Présidentielle 2023 : et si Moïse Katumbi était invalidé…….. (Par Moïse Musangana)
Validée par la CENI, la liste provisoire des 24 présidentiables en RDC est scrutée présentement par la Cour constitutionnelle à la suite des requêtes en contestation de certaines candidatures. Sur onze requêtes au total, deux ont retenu carrément l’attention : une contre le président Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, pour question d’identité, et une autre, pour défaut de nationalité, formulée contre l’opposant Moïse Katumbi par le Dr Noël Tshiani. C’est ce lundi 30 octobre que le Ministère public rend son avis par écrit relativement à l’action initiée par le protagoniste de la proposition de la loi sur la nationalité dite de «père et de mère», cela après avoir émis sur le banc vendredi dernier un avis défavorable à la requête de Seth Kikuni contre le chef de l’Etat.
Quel sera l’avis de l’organe de la loi eu égard la situation du président d’Ensemble ? Qu’adviendrait-il si sa candidature arrivait à être invalidée ? Tout le monde retient son souffle. Alors que l’intéressé a prévenu ses partisans il y a peu à Lubumbashi de déployer leurs biceps, Alexis Thambwe Mwamba, ancien ministre de la Justice et ancien président du Sénat, s’est invité au débat, brandissant le spectre de l’embrasement du pays si jamais il y a discrimination quant à la candidature de Moïse Katumbi à qui il avait délivré le certificat de nationalité en 2015, certificat encore valable. Pourtant, se confiant à la presse congolaise en juin 2016, il notait, sur base des documents obtenus après des enquêtes approfondies menées par l’Administration congolaise, que l’obstacle rédhibitoire pour son protégé d’aujourd’hui se trouve être la Constitution, particulièrement en son article 10, qui stipule que la nationalité congolaise est une et exclusive.
Le train des élections a atteint sa vitesse de croisière. Après l’élaboration du fichier électoral qui a donné lieu autrefois à une controverse, l’heure est à la publication des listes des candidats à tous les échelons, dont les présidentiables, et au déploiement du matériel électoral sur le terrain. S’agissant de la présidentielle qui a lieu le même jour, soit le 20 décembre 2023, avec les autres élections directes, à savoir : les législatives nationales, les provinciales, ainsi que l’élections des conseillers municipaux, la CENI a rendu publique le 19 octobre dernier la liste provisoire des candidats à cet échelon. Tous les 24 prétendants au fauteuil présidentiel sont passés au travers des mailles de la Centrale électorale. Ceci à la grande satisfaction, notamment, des partisans et des dirigeants d’Ensemble et de la Mission d’observation électorale conjointe CENCO-ECC qui a salué ainsi l’inclusivité. Et cette dernière d’émettre le vœu de voir d’autres instances, en l’occurrence la Cour constitutionnelle, continuer sur la même lancée.
Conformément à la Constitution et à la Loi électorale, la Cour constitutionnelle est à l’œuvre depuis le vendredi 27 octobre dernier à l’effet de statuer sur les requêtes introduites en contestation de certaines candidatures. In fine, il en découlera la liste définitive qui sera publiée par la CENI le 18 novembre prochain, soit la veille du début de la campagne électorale.
En effet, la Haute cour a enregistré 11 requêtes en contestation des candidatures. Deux ont émergé du lot : une contre le président le président Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, initiée par Seth Kikuni, également prétendant au fauteuil présidentiel, de même que le Dr Noël Tshiani, géniteur de la proposition de la Loi sur la nationalité, appelée en d’autres termes «de père et de mère », qui poursuit Moïse Katumbi jusque dans ses derniers retranchements. Il signe et persiste : c’est de notoriété publique, le président d’Ensemble n’est pas Congolais. A ce titre, il ne peut compétir pour la plus haute fonction de l’Etat. En annexe de sa requête, il joint un article de presse de Jeune Afrique publié en son temps.
Candidat président de la République en 2018, Seth Kikuni attaque le chef de l’Etat sur son identité. Il ne s’explique pas pourquoi ce dernier postule en 2023 sous le nom de Tshisekedi Tshilombo Félix Antoine, alors qu’en 2018 c’était sous Tshisekedi Tshilombo Félix. Pour lui, ce n’est pas la même personne, il doit être ainsi invalidée.
