Malangu Kabedi Mbuyi : « Tout est fait pour qu’il n’y ait pas de surchauffe démesurée sur le marché des changes »
Après la réunion du Comité de politique monétaire qu’elle a présidée le 19 juin 2023, Mme le Gouverneur de la Banque centrale du Congo (BCC), Malangu Kabedi Mbuyi a accordé une interview, le vendredi 23 juin dernier à quelques organes de presse tirés à la volée, notamment la Rtnc, L’Avenir (lequotidienrdc.com) et Zoomeco. A l’occasion, elle a donné les contours de deux grandes décisions prises par le CPM, tout en examinant la situation économique de la Rdc à la première et 2ème moitié de l’année, avant de donner les perspectives.
Cette réunion du Comité de politique monétaire (CPM) s’est traduite par une décision importante, celle de resserrer d’avantage la politique monétaire. Ce resserrement s’est fait à travers deux instruments importants que la Banque centrale du Congo (BCC) utilise dans la conduite de la politique monétaire. Il s’agit du taux directeur qui a été porté de 9 à 11% et du taux du coefficient de la réserve obligatoire qui a été porté de 0 à 10%. Pour cet instrument, explique-t-elle, le relèvement du coefficient de 0 à 10% porte uniquement sur les dépôts en Francs congolais à vie et non à terme. Les dépôts à terme, c’est ce qui constitue la base que les banques peuvent utiliser pour faire du crédit en Francs congolais. Le CPM a aussi noté l’importance dans la conduite de la politique monétaire que la BCC renforce les actions de coordination entre la politique monétaire et la politique budgétaire. Parce que c’est la combinaison de ces deux qui permet une bonne participation à la stabilité du cadre macroéconomique. C’est quelque chose qui se fait depuis les deux dernières années et qui va se poursuivre pour le reste de cette année dans le cadre de la décision qui a été prise.
Pourquoi ces décisions ?
Pour Mme Malangu Kabedi Mbuyi, ces décisions vont aider à renforcer, à rendre plus efficace les actions de la Banque centrale. De quelle façon ? Ces instruments permettent à la BCC de renforcer la gestion de la liquidité dans le système bancaire. C’est cette liquidité qui va se porter pour la demande des biens et services. Lorsqu’il y a une portion qui est excédentaire, cela peut contribuer à des pressions sur le marché des biens et services et donc, l’inflation, c’est cette liquidité lorsqu’elle est excédentaire se porte aussi sur la demande de la devise, amène des pressions sur le marché des changes et à la dépréciation du taux des changes.
Donc ces deux instruments permettent à la BCC de renforcer l’efficacité de son action dans la gestion de la liquidité de manière à atteindre l’objectif de la stabilité des prix et à contribuer à la réduction des pressions sur le marché des changes. Ces deux mesures très importantes qui, au vu des développements économique jusqu’à fin juin et des perspectives pour le reste de l’année, sont très importantes pour la BCC de veiller à ce que les anticipations au niveau de l’inflation ne deviennent pas un crêt.
Qu’on ne s’attende pas à ce que l’inflation va nécessairement continuer à s’accélérer, parce que la BCC, dans la conduite de la politique monétaire se rend compte qu’il y a risque de l’augmentation de la liquidité excédentaire ou qu’il y a des pressions sur le marché des changes, et le marché des biens et services qui vont avoir de l’impact sur la dépréciation du taux de changes et sur l’inflation. C’est ainsi que la BCC va utiliser ces instruments en combinaison avec ses autres actions pour arriver à contribuer à l’objectif de la stabilité des prix, pour arriver à contribuer à réduire les pressions sur le marché des changes.
Quid de la situation économique au 1er semestre 2023 ?
A en croire Mme le Gouverneur de la Banque centrale du Congo, au cours de la première moitié de l’année 2023, l’économie congolaise, comme beaucoup d’économies dans le monde, a continué à faire face aux effets néfastes des chocs qui l’ont affecté et qui ont amené des pressions au niveau du marché des changes, de l’inflation et des finances publiques.
Il s’agit essentiellement de l’impact sur l’économie mondiale et sur notre économie de la guerre en Ukraine, mais aussi de la guerre à l’Est de notre pays. Lorsqu’on prend ces différents effets, on voit par exemple qu’au niveau des prix, à mi-juin, l’inflation était autour de 9,2% et cette augmentation des prix reflète essentiellement l’augmentation des prix des produits alimentaires qui ont la part la plus importante dans l’indice des prix à la consommation et utilisé pour calculer l’inflation. Et la hausse des prix des produits alimentaires reflète à son tour en grande partie la hausse des prix à l’importation.
Comme vous le savez, notre économie reste encore largement dépendante des importations, y compris des produits alimentaires et nous savons qu’aujourd’hui à travers le monde, tous les pays sont en train de prendre des mesures pour lutter contre l’inflation. L’inflation a augmenté dans beaucoup de pays et donc lorsque nous importons, en comparant à la période avant la guerre en Ukraine, on importe aussi l’inflation qui sévit dans les pays d’où viennent nos importations. Donc, ça contribué depuis la guerre en Ukraine, cette inflation importée continue à avoir des effets dans notre pays.
« Donc je disais que les effets néfastes des chocs ont augmenté des pressions sur l’inflation, mais aussi ça contribué à une hausse des pressions sur le marché des changes. On a vu ça vers la fin de l’année dernière, mais aussi en janvier-février », dit-elle, avant de préciser que cet impact sur le marché des changes a amené des actions au niveau de la BCC.
Il faut aussi noter que les réserves des changes sont restées à un niveau satisfaisant, dans la mesure où, même dans le cadre du programme avec le FMI, l’objectif d’accumulation des réserves avait été atteint et si l’on prend la date du 16 juin, les réserves étaient autour de 4,2 milliards de dollars, correspondant à 2,3 mois d’importations des biens et services.
Les perspectives sont bonnes pour le reste de l’année 2023
Pour Mme Malangu Kabedi Mbuyi, Gouverneur de la Banque centrale du Congo, ceci veut dire que jusqu’à présent, la croissance dans notre économie reste tirée par le secteur minier. Et les perspectives de développement et les prix internationaux en ce qui concerne le secteur minier sont bonnes. Il est donc attendu sur l’ensemble de l’année, lorsqu’on regarde l’évolution jusque juin, et on voit les projetions pour l’année prochaine, la croissance pourrait être près de 7%.
« A travers des actions au niveau de l’évolution de la politique monétaire et la coordination qui sera faite, on s’attend à ce que l’inflation ne continue pas à s’accélérer. Bien entendu comme je l’ai dit, il y a l’inflation importée, on est autour de 9% à mi-juin, on s’attend à ce que l’inflation se situe autour de 11,5%, ce qui est une réduction par rapport au niveau atteint en décembre 2022 qui était de 13,1%. On s’attend aussi à ce que les efforts d’accumulation des réserves se poursuivent, de manière à ce qu’on puisse passer de 4,2 milliards à un niveau beaucoup plus élevé. Et ces éléments font aussi partie des engagements que notre pays a pris dans le cadre du programme soutenu par le FMI, précise-t-elle.
Etant donné les incertitudes sur la réduction ou l’arrêt des chocs qui affectent notre pays comme toutes les autres économies du monde, étant donné ces chocs et leurs effets, atteindre ces objectifs demandent une vigilance accrue par rapport aux missions confiées à la BCC. Donc, par rapport au suivi du développement du marché des changes, des développements en ce qui concerne l’inflation, de manière à ce que lorsqu’on se rend compte qu’il y a un risque d’un choc additionnel qui pourrait nous empêcher d’atteindre ces objectifs, les mesures correctives sont prises, la coordination est faite, de manière à ce qu’il n’y ait pas de surchauffe démesurée sur le marché des changes, ou qu’il n’y ait pas une accélération au niveau de l’inflation.
Jean-Marie Nkambua