Manifestations en France : un test pour l’engagement du gouvernement envers les droits humains
Depuis janvier 2023, des millions de personnes manifestent pacifiquement en France contre une réforme des retraites qui repousse de deux ans l’âge de départ à la retraite, le portant à 64 ans.
La semaine dernière, alors que le président Emmanuel Macron semblait ne pas être en mesure de réunir les voix nécessaires à l’adoption du projet à l’Assemblée nationale, la Première ministre a invoqué l’article 49-3 de la constitution pour contourner le vote. Cette décision a suscité la colère des manifestants et provoqué de violents affrontements entre certains d’entre eux et la police.
De nombreuses vidéos, photos et témoignages circulant sur les réseaux sociaux et les médias traditionnels suggèrent que la police a eu recours à une réponse apparemment excessive, disproportionnée et indiscriminée.
Associations et organismes indépendants de défense des droits, dont la Commission nationale consultative des droits de l’homme, ont critiqué la police française pour son usage excessif de la force et des arrestations préventives qui pourraient s’apparenter à une privation arbitraire de liberté. Le 21 mars, la Défenseure des droits a noté que « cette pratique peut induire un risque de recourir à des mesures privatives de liberté de manière disproportionnée et de favoriser les tensions. » Selon Reporters sans frontières, « plusieurs journalistes clairement identifiables ont été agressés par des forces de l’ordre alors qu’ils couvraient des manifestations contre » la réforme des retraites.
Le 20 mars, le rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits à la liberté de réunion pacifique et d’association a averti les autorités françaises que « les manifestations pacifiques sont un droit fondamental que les autorités doivent garantir et protéger. Les agents des forces de l’ordre doivent les faciliter et éviter tout usage excessive de la force. »
L’usage excessif de la force par la police lors de manifestations n’est pas nouveau en France. En décembre 2018, Human Rights Watch avait documenté des blessures causées par des armes de la police lors des mobilisations des « gilets jaunes » et de manifestations étudiantes, notamment des personnes dont les membres ont été brûlés ou mutilés par l’utilisation présumée de grenades lacrymogènes instantanées. Nous avions également recensé les cas de personnes blessées par des balles en caoutchouc, ainsi qu’une utilisation disproportionnée de gaz lacrymogène et de grenades de désencerclement.
Alors que les manifestations se poursuivent, les autorités françaises doivent respecter les droits des manifestants, vérifier que les tactiques policières sont nécessaires et proportionnées, enquêter sur les allégations d’usage excessif de la force et demander des comptes aux agents de police responsables d’abus. Elles doivent s’assurer que, lors des manifestations, les forces de l’ordre ne recourent à la force qu’en cas de stricte nécessité, conformément aux normes internationales.
Le gouvernement d’Emmanuel Macron doit démontrer son attachement aux droits à la liberté d’expression et de réunion, dont celui de manifester pacifiquement.
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