Pour contrer le tribalisme et contourner la corruption lors de l’élection des gouverneurs : Nomination des Commissaire spéciaux, une nécessité
Les difficultés connues avec les dernières élections législatives en République démocratique du Congo, qui ont fait que l’observance stricte du calendrier électoral souffre, risquent de se répercuter négativement sur l’élection des Gouverneurs et des sénateurs. Il importe donc de corriger certaines imperfections, afin d’améliorer ce processus en s’assurant que la CENI est effectivement prête pour organiser les élections crédibles et acceptables des sénateurs, gouverneurs et Vice-gouverneurs. Tirant leçons des élections des gouverneurs et sénateurs en 2019 marquées par de nombreux cas de corruptions des députés provinciaux appelés à voter et compte tenu de la situation de fraudes qui a conduit à l’invalidation par la CENI de plusieurs candidats députés nationaux et l’implication des agents électoraux dans ce forfait, Me Ghislain Bamuangayi craint que ces antécédents puissent présager une autre situation de monnayage des votes dans les assemblées provinciales et une méfiance accrue à l’endroit des cadres de la CENI, particulièrement dans les Provinces, suggère nomination à titre transitoire et exceptionnelle des commissaires spéciaux.
La menace de balkanisation suite à la situation de guerre dans l’Est de la RDC ainsi que la montée du tribalisme et la résurgence des conflits inter ethniques ces dernières années, exigent une prise de décision rapide. La difficulté que rencontre actuellement le Chef de l’Etat quant à convoquer le congrès des deux chambres qui implique le Sénat, à l’exemple de la déclaration de guerre, mais que élection de nouveaux sénateurs va compromettre, est une raison supplémentaire en faveur de la nomination des Commissaires spéciaux et la suspension des élections des gouverneurs et sénateurs tel qu’évoquée par le journal L’Avenir en manchette de son édition n°8197 du 15 février 2024.
Excluant l’appartenance à la Province comme critère de recevabilité de candidature de Gouverneur (car ayant favorisé la gouvernance des originaires et l’exclusion des non originaires ainsi que des rivalités entre originaires d’une même province), la nomination libérera l’autorité provinciale de cette sorte de prise en otage des députés provinciaux qui, durant le quinquennat écoulé, ce sont illustrés par des pratiques cupides de corruptions et des chantages aux gouverneurs. De ces faits, nombre de gouverneurs en quête de stabilité et conservation de leur fauteuil, se sont appuyé sur des coussins sociologiques à la place des compétences et patriotisme.
Ce qui a favorisé le tribalisme et la régionalisation de l’administration publique provinciale avec ses effets pervers dans la gestion publique et l’amplification des conflits tribaux et ethniques. Les rapports conflictuels constants entre les gouverneurs et les assemblées provinciales, généralement sur fond de mauvaise gestion et d’intérêts des députés provinciaux, n’ont pas permis la mise en œuvre d’une politique stable de développement de la Province. Les Provinces, malgré leur autonomie de gestion et une personnalité juridique propre, connaissent une gouvernance dépendant en pratique plus de la politique du Gouvernement Central, davantage de la vision du Chef de l’Etat. Les populations locales, non encore réellement éduquées sur les règles de la décentralisation et du régionalisme politique, attendent plus du Chef de l’Etat que du Gouverneur qu’elles ne voient que comme le « Kapita local ».
Tenter l’expérience avec le leadership féminin
Au-delà du fait que l’expérience électorale des trois derniers cycles ont conduit à la flambée de la corruption ainsi que, d’une certaine manière, de la montée du tribalisme, ces processus n’ont pas vraiment permis à la femme de s’exprimer via la démocratie électorale.
