Progrès dans l’intelligence artificielle : implications pour les activités sur les marchés des capitaux
Le chapitre 3 du rapport sur la stabilité financière dans le monde examine les récentes évolutions dans l’intelligence artificielle (IA) et l’IA générative ainsi que leurs implications pour les marchés des capitaux. Il expose de nouveaux travaux analytiques et les résultats issus d’une enquête mondiale auprès des autorités de réglementation et des acteurs du marché, détermine les avantages et risques qui pourraient découler de l’adoption généralisée de ces nouvelles technologies, et formule des suggestions de mesures envisageables pour les pouvoirs publics.
L’IA générative et les percées qu’elle entraîne présentent le potentiel d’améliorer considérablement l’efficience des marchés des capitaux (opérations de marché, investissements, répartition des actifs) grâce à l’automatisation des processus et à l’analyse de données complexes et non structurées propulsées par l’IA. Des éléments tangibles montrent d’ailleurs que ces effets commencent déjà à se faire sentir. Des données récentes relatives aux marchés du travail et aux dépôts de demandes de brevets donnent à penser que l’adoption de l’IA dans les marchés des capitaux est susceptible d’augmenter sensiblement dans un avenir proche. De plus, des analyses portant sur les trajectoires des prix et la dynamique des transactions mettent déjà en évidence des changements dans certains marchés coïncidant avec l’adoption de ