« One Forest Summit » : 100 millions d’euros pour des partenariats de conservation positive (PCP)

Au lendemain de la COP15 sur la biodiversité, et de l’engagement de la communauté internationale à protéger 30% de la nature d’ici 2030, plus de 20 pays représentatifs des grands bassins forestiers se sont retrouvés pendant deux jours, soit du mercredi 1er au jeudi 02 mars courant, à Libreville, capitale de la République du Gabon, pour un sommet dénommé « One Forest Summit ». Lequel est dédié à la recherche de solutions pour protéger les forêts tropicales.

Ces assises se sont tenues en présence de la communauté scientifique, de la jeunesse africaine, des chefs d’entreprises, des populations autochtones, et des dirigeants de l’UNESCO, de l’UICN, du Fonds pour l’environnement mondial et du Fonds vert pour le climat. Ce sommet de haut niveau sur la protection des forêts tropicales du Bassin du Congo est résumé en quatre points.
Le premier c’est un accord « juste » entre les pays forestiers et la communauté internationale, pour concilier ambition environnementale et développement économique. Deuxièmement, c’est une initiative phare pour protéger les réserves les plus vitales de carbone et de biodiversité : les Partenariats de conservation positive (PCP), dotés d’un premier budget de 100 millions d’euros, et d’un mécanisme de rémunération des pays exemplaires via des « certificats biodiversité ».
En troisième lieu, c’est un projet scientifique emblématique, intitulé « One Forest Vision », pour mesurer la balance nette de séquestration du carbone et cartographier à l’arbre près les réserves les plus vitales de carbone et de biodiversité d’Amazonie, d’Afrique et d’Asie dans les cinq prochaines années.
Enfin, une stratégie des chefs d’entreprises des trois bassins forestiers « 10by30 » visant à créer 10 millions d’emplois d’ici 2030 dans les activités liées à l’exploitation durable des forêts tropicales, et une série de premiers engagements concrets des entreprises.

L’esprit de Libreville : un accord juste entre la communauté internationale et les Etats forestiers
Au lendemain de la COP15, il y a eu besoin d’un « accord juste » entre la communauté internationale, dont le devenir dépend de la préservation des puits de carbone et de biodiversité, et les pays forestiers, qui souhaitent légitimement concilier ambition environnementale et prospérité économique pour leurs populations. Cet accord repose sur cinq piliers fondamentaux exprimés avec force à Libreville.
Le premier c’est l’engagement politique. A cet effet, les participants ont déclaré que « Nous ne gagnerons pas le combat contre le changement climatique sans les forêts tropicales, qui agissent comme l’un des principaux puits de carbone à l’échelle de la planète. Il faut urgemment stopper et inverser la déforestation d’ici 2030 ».

Le deuxième pilier est un principe de cohabitation entre l’homme et la nature. « Protéger la forêt nécessite une vaste palette d’outils, allant de la protection forte comme les parcs nationaux à des modes de gestion durable des ressources naturelles. Une forêt protégée, qui maintient, voire qui augmente son taux de séquestration du carbone, n’est pas fermée à l’Homme. Une forêt protégée, c’est une forêt gérée durablement, au bénéfice des populations locales », estiment les participants.
Le troisième pilier concerne une ambition environnementale qui bénéficie aux populations. Pour les participants, protéger la forêt est aussi une opportunité économique. Puisque, le potentiel de la bio-économie et de la transformation locale et durable des produits issus de la forêt est immense.
A l’inverse, la déforestation représente une menace dès aujourd’hui pour les populations : détruire les forêts, c’est mettre à mal le cycle de l’eau, la richesse des sols, perdre une diversité génétique inestimable source d’innovation et de savoir.
Le quatrième pilier c’est protéger ce qui est vital. D’autant plus que certaines réserves vitales de carbone et de biodiversité méritent un niveau de protection élevé, car leur dégradation aurait des conséquences irrémédiables. C’est le cas notamment des mangroves, des tourbières et de certaines forêts primaires qui abritent des espèces dites « parapluie » car elles soutiennent à elles seules les écosystèmes (gorilles, orangs outans, éléphants, jaguars…).
Le dernier pilier c’est celui de rémunérer les services rendus au reste du monde par les pays forestiers – Les pays forestiers en voie de développement qui s’engagent à une haute ambition pour la Nature et dont la performance est avérée doivent pouvoir être rémunérés pour cela par la communauté internationale.

Des engagements de tous les acteurs pour replacer le capital naturel au cœur de l’économie
Pour tenir leurs engagements, les participants pensent qu’il faut accroître la solidarité internationale, mais aussi démontrer que l’ambition environnementale est synonyme de prospérité économique. Le One Forest Summit se veut donc le premier sommet international à mettre au cœur des débats la question de la valorisation du capital naturel. C’est un enjeu pour les pays forestiers, mais aussi pour l’économie mondiale, qui ne peut plus considérer la nature comme un bien gratuit et inépuisable.
Afin de traduire cette approche par des actions concrètes, quatre grandes communautés d’acteurs se sont réunies à Libreville pour prendre des engagements. La communauté scientifique a lancé le projet « One Forest Vision », qui vise à mieux connaître la valeur de la forêt, en cartographiant dans les cinq prochaines années les réserves vitales de carbone et de biodiversité mondiales et en mesurant le niveau de séquestration de carbone des forêts tropicales.
Une cinquantaine de chefs d’entreprises, réunis dans un « One Forest Business Forum », ont lancé l’initiative 10by30, qui vise à créer 10 millions d’emplois dans les activités liées à la gestion durable des forêts d’ici 2030. Cette vision doit permettre d’accélérer la transition vers la bio-économie et la transformation locale, beaucoup plus rémunératrices des populations locales. Plusieurs entreprises ont fait des annonces concrètes dans ce sens, à découvrir en annexe.
Le Gabon, la France et le Canada ont lancé une plateforme intergouvernementale sur l’utilisation durable du bois et des matériaux bio-sourcés dans la construction, afin de contribuer à remplacer le béton et le ciment dans les années à venir et de transformer notamment les stratégies d’urbanisation africaines. Neuf pays au total ont décidé de rejoindre cette coalition (Cambodge, Côte d’Ivoire, République du Congo, Ouganda, Royaume-Uni, Zambie, France, Gabon, Canada).
Un autre engagement ce que les leaders du monde financier ont annoncé un plan d’action pour accélérer la production de projets de crédits carbone à très haute intégrité environnementale, qui restent encore trop peu nombreux. Ce plan repose sur des actions déterminantes et vérifiées de restauration des écosystèmes séquestrant le carbone.
Enfin, les populations autochtones sont les premières sentinelles de la forêt, par leurs savoirs et leurs traditions ancestrales, mais aussi par la relation unique dont elles sont les témoins, entre l’homme et la nature. L’Ouganda, la France et le Gabon lancent une coalition « One Forest Guardian » visant à proposer aux pays volontaires d’inscrire d’ici 2024 à la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO ces pratiques à la valeur inestimable pour le futur de l’humanité.

Protéger ce qui est vital : les partenariats de conservation positive (PCP)
Cette initiative lancée dès la COP27 propose un « contrat » politique et financier aux pays qui acceptent de garder intacte les réserves vitales de carbone et de biodiversité sur leur territoire. Il s’agit d’un plan d’investissement pour la protection des « stocks » de carbone et de biodiversité, et vise ainsi à prévenir la déforestation. Le One Forest Summit a permis de faire progresser cette initiative, avec un calendrier en trois temps.
1) Le temps de l’engagement politique. Les pays qui disposent des réserves les plus vitales de carbone et de biodiversité pourront s’engager à les protéger avec l’appui du secrétariat de la Haute ambition pour la Nature et les Peuples (HAC). C’est la première pierre de l’édifice, qui doit permettre de débloquer ensuite des financements beaucoup plus importants de la communauté internationale.
2) Le temps de la mise en œuvre, en mettant au service des pays forestiers des moyens financiers, des outils technologiques et scientifiques dans le cadre du partenariat One Forest Vision, ainsi que des solutions économiques, dans le cadre de l’initiative 10by30.
3) Le temps de la rémunération des services rendus au reste du monde. En contrepartie de l’engagement des pays forestiers, la communauté internationale mettra à disposition plus de financements, mais aussi un mécanisme de rémunération des services rendus par la nature gardée intacte, dont la séquestration du carbone. Sur la base d’un suivi rigoureux de la mise en œuvre de ces engagements et de leurs résultats, l’initiative PCP propose de créer un mécanisme de rémunération des services rendus par les pays forestiers. Les Etats engagés produiraient des « certificats biodiversité », qui pourront être achetés par des Etats souverains ou des acteurs privés à titre de contribution positive à la protection de la nature.
Pour préciser les contours de ce nouvel outil de financements innovants, y compris dans une logique combinée avec les crédits carbone (« un arbre planté, un arbre sauvé »), et afin de garantir la pleine intégrité environnementale d’un tel mécanisme, la France, le Royaume-Uni et le Gabon lancent à Libreville une plateforme intergouvernementale de préfiguration d’un marché de certificats biodiversité.
Finalement, pour initier les contrats de conservation positive dès demain, et apporter des premiers résultats tangibles à la COP28 de Dubaï, la France, Conservation International et la Fondation Walton annoncent la création d’un premier investissement pour les contrats PCP de 100 millions d’euros.

Lepetit Baende