Nord-Kivu: Communautés d’accueil et déplacés peinent à accéder aux services essentiels
Depuis le début de l’année, l’intensification des affrontements entre acteurs armés dans plusieurs régions du Nord-Kivu a entraîné le déplacement d’environ 600 0001 personnes. Sur place, nos équipes constatent une aggravation des besoins humanitaires, aussi bien pour les déplacés que pour les communautés qui les accueillent. L’insécurité croissante complique également l’acheminement de l’aide dans les zones les plus violemment touchées.
Selon les Nations unies, seuls 18 pour cent des personnes déplacées ces 6 derniers mois dans la province du Nord-Kivu vivent dans des sites et des centres collectifs dédiés, alors que 82 pour cent sont hébergées dans des familles d’accueil. C’est le cas à Oïcha, une commune rurale de 360 000 habitants au nord de la ville de Beni.
Depuis une décennie, indique une dépêche du CICR, la population y vit prise en étau entre l’activisme des groupes armés locaux, les attaques attribuées aux ADF (Allied Democratic Forces ou Forces démocratiques alliées) et les conséquences des opérations militaires conjointes des armées congolaise et ougandaise contre les ADF. On estime à 165 000, le nombre de personnes déplacées à Oicha. Les centres collectifs prévus pour accueillir 5700 personnes sont en fait saturés, avec 7200 personnes hébergées, selon le Comité de déplacés d’Oicha. Les autres personnes ayant fui les combats dépendent de la population locale pour se loger ou trouver de quoi manger et boire au sein de la commune.
Imelde Kavira Shaonere, 55 ans, déplacée à Oïcha depuis une année, raconte son calvaire : « Je me suis enfuie avec mes petits-fils et d’autres enfants qui ont perdu leurs parents lors des combats. Nous vivons à 20 personnes dans une même maison que je loue à 24 000 francs congolais (10 USD) par mois. Je suis sans travail. On m’a déjà demandé de libérer les lieux, faute des moyens. Il est difficile de trouver de la nourriture, de se faire soigner ou d’avoir de l’eau potable. Nous souffrons énormément. »
Le CICR a lancé, fin juin 2023, deux projets de forage pour améliorer l’accès à l’eau potable. Plusieurs bornes fontaines alimenteront les sites de déplacés ainsi que certains quartiers densément peuplés, où sont hébergées la majorité des familles déplacées. Le CICR soutient également depuis le début du mois d’août 2023 le Centre de santé (CS) de Mbimbi ainsi que l’Hôpital général de référence de Oicha pour les urgences vitales transférées du CS de Mbimbi, permettant ainsi à près de 24 000 personnes d’accéder gratuitement aux soins médicaux.
Des pauvres qui assistent d’autres pauvres
Plus au sud de la province du Nord-Kivu, dans les territoires de Rutshuru et de Masisi, les deux greniers de la ville de Goma, la situation est similaire. Des combats entre la branche armée du Mouvement du 23 mars (M23) et d’autres groupes armés ont entraîné le déplacement d’au moins 78 000 personnes durant les mois de juin et juillet 2023. À Nyabiondo uniquement, un peu plus de 7800 personnes2 se sont ajoutées aux 2000 autres arrivées au mois de février. Eux-mêmes affectés par les combats et le manque de ressources, les habitants se voient forcés de partager le peu dont ils disposent.
« J’ai reçu sept familles déplacées avec qui je n’ai aucun lien de parenté. A leur arrivée, je leur ai donné des régimes de bananes pour se nourrir. Mais au bout de trois jours, j’ai dû leur demander de se débrouiller », se souvient Kengo Lukoo Bandu, la quarantaine, père de neuf enfants et cultivateur à Nyabiondo. « Au sein de la communauté, la situation socioéconomique a changé. Le peu de nourriture qu’on avait est devenue insuffisante. Les prix ont aussi augmenté sur le marché. Avant, on consommait dix verres de riz par jour dans ma famille. Aujourd’hui, nous en sommes à la moitié. »
Que ce soit dans les sites de déplacés ou les communautés d’accueil, les besoins humanitaires ne cessent de s’accroître au Nord-Kivu. Des dizaines de milliers de personnes ont besoin d’aide d’urgence. Les acteurs humanitaires font face à un manque de financement et d’accès. Pour Anne-Sylvie Linder, la cheffe de la sous-délégation du CICR à Goma, il est nécessaire que les donateurs continuent de soutenir les activités des divers acteurs humanitaires présents dans la région.
« Au-delà de l’aide d’urgence, il faut penser à comment financer et mettre en place des solutions pérennes. Il faut aussi que les parties aux conflits s’acquittent de leurs obligations en vertu du droit international. L’accès des humanitaires aux populations civiles dans le besoin doit être inconditionnel. La situation aujourd’hui est critique et l’acheminement de l’aide humanitaire dans les zones les plus reculée est vital pour des milliers de familles. »