Muyaya est ferme : « Kagame a perdu la boussole »

En séjour dans un pays africain, le président rwandais Kagame s’est permis de déclarer que son pays avait des territoires à récupérer en Rdc. Ça été une prise de parole inappropriée pour un Kagame déconnecté de l’histoire de son propre pays. En réaction à ce discours suranné, le porte-parole du Gouvernement, Patrick Muyaya en séjour à Goma a laissé entendre que le président rwandais a perdu la boussole.

Devant la presse réunie dans un hôtel de Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu, Patrick Muyaya qui a analysé les derniers discours de Kagame constaté qu’il y a quelques mois, il parlait de la traque des FDLR. Et on disait, il y a un discours de la haine, d’où la nécessité de protéger la communauté ; et puis on dit, on ne veut pas récupérer les réfugiés congolais qui sont au Rwanda…et depuis quelques temps nous observons un discours qui tend à parler de la frontière, de manière expresse qu’il le fait, parce qu’il a l’habitude de travestir l’histoire.

« Il peut le faire dans son pays, le Rwanda, mais pas en Rdc », tranche Muyaya qui rappelle qu’en juin 2018, il y a eu signature d’un accord de démarcation définitive des frontières entre Henry Mova Sakany et James Kabarebe. « Nous considérons qu’il n’y a pas de débat particulier, si ce n’est de provoquer une fois de plus la Rdc. Pour nous, c’est clair, nous avons souscrit à la feuille de route de Nairobi qui dresse la voie pour le retour de la paix en Rdc. Tout ce qu’il doit faire, c’est de s’assurer qu’il respecte ce qui est comme sa responsabilité. Parce que de toute évidence, c’est lui le créateur et le porte-parole du M23 », indique le porte-parole du Gouvernement.

Kagame doit cesser de chercher de faux-fuyants

Muyaya n’a cessé de démontrer que le discours tenu par Kagame n’est autre que de la provocation. De toute évidence, dit-il, il est important pour nous de ne pas donner échos à ce discours, d’autant plus qu’il tend à changer le débat dans sa stratégie de manipulation actuelle. Maintenant que nous avons démontré que le FDLR est un parfait faux prétexte pour envoyer ses troupes en Rdc, maintenant qu’on a démontré que la question des réfugiés est un alibi, d’autant plus que nous avec le HCR on a déjà commencé la collaboration.

A ce sujet, la Rdc n’a jamais dit non au retour de nos compatriotes au Rwanda. D’ailleurs, il oublie de dire qu’il y a plus de réfugiés rwandais en Rdc que des réfugiés congolais au Rwanda. Le président de la République, lors de son séjour à Genève, a rencontré dans cet esprit le patron du HCR pour dire la disponibilité de la Rdc de faciliter le retour de ces compatriotes, à une seule condition : nous travaillons de manière conjointe entre la Rdc, le Rwanda et le HCR et qu’avant un quelconque retour des réfugiés, les autorités traditionnelles et la société civile doivent participer dans l’identification des compatriotes qui veulent revenir.

De toute évidence, constate Muyaya, c’est là qu’il y a une forme de dichotomie dans la démarche de Kagame. « Vous ne pouvez pas vouloir retourner les réfugiés qui ont fui l’insécurité dont il est à la base, … C’est parce que nous avons détricoté chaque point de sa stratégie de manipulation mensongère, qu’il pense aujourd’hui vouloir orienter le débat autrement. Il ne nous trouvera pas. Il n’a qu’à se référer à la Belgique qui pourra lui fournir des éléments. Nous pensons qu’il doit cesser de chercher de faux-fuyants, mais qu’il doit s’assumer par rapport à ce qu’il a signé dans le cadre de la feuille de route de Luanda à savoir, à cesser de soutenir le M23 et comme le Pape l’avait dit, de retirer ses mains de la Rdc », martèle le porte-parole du Gouvernement.

Muyaya ne comprend pas cette forme de dualité de la position ougandaise par rapport à la crise dans l’Est de la Rdc

Au sujet du report de la réunion des ministres de la défense de l’EAC, Muyaya avoue qu’il n’a pas de confirmation quant à ce. Mais la Rdc souhaite avoir des discussions franches. « Nous savons que le mandat de la force régionale avait expiré au 31 mars, et qu’aujourd’hui il y a un besoin, avant de faire le renouvellement, quoi qu’on dise, nous sommes dans un processus qui est très critique : ils se retirent, ils ne se retirent pas ».

Certes, il y a des mouvements qui ne sont pas au rythme de ce que nous nous voulons. L’idée ici ce ne pas offrir de nouveaux prétextes pour continuer à endeuiller la population, dans un contexte d’organisation des élections. Ce processus permet de discuter de l’avenir de la force régionale. Parce qu’il y a des points dont nous ne sommes pas d’accord dans la manière où les choses ont fonctionné. Et vous savez que comme on est dans un processus sensible, la discussion que nous avons avec l’EAC, c’est aussi de nous rassurer qu’au fur et à mesure qu’ils se retirent, de retourner d’abord les Administrateurs de territoires (vous savez que nous sommes sous-état de siège), la procédure première pour nous, c’est de nous rassurer qu’il y a cessez-le feu.

En tout cas, observe-t-il, du 18 au 28 mars, vous avez constaté qu’il n’y avait pas de confrontations, au-delà de ce qu’on a entendu ces derniers jours. « Nous voulons donner la chance à ce processus. La discussion avec la force régionale sera celle de vérité. Vous avez vu dernièrement à Kinshasa que le chef d’Etat-major de l’armée ougandaise a été reçu, parce qu’il y a des besoins en ce qui concerne l’Ouganda, d’avoir une clarification sur l’attitude à tenir », souligne Patrick Muyaya, avant d’ajouter que depuis que ce processus a commencé, nous restons sceptiques, parce que nous connaissons les acteurs.

La question avec l’Ouganda est un peu bizarre, parce que les militaires ougandais meurent au front avec nos militaires pour combattre les ADF. On ne peut pas comprendre cette forme de dualité de la position ougandaise par rapport à la crise dans l’Est de la Rdc.

Muyaya adresse un message de compassion et de solidarité aux congolais de Bushagara

A la question de savoir, quel est le message adresse aux Congolais du camp de Bushagara ? A en croire Patrick Muyaya, le message pour les compatriotes de Bushagara, est un message de compassion et de solidarité. « Tant pour le chef de l’Etat que pour le Gouvernement, l’urgence, c’est d’apporter l’appui maintenant. On les évalue entre 800.000 et 1 million repartis dans plusieurs camps », dit-il.

A l’en croire, le travail qui se fait avec les humanitaires n’est pas suffisant. « Nous pensons que la meilleure manière est dans la durée, de nous rassurer que les compatriotes retournent dans leurs milieux d’origine pour continuer à vaquer dans des conditions acceptables », précise-t-il.

Muyaya est revenu sur la démarche initiée par le Vice-Premier ministre, ministre des Affaires étrangères et Francophonie, qui a saisi le Secrétaire de la communauté d’Afrique de l’Est pour lui notifier un grand nombre des conditions que la Rdc souhaite être remplies. Parce qu’elle pense que si le processus de retrait est respecté, il n’y aura plus d’utilité d’avoir cette force.

A suivre…

Jean-Marie Nkambua