Pour éradiquer la faim, nous devons faire plus pour renforcer la résilience des pays fragiles et en conflit

L’éradication de la faim est un défi mondial urgent. Pourtant, après quinze années de turbulences, il se pourrait bien que nous soyons en train d’échouer. Des données officielles récentes sur les progrès accomplis dans la réalisation des Objectifs de développement durable (ODD) montrent que l’ODD 2 « Faim zéro » s’éloigne de plus en plus. Après des années de progrès, la situation a commencé à se détériorer en 2014, lorsque le nombre de personnes sous-alimentées dans le monde a augmenté. En 2022, plus de 250 millions de personnes étaient confrontées à une crise alimentaire, la majorité d’entre elles vivant dans des pays en situation de fragilité et de conflit (FCS). Selon le World Food Security Outlook (WFSO) (a) de la Banque mondiale, cette tendance devrait se poursuivre jusqu’en 2030, et les disparités entre pays de différents niveaux de revenu devraient également se creuser au cours de cette période.

La base de données WFSO (a) utilise des techniques d’apprentissage automatique de pointe pour combler les lacunes des données et fournir une image complète et actualisée de l’insécurité alimentaire mondiale. En produisant de nouvelles informations sur la manière dont les pays basculent dans l’insécurité alimentaire, elle contribue aux efforts mondiaux de lutte contre la faim. Cette initiative est particulièrement utile dans le cas des pays touchés par la fragilité, les conflits et la violence (FCV), dont les données officielles sont en général rares et incomplètes (a), ce qui nuit aux efforts mondiaux de lutte contre l’insécurité alimentaire. En comblant ces lacunes, la base de données WFSO apporte un éclairage nouveau sur les tendances de l’insécurité alimentaire dans les pays les plus vulnérables.

Qu’avons-nous appris jusqu’à présent ?

L’insécurité alimentaire grave a fortement progressé dans les pays FCS au cours des 15 dernières années

Comme on le voit dans le graphique ci-dessus, au tournant du XXIe siècle et jusqu’en 2007, le niveau et la courbe de l’insécurité alimentaire dans les pays actuellement en situation de fragilité et de conflit étaient similaires à ceux des autres pays éligibles au soutien de l’Association internationale de développement (IDA). Cependant, une série de chocs a accru l’insécurité alimentaire dans les premiers, dont ils ne se sont pas remis.

Depuis la crise alimentaire mondiale de 2007 (a), une série de chocs mondiaux a précipité un plus grand nombre d’habitants de pays FCS dans une situation d’insécurité alimentaire grave : on est passé d’environ 109 millions de personnes en 2008 à 267 millions en 2022, selon les estimations. Si l’on n’agit pas, ce chiffre devrait dépasser les 287 millions d’ici à 2030.

Dans les pays FCS, une proportion croissante de la population souffre de la faim

Le problème ne s’aggrave pas seulement en termes absolus. Aujourd’hui, dans les pays FCS, une personne sur quatre environ est en situation d’insécurité alimentaire grave. Par comparaison, c’est le cas d’une personne sur cinq dans l’ensemble des pays éligibles aux ressources de l’IDA (y compris les pays FCS) et d’environ une personne sur huit au niveau mondial. Cette tendance devrait se poursuivre jusqu’en 2030, à moins que les efforts de lutte contre la faim ne s’intensifient de manière significative.

L’accumulation des chocs freine et complique le rétablissement des pays FCS

Le double fardeau des chocs climatiques et des conflits violents amplifie l’insécurité alimentaire existante dans de nombreux pays FCS. Les chocs mondiaux, comme la crise de la COVID-19 et l’invasion de l’Ukraine par la Russie, aggravent encore ces difficultés, rendant la sortie de la crise alimentaire plus lente et plus difficile dans ces pays.

Si certains signes indiquent que les chiffres de la sécurité alimentaire se stabilisent désormais au niveau mondial, la part de la population vivant dans l’insécurité alimentaire dans les pays FCS devrait continuer à augmenter. En effet, la faim dans le monde se concentre de plus en plus dans ces pays. Si les tendances actuelles se poursuivent, d’ici à 2030, environ un tiers de la population mondiale souffrant de la faim se trouvera dans des pays touchés par la fragilité, les conflits et la violence, contre une personne sur sept en 2007.

Ce manque de résilience et la lenteur du rétablissement dans les pays FCS ont de profondes répercussions sur l’état de l’insécurité alimentaire dans le monde : aujourd’hui, la faim est de plus en plus étroitement liée à la fragilité et aux conflits.

Remettre l’ODD 2 sur les rails et éradiquer la faim dans le monde

Pour résoudre le problème de la faim dans le monde, il est essentiel d’en comprendre les caractéristiques et de savoir où les problèmes sont les plus aigus. Si nous voulons remettre l’ODD 2 sur les rails et éradiquer la faim dans le monde, nous devons de toute urgence intensifier les interventions visant à lutter contre l’insécurité alimentaire. Ces interventions doivent être ciblées et adaptées au contexte de chaque pays. Et, comme le montre la base de données WFSO, il s’agit de plus en plus de se concentrer sur les pays FCS.

Face à la manifestation de chocs alimentaires, climatiques et sécuritaires inextricablement liés, il faut anticiper la prochaine crise et renforcer la résilience dans les régions les plus vulnérables du monde. Pour ce faire, la Banque mondiale améliore la rapidité et la flexibilité de ses financements. Au début de l’année, nous avons renforcé notre panoplie d’outils pour la préparation et la réponse aux crises. Nous permettons ainsi aux pays de réaffecter sans délai les fonds de la Banque non utilisés dans le but de répondre aux besoins urgents nés d’une situation de crise, tout en leur proposant un soutien plus souple afin de les aider à accroître leurs sources de financement en prévision de crises futures. Nous aidons également les pays à surveiller la sécurité alimentaire(a) à l’aide d’outils plus rapides et fondés sur des données (a) et à renforcer leur préparation et leur résilience face à un environnement mondial de plus en plus instable grâce à nos plans de préparation aux crises de sécurité alimentaire et nutritionnelle.

S’attaquer aux situations d’urgence alimentaire peut également contribuer à prévenir les conflits. Tout programme de sécurité alimentaire doit absolument accorder une attention particulière à la promotion de la paix et à la prévention des conflits.