Présenter le M23 et l’AFC en organisations insurrectionnelles revient-il à attester la thèse de la rébellion ?
Pendant que s’ouvre à Kinshasa le procès à charge de ces rébellions, Constant Mutamba ne se prononce pas sur la suite à la plainte déposée contre Paul Kagame et Corneille Naanga à la CPI…
Ils sont au total 25 à être concernés par le procès ouvert ce mercredi 24 juillet 2024 à Kinshasa. Il s’agit de Corneille Nangaa Yobeluo, Colonel Nziramakenga Ruzandiza Emmanuel alias Sultani, Colonel Byamungu Bernard, Major Ngoma Willy, Safari Bishori Luc, Samafu Makinou Nicaise, Nangaa Baseyane Putters, Nkuba Shebandu Eric alias Malembe, Nkangya Nyamacho alias Microbe, Monkango Nganga Brenda, Ilunga Kalonzo André, Tshibimba Kalonji Ange, Maggie Walifetu Henri, Biyoyo Yahunze Josué, Chalwe Munkutu Adam, Alumba Lukamba Omokoko J.P, Tshisola Yannick, Bisimwa Bertrand, Lubanda Nazinda Yvette, Kaj Kayembe Fanny, Mamba Kabamba Jean Jacques, Lubala Ntwali Fabrice, Lawrence Kanyuka, Delion Kimbulungu et Paluku Kavunha Magloire. Tous sont poursuivis pour ” crimes de guerre, participation à un mouvement insurrectionnel et trahison dans la partie Est de la RDC “.
Procès historique
Sur son compte x.com, Jeannot Mubenga tire sous forme de question cette déduction : *”Donc sultan Makenga, Bertrand Bisimua, Willy Ngoma, Lawrence kanyuka sont devenus congolais ? Donc ceux qui disent que le M23 est un problème congolo-congolais ont raison ? Ah ce pays !”
Ce à quoi répond Désiré Tshimbekoy : “Être poursuivi par la justice Congolaise ne signifie pas forcément qu’on est congolais. Étant donné que les actes infractionnels commis ont eu lieu au Congo et que les victimes des actes sont congolaises, la justice Congolaise est dès lors compétente. Le débat est de droit”.
Un autre internaute, se signalant sous le label “RÉVOLUTION POPULAIRE” interpelle : “Je n’ai pas vu les noms de 1. Joseph KABILA, 2. Joseph OLENGANKOYI, 3. Bob KABAMBA, 4. Patient SAYIBA, 5. Maman Olive LEMBE KABILA”
Les premières photos publiées dans les réseaux sociaux présentent des poses respectivement avec le ministre d’État Constant Mutamba, la Haute cour militaire et cinq des 25 prévenus. C’est un “Procès historique”, a commenté le membre du Gouvernement.
C’est parti pour des mois et des mois de passe d’armes entre debaters !
Ce qu’il faut entendre par
La suite des évènements déterminera l’atteinte de l’objectif.
En attendant, il y a un travail pédagogique à effectuer pour qualifier à l’attention du citoyen lambda les trois infractions retenues : crimes de guerre, participation à un mouvement insurrectionnel et trahison.
Par crimes de guerre, il faut entendre : l’homicide intentionnel ; la torture ou les traitements inhumains, y compris les expériences biologiques ; le fait de causer intentionnellement de grandes souffrances ou de porter gravement atteinte à l’intégrité physique ou à la santé ; la destruction et l’appropriation de biens non justifiées par des nécessités militaires et exécutées sur une grande échelle de façon illicite et arbitraire ; le fait de contraindre un prisonnier de guerre ou une personne protégée à servir dans les forces d’une puissance ennemie ; le fait de priver intentionnellement un prisonnier de guerre ou toute autre personne protégée de son droit d’être jugé régulièrement et impartialement ; la déportation ou le transfert illégal ou la détention illégale ; la prise d’otages, etc.”.
Par insurrection, s’entend “Action de s’insurger, de se soulever contre le pouvoir établi pour le renverser”.
