès lors que ces deux dispositions n’apparaissent pas dans le communiqué du sommet de Luanda, le Président de la République Félix Tshisekedi ne peut pas ne pas se sentir interpellé.
Il est bon de rappeler les points 10 et 11 du sommet de Windhoek le 8 mai dernier pour saisir l’impératif de ne jamais les oublier dans la confection des communiqués finaux à venir, c’est-à-dire les intégrer dans l’ordre du jour de chaque sommet ultérieur.
Le point 10 indique : «Le Sommet a approuvé le déploiement d’une force de la SADC, en vertu du cadre de la Force en attente de la SADC, en tant que réponse régionale pour soutenir la République démocratique du Congo dans ses efforts de restauration de la paix et de la sécurité à l’est du pays».
Le point 11 précise : «Le Sommet a approuvé la position commune de la SADC, à savoir une approche plus coordonnée, compte tenu des nombreux déploiements effectués en vertu d’ententes multilatérales et bilatérales à l’est de la République démocratique du Congo et a exhorté le gouvernement de la République démocratique du Congo à mettre en place les conditions et les mesures nécessaires devant faciliter la coordination efficace des forces sous-régionales et des partenaires bilatéraux qui opèrent dans le pays».
L’absence de ces dispositions pertinentes du communiqué de la première quadripartite incite à croire à la remise en cause, à Luanda, du leadership obtenu Windhoek !
La veille de la célébration du 63eme anniversaire de l’accession du pays à l’indépendance, ce n’est pas bon. Pas du tout.
Déjà, la RDC a un problème sérieux de constance dans la gestion des processus de Luanda et de Nairobi. Dans une interview à la presse le 14 mai dernier, le Vice-Premier ministre Christophe Lutundula déclarait au sujet de la Sadc : «La force pourrait arriver en RDC entre le 15 et le 20 juin». On est aujourd’hui le 30 juin 2023.
C’est encore lui qui, le 15 mai, va annoncer l’échec de la force régionale de la Cae. «Les troupes de l’EAC, qui sont venues rétablir la sécurité dans l’Est de la RDC, ont échoué. La SADC enverra des troupes en attendant la fixation des modalités d’ici le 15 juin», a-t-il dit, préparant l’opinion congolaise à croire à une « remise-reprise » au cours du mois de juin qui s’achève.
Entre-temps, tout le monde sait que lors du sommet du 21ème sommet extraordinaire de la Cae à Bujumbura le 31 mai dernier, les sept pays membres – dont la RDC – ont convenu du maintien des mêmes troupes au moins jusqu’au 8 septembre 2023. C’est-à-dire de plain-pied dans la période électorale.
Quel est cet esprit rationnel qui voit cette force quitter le pays à cette période précise ?
Et quoi de plus normal que ce flottement suscite des doutes et nourrisse des angoisses ?
Espérons qu’au prochain débriefing sur la Rtnc (Patrick Muyaya doit apprendre à respecter le JT de 20H car c’est une heure sacrée pour les téléspectateurs), Christophe Lutundula y reviendra pour rassurer.
Dans la pratique, l’opinion pardonne facilement au chef de l’Etat certains ratages.
Pas au professionnel de la fonction censé être le ministre des Affaires étrangères.
Omer Nsongo die Lema