A cette requête, le Ministère public n’a pas fait d’économie. Il l’a carrément rejetée sous prétexte du dépôt intervenu hors délai, en plus du fait qu’il n’est point question ici d’identité. D’autres arguments ont été développés par la défense en se référant aux articles spécifiques du Code de la famille qui mettent en exergue les nom et post-nom sur base des concepts culturels. Il appartient en définitive à la Cour qui peut ne pas suivre l’organe de la loi. Il en est de même du cas de Moïse Katumbi, dont l’avis du procureur général par écrit est des plus attendus ce lundi 30 octobre.
En dehors de la copie du journal, Noël Tshiani, qui soutient que le patron de TP Mazembe a plusieurs autres nationalités, pourra-t-il produire d’autres preuves, autrement plus palpables, pour soutenir sa démarche ? C’est peut-être la carte qu’il cache et qu’il va abattre séance tenante devant l’instance.
Thambwe Mwamba s’invite au débat
Alors qu’en souvenir des déclarations fracassantes d’autrefois d’Alexis Thambwe Mwamba en tant que ministre de la Justice, une partie de l’opinion pensait que Moïse Katumbi était au pied du mur, l’ancien garde des sceaux s’est invité à la Zorro dans le débat. Dans une interview à RFI le 26 octobre dernier, il a déclaré : « Sur le cas de Moïse Katumbi, je voudrais dénoncer l’hypocrisie nationale sur cette question de la nationalité congolaise. Je n’avais pas de preuves qu’il était Italien. J’ai eu des dénonciations. Par la suite, Moïse Katumbi a pris un avocat célèbre, Éric Dupond-Moretti, ministre français de la Justice qui a fait parvenir les documents disant que la commune de résidence ne lui reconnaissait pas la nationalité italienne. Donc, pour moi, c’est une page tournée». Et d’ajouter : « C’est absolument une distraction de soulever cette question, on est dans un faux débat. Je pense au président de la République qui, lui-même, avait ordonné de donner à Moïse Katumbi son passeport. C’est le président de la République, lui-même qui avait dit qu’il a été gouverneur du Katanga, comment peut-on lui contester la nationalité congolaise ? Il ne faut pas embraser le pays en sériant les personnes qui peuvent se présenter. J’en ai fait un problème à un moment donné, en tant que ministre de la Justice, mais aujourd’hui je considère que ça serait totalement immoral d’opposer à Moïse Katumbi le fait qu’on a dit à un moment donné qu’il avait une autre nationalité. Pour moi, il faut laisser Moïse Katumbi se présenter.»
L’obstacle rédhibitoire pour Katumbi, c’est la Constitution
Les récents propos de l’ancien ministre de la Justice et ancien président du Sénat énervent ceux qu’il avait tenus il y a 7 ans en se confiant à la presse congolaise, via Top Congo. En effet, Il déclarait : «S’agissant de la nationalité de M.Katumbi, j’ai dit aussi bien à Genève qu’à Paris que l’obstacle rédhibitoire que M. Katumbi pourrait avoir pour la présidentielle, ce n’est peut-être pas ses problèmes judiciaires actuels, parce que les problèmes judiciaires, comme je vous ai dit, les magistrats du Parquet peut décider de classer les dossiers pour lesquels il est toujours interrogé, tout comme le juge d’appel, parce qu’il a fait appel dans le dossier de sa condamnation, pourrait prendre une décision contraire. Si le juge d’appel dit qu’il est innocent et que le ministère public ne va pas en cassation contre cette décision-là, il devient libre. Si le magistrat instructeur du dossier décide de classer le dossier pour une opportunité de poursuite, ça s’arrête. C’est donc ce que j’expliquais. Et de renchérir : « Je dis que le problème de fond qu’il a, c’est la Constitution. M. Katumbi est un de grands défenseurs de l’article 70 de la Constitution qui dit que le Président de la République est élu pour un mandat renouvelable une seule fois. Mais, toux ceux qui invoquent l’article 70 de la Constitution oublient d’autres articles de la même Constitution. L’article 10 de la Constitution dit que la nationalité congolaise est une et exclusive. Quiconque a pris une nationalité étrangère ne peut pas se présenter à la magistrature suprême.
