Périls de dialoguer avec Kagame : Au-delà du ‘non’ de Félix Tshisekedi, l’Ubwenge !

Le président de la République Démocratique du Congo, Félix-Antoine  Tshisekedi, lors des échanges des vœux  avec le corps diplomatique à Kinshasa ce mardi 30 janvier 2024, a annoncé qu’il ne négociera pas  avec le président du Rwanda Paul Kagame. Pourtant, les relations entre leurs deux pays sont tendues depuis longtemps, et les deux dirigeants ont des opinions divergentes sur plusieurs questions. Le dialogue semble donc incontournable.

Pourquoi le Président congolais refuse-t-il de dialoguer avec  le Maître de Kigali ?

 Nombre d’observateurs ne comprennent pas à première vue, étant donné que le Chef de l’Etat congolais a toujours prôné le dialogue. Toutefois, son attitude fait remonter dans les souvenirs,  les propos du  Président Burundais Evariste Ndayishimiye à Goma,  lors d’un discours à la jeunesse,  inspirant sur la paix et le développement socio-économique en Afrique.

Avec ces jeunes, le Chef de l’Etat burundais avait abordé des sujets touchant la sécurité dans la région des Grands-Lacs africains en évoquant, entre autres, les tensions du Burundi  avec le Rwanda. Ndayishimiye avait  mentionné les efforts de négociation qu’il a fournie pendant deux ans avec les autorités rwandaises, «hypocrites », selon ses propos. Il argumente en disant : « malgré l’ouverture volontaire de la frontière burundaise, les actions des autorités rwandaises, notamment leur soutien présumé aux rebelles burundais basés à Kigali, ont continué ». Finalement, par le dialogue, Kagame ne fait que faire perdre à ses interlocuteurs du temps pendant qu’il avance ses pions. Dialoguer avec Kagame c’est donc,  juste accéder à la fourberie de l’ésotérisme ubwenge.

La culture du mensonge au Rwanda contraste avec la culture hospitalière et altruiste du congolais

La culture du mensonge, dit ubwenge, est au Rwanda, un fait culturel indéniable. Ce concept  combine à la fois les mots français : intelligence, mensonge, ruse, malignité, duplicité, dissimulation et fourberie. La société rwandaise était hautement hiérarchisée du serf au seigneur jusqu’au sommet où il y avait le roi. Ainsi, pour s’attirer des faveurs des grands (ukuri wabwiye shobuja, ukumuhakishwaho), au lieu de dire la vérité à ses supérieurs, on la déformait. Selon le professeur Charles Ntamapaka, dans ‘la société traditionnelle rwandaise’ « La vérité est celle qui se rapproche le plus de l’opinion du chef ». Et le Chef, dans la logique et la philosophie du maître des mille collines c’est Paul Kagame. Négocier avec Kagame c’est donc accepter que « la vérité est celle qui se rapproche le plus de son opinion»   et on ne témoigne pas contre une autorité quelconque, on cherche toujours à être de l’avis de l’autorité.

Ainsi donc, dans la logique ubwenge, « la vérité ne lie pas le juge et ne constitue même pas un objectif de la justice. L’opinion individuelle reste entièrement subordonnée à l’intérêt du groupe. La justice n’est pas de donner à chacun ce qu’il lui est dû, mais de rétablir l’harmonie sociale, respecter la hiérarchie sociale et les règles établies. Ainsi la famille, le clan, la tribu sont un tout dont chaque membre n’est qu’une partie », précise Charles Ntamapaka. Et d’ajouter que la bonne vérité est celle-là même qui ne nuit pas aux intérêts du groupe(Ndlr, tutsipower).

Ce trait de la culture rwandaise contraste nettement de l’hospitalité congolaise, une culture altruiste boostée par la christianisation qui range le mensonge sur la liste des vices à bannir (tu ne mentiras pas). Et Félix Antoine Tshisekedi, chrétien pratiquant  et scolarisé dans la culture occidentale, bute contre le péril ubwenge en négociant avec Paul Kagame qui baigne dans cet environnement où certains parents inculquent subtilement à leurs enfants, cette ‘intelligence à la rwandaise’ : « ne pas dire ce que l’on a mangé, où l’on va, d’où l’on vient, etc. Il faut répondre vaguement : « Je viens de là-bas », « Je ne sais pas où je vais ».

Le double langage, la dissimulation, la ruse, on l’a vu dans les négociations de paix d’Arusha. Les observateurs étrangers, en voyant les délégués du gouvernement rwandais et ceux du FPR donner des blagues, se parler entre eux en Kinyarwanda, ont cru à une paix déjà gagnée. C’était sans savoir que dans la culture rwandaise : « Dire oui n’empêche pas celui qui refuse de refuser » (kwikiliza ntibibuza uwanga kwanga).

A quoi servirai  le dialoguer avec un génie dans «  l’art du mensonge »?

Willy Makumi Motosia