Et par trahison, “Action de trahir en trompant la confiance de quelqu’un, en manquant à la foi donnée à quelqu’un, à la solidarité envers quelqu’un”.
Une affaire inter-congolaise
Sauf pour les mercenaires étrangers, les infractions d’insurrection et de trahison sont exclusivement le fait des nationaux.
Partant, un mouvement insurrectionnel n’étant pas forcément un mouvement terroriste, un mouvement terroriste n’est pas nécessairement un mouvement insurrectionnel.
Ainsi, la plainte étant fondée sur le fait d’appartenance non pas à un mouvement terroriste mais plutôt à un mouvement insurrectionnel, le Gouvernement reconnaît dans le M23 et dans l’AFC des organisations congolaises avec tout ce que cela comporte comme conséquences de nature à impacter sérieusement les processus de Nairobi et de Luanda.
D’ailleurs, à propos du M23, il y a un précédent. Dans le discours d’investiture du Gouvernement Judith Simwinua Tuluka le 11 juin 2024, il y a ce paragraphe révélateur : “Sur le plan sécuritaire, notre pays est confronté à une situation précaire qui demande une action urgente, notamment dans le Nord Kivu où l’armée rwandaise, sous le couvert du mouvement rebelle M23, continue de fragiliser le tissu socio-économique en occupant des parties des territoires de Rutshuru, Masisi et Nyiragongo”.
En clair, pendant qu’il qualifie de terroriste le M23, Kinshasa traite officiellement ce dernier de rébellion, confirmant de ce fait la thèse d’une affaire congolo-congolaise qui se greffe évidemment sur l’agression rwandaise réelle.
L’infraction de trahison, sauf encore mercenariat, s’applique aux nationaux, surtout lorsque la formulation précise « dans la partie Est de la RDC”.
Sans nécessairement être juriste, chacun peut bien se demander comment va s’appliquer cette infraction pour des personnes n’ayant pas été mandatés par le Gouvernement dans cette partie du pays. L’infraction ne peut s’appliquer qu’à des personnes détentrices du mandat de l’État et qui, arrivées sur place (à l’Est), ont trahi pour se mettre au service de l’ennemi.
Qui trop embrasse, mal étreint
Entre-temps, il est intéressant de chercher à savoir pourquoi, alors opposant, Constant Mutamba annonçait tambour battant des plaintes auprès de la CPI d’abord à charge de Paul Kagame, ensuite de Paul Kagame et Corneille Naanga et que, devenu ministre, il n’a plus le même entrain !
Pour rappel, le 26 septembre 2022, il avait brandi au cours d’une conférence de presse la plainte à charge du Président rwandais. « Nous avons résolu, après plusieurs séances de travail et après avoir consulté toutes les couches de notre plateforme, de saisir les instances judiciaires internationales pour que les auteurs de forfaitures qui sont perpétrés au quotidien, qui endeuillent au quotidien nos populations dans la partie Est du pays, puissent en répondre », avait-il dii.
Le 7 février 2024, à Goma, il a confirmé le dépôt d’une plainte à la CPI contre Paul Kagame et Corneille Naanga, s’appuyant sur les rapports des experts des Nations Unies. Il avait estimé que les deux “devraient être poursuivis pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et crimes d’agression”.
Depuis sa nomination, Constant Mutamba passe pour le plus “prolifique” des membres du Gouvernement actuel en initiatives d’éclat dans le domaine de la justice. Réformes ici, plaintes là, audiences ici-là.
Le voir cependant silencieux, s’agissant de Paul Kagame, incite à se demander s’il ne pratique pas, lui aussi, le “double standard » consistant à pousser sur l’accélérateur pour certains cas, et à lever le pied pour d’autres.
De toutes les façons, il est censé connaître cette parole de sagesse : *”Qui trop embrasse, mal étreint”.
Quant au leadership congolais, il a conscient des effets de toutes ces initiatives certainement discutées en conseil des ministres avant d’être annoncées au public.
Si chacun agit en électron libre (comme cela semble le cas), il ne restera qu’à en tirer la conséquence des conséquences : les erreurs du passé ont la dent dure !
Omer Nsongo die Lema