Par ailleurs, l’ancien président du Sénat avait déclaré : «Le porte-parole de M. Katumbi a été la première personne à dénoncer Samy Badibanga comme ayant la nationalité belge. Nous avons vérifié et effectivement il avait la nationalité belge. On a dû dire à M. Samy Badibanga de choisir : s’il restait Belge, il ne pouvait pas être Premier ministre. C’est ce qu’il a fait. M. Samy Badibanga a dû introduire les procédures pour renoncer à sa nationalité belge. Ce que les gens ne savent pas : M. Samy Badibanga a fait l’objet de deux ordonnances de nomination. Ça veut dire qu’aujourd’hui, l’Administration congolaise, à travers ses services, a pu faire des enquêtes approfondies et possède toute une série de documents, non seulement contre M. Katumbi, mais aussi contre plusieurs acteurs politiques qui sont soit Belges, soit Portugais, soit Français ou n’importe quoi».
Qu’est-ce qui a changé pour qu’Alexis Thambwe Mwamba change de discours ? Avait-il abusé en son temps du peuple congolais et de la communauté internationale ? Où sont passés les documents en sa possession résultant des enquêtes approfondies menées par l’Administration à travers ses services spécialisés ? Dénonciations et allégations valent la même chose ? Pourquoi n’avait-il porté à la connaissance de l’opinion les résultats du combat mené par Eric Dupont-Moretti ?
Avec les pépins connus par Moïse Katumbi avec son « Non au 3ème penalty » depuis le 24 décembre 2014, Joseph Kabila, qui avait décrété en février 2015 le découpage territorial pour priver à l’ancien gouverneur du Katanga, ainsi qu’au président de l’Assemblée provinciale de l’ancien Katanga, des assises territoriales pouvait-il accepter qu’il soit délivré au premier cité un certificat de nationalité, lui qui avait juré de l’écarter de la présidentielle et lui avait intenté des procès bidons jusqu’à le pousser à s’exiler ? Il y a beaucoup de choses qui ont été faites pour l’incommoder jusqu’à sa double démission du PPRD et de son poste de gouverneur de province du Katanga fin septembre 2016.
Pour mémoire, le président Kabila s’était aussi mêlé à la question de la nationalité de Moïse Katumbi. S’adressant aux députés de l’ancienne Majorité présidentielle le 17 avril 2018 à Kinshasa, il avait souligné que cette question est déjà fixée par la Constitution. Cela étant, ceux qui détiennent une double nationalité doivent s’y conformer. Et de soutenir avec force : «En Rdc, le droit ne reconnaît pas la double nationalité. Selon la loi, la perte de la nationalité congolaise résulte de la déchéance ou de l’acquisition d’une nationalité étrangère. Avoir une autre nationalité entraîne la perte « automatique » de la nationalité congolaise. Et on ne redevient pas Congolais automatiquement après avoir abandonné cette dernière. Il faut suivre une procédure».
En tout état de cause, la question de savoir si Joseph Kabila était au courant de l’octroi du certificat de nationalité à Moïse Katumbi en 2015 persiste. Aussi, un ancien vice-ministre de la Justice, Bernard Takaïshe, ne s’explique pas le volte-face d’Alexis Thambwe Mwamba. Il soutient que l’intéressé a plusieurs autres nationalités et non une seule, en l’occurrence celle congolaise. Il a fait cette déclaration ce dimanche 29 octobre sur Top Congo.
La patate chaude de la Cour constitutionnelle
Au regard des menaces visibles des partisans du président d’Ensemble, chauffés à blanc par lui-même, et celles voilées de la coalition CENCO-ECC, la Cour constitutionnelle a une patate chaude entre les mains. Va-t-elle choisir la voie du droit ou celle politique pour trancher cette question qui n’a que trop duré et dont les répercussions peuvent se révéler néfastes pour le pays plus tard ? Y a-t-il des preuves irréfutables que d’autres sources ont mises à la disposition de la Haute cour pour mener à bien son instruction et déboucher sur une décision objective et rationnelle ? De toutes les façons, elle a le pouvoir de réquisitionner toutes informations utiles produites par l’Administration congolaise évoquée par l’ancien président du Sénat.
Toute la question est savoir si Moïse Katumbi peut s’incliner devant le verdict de la Cour si jamais il est démontré, preuves à l’appui, qu’il est porteur de plusieurs nationalités. Malgré ses énormes moyens lui vouant ainsi une puissance extraordinaire, il risque d’être rattrapé par son passé qui n’est pas glorieux. Force donc à la loi.