Minorités en Rdc : l’Allemagne piégée, elle aussi ?

Le tweet date du 12 janvier 2023. Emanant de l’ambassade de l’Allemagne en RDC, il est ainsi libellé : « Stop au discours de haine contre les rwandophones et à la chasse aux sorcières contre les rwandophones en #RDC ! J’ai assuré le VP Honoraire Ruberwa de mon soutien et de ma #solidarité avec les #Banyamulenge ». Sont concernés le ministre des Droits humains Fabrice Puela, la représentation de l’Union européenne en RDC et la Commission onusienne des Droits de l’homme. La photo d’accompagnement fait apparaître Azarias Ruberwa aux côtés de l’ambassadeur Olivier Schnakenberg.  Cette mise en garde est aussi dans la prise de position de l’Union européenne du 31 décembre 2022 et du Département d’Etat du 3 janvier 2023. L’autre dirait, non sans raison, « rien de nouveau sous le soleil ».

Pourtant, il y a quelque chose de nouveau sous le soleil en ce que l’Allemagne n’est pas n’importe quel pays par rapport à la communauté tutsi tout court, omniprésente au Rwanda et au Burundi, mais aussi en Ouganda et en RDC, bref dans la sous-région des Grands Lacs africains. Communauté qui serait même en Ethiopie, à Djibouti, en Somalie et au Kenya du fait d’être nilotique.

Pour l’Histoire, de la Conférence internationale de Berlin sur le partage de l’Afrique organisée à Berlin en 1885 d’ailleurs sous le chancelier Otto Bismarck, l’Allemagne avait obtenu le Togo, le *Cameroun* , le *Rwanda* , le *Burundi* , la *Tanzanie* et la *Namibie*.

Au lendemain de sa défaite lors de la Première guerre mondiale (1914-1918), elle se fit arracher ses colonies et protectorats. Ainsi, le Togo fut cédé à la France, le Cameroun à la France et à l’Angleterre, le Rwanda et le Burundi à la Belgique, la Tanzanie à l’Angleterre et la Namibie à l’Afrique du Sud.

Aujourd’hui, par la volonté des Etats-Unis, *l’Allemagne est redevenue la plaque tournante de la politique américaine pour l’Afrique. *

C’est ainsi que Stuttgart abrite *Africom*, Commandement militaire des USA pour l’Afrique.

Occasion pour « *BALISES* » de revenir sur le communiqué du 9 août 2022 lors de la prise de fonction du général Michael Langley.

« _Les trois dernières années ont été une éducation et l’Afrique est infiniment fascinante, le continent est grand, complexe et diversifié. L’Amérique ne peut pas se permettre d’ignorer l’Afrique – *la sécurité future de l’Amérique, et je crois que la prospérité – dépend d’une Afrique plus sûre et plus prospère*_ », avait déclaré le général Stephen G.Townsend le jour de la remise-reprise avec son successeur.

 *Cette Afrique plus sûre et plus prospère est en train de se redessiner justement en Allemagne dans une sorte de Berlin II virtuelle. *

C’est lors de sa visite en Allemagne en 2022 que l’archevêque de Bunia, Mgr Dieudonné Uringi, a découvert la nouvelle carte de la *RDC avec 4 Etats*. Le prélat avait été précédé par d’une délégation de la Société civile du Kivu « managée » pour accepter la création de la *République du Kivu*. Motif évoqué : Kinshasa serait trop loin pour une gouvernance conséquente.

L’Allemagne – on doit le lui reconnaître à son corps défendant – peine effectivement de la survenance du génocide rwandais 50 ans après le génocide juif. Cette double tragédie la touche du fond du cœur.

Aussi, est-elle devenue *sensible à la protection des minorités* , surtout celle à laquelle elle est liée par l’Histoire : la *communauté Tutsi*.

Il va sans dire que lorsque Olivier Schnakenberg, son ambassadeur en RDC, recommande aux autorités congolaises de la retenue dans la question ultrasensible de la protection des Rwandophones (en vérité des Tutsi), retenue à laquelle – c’est pourtant de notoriété publique – les officiels exhortent la population congolaise, c’est par rapport à son histoire coloniale certes, mais aussi au rôle délicat que lui fait jouer Washington.

Et lorsque Oliver Schnakenberg s’affiche avec Azarias Ruberwa dans son tweet, l’embarras de Kinshasa exprimé par le VPM Christophe Lutundula se comprend.

Faut-il encore que la *victimisation* cesse de nourrir des prétextes à des guerres.

Depuis une vingtaine d’années, l’insécurité à l’Est de la RDC s’explique par la *victimisation* . Conséquence tragique : des millions de congolais innocents perdent vie, membres du corps et biens pour cause des guerres cycliques. A un moment donné, il faut bien qu’on arrête de jouer ce jeu…

 Omer Nsongo die Lema

In LPDA du 18 janvier 2023