Enrôlées à plus de 50,7% des électeurs, l’électorat féminin a été majoritaire lors des élections du 20 décembre 2023. Il est logique d’affirmer que c’est grâce à la femme que le Président Félix Antoine Tshisekedi a été réélu. Paradoxe, bien que majoritaire et malgré les dispositions constitutionnelles en faveur de la même et malgré la loi exemptant les partis de frais de candidatures la liste qui présenterai 50% des candidatures féminines, seul 17% femmes étaient candidates aux législatives et deux femmes seulement étaient candidates à la présidentielle dont seule la candidature de Marie Josée Ifoku (qui était la seule femme candidate présidente en 2018), n’a souffert d’aucun critique et celle de Joëlle Bile, acceptée après recours à la Cour constitutionnelle, a essuyée des critiques. A la fin, une infime minorité de femmes a décroché des sièges à l’Assemblée nationale soit moins de 15% des élus !
Pourtant, la promotion de la femme, par sa participation en politique, est soutenue par les articles 14 de la Constitution et 13 de la loi électorale, qui, malheureusement, ne produit pas les effets escomptés. Le constat de faible évolution participative de la femme à l’élection législative nationale de 2023 est le fait des pratiques parallèles de la vie publique congolaise depuis l’indépendance. La politique congolaise, faite de beaucoup de muscles et de ruses, ne permet pas aux femmes de marquer leur présence et d’être élues en grand nombre. La masculinité positive est ainsi mise à rude épreuve. La politique de développement global, fondé sur celui du territoire, une entité déconcentrée, dépend du Gouvernement Central, alors que le territoire est dans une Province dirigée par un Gouverneur, dont l’action est susceptible de freiner ou ralentir le programme de développement par un conflit de compétence ou un chevauchement de programmes. « Les grands fléaux, que sont le tribalisme et la corruption, rencontrent une lutte à deux vitesses, une à haute tension manifestée par la volonté politique du Chef de l’Etat et l’autre à basse tension et sans réelle détermination chez certains dirigeants ou collaborateurs. Lorsque ces derniers sont des élus, au premier ou second degré, la sanction et le redressement des torts sont généralement handicapés et suivent des procédures assez lourdes et longues » déplore une fois encore Me Bamuangayi Ghislain. Pour permettre au champion de la masculinité positive, Félix-Antoine Tshisekedi, de voir son ardant désir d’être succéder par une femme, contourné les embuches contre l’émergence du leadership féminin par la voie des élections et donner le ‘temps de jeux’ (pour emprunter le langage des sportifs), la nomination à majorité des femmes comme Commissaire spéciaux à la tête des gouvernements provinciaux devient une nécessité.
La suspension se justifie et la nomination à titre transitoire et exceptionnelle des commissaires spéciaux
La clameur publique de corruption des députés provinciaux par les candidats sénateurs, Gouverneurs et Vice-Gouverneurs, le retard dans l’exécution du calendrier électoral, les tensions politiques et menaces de violences diverses (verbales, écrites, visuelles et physiques), le constat de fraude dans des proportions inquiétantes, dont certains candidats et agents de la CENI sont auteurs ou complices, la nécessité de recourir aux pouvoirs du Président de la République, qui assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et des institutions ainsi que la continuité de l’Etat (article 69 de la Constitution), la Loi n° 08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces, en ce que : – Le Gouverneur de province représente le Gouvernement central en province (Article 63, alinéa 1), et peut donc lui rendre directement compte. – En cas de nécessité, le pouvoir central peut réformer ou se substituer au pouvoir du Gouverneur de province (Article 66, alinéa 2).
Ces faits ont conduit certains leaders, à l’instar de la gouverneure honoraire de la Tshuapa, qui fut d’abord Commissaire spéciale avant de passer Vice-Gouverneure puis Gouverneure de la même province, Marie Josée Ifoku Mputa Mpunga à émettre cette idée que votre journal a exploité sur ces colonnes. Comme elle à la tête de la province de la Tshuapa, la gestion de la femme à la tête des entreprises et institutions de l’Etat penche vers la proposition de la femme à la tête des provinces et l’émergence du leadership féminin. A l’instar de Mme Nzuzi Wa Mbombo des décennies en arrière, nommer une femme à la tête de la ville-province de Kinshasa cadre parfaitement avec la politique du genre.
Willy Makumi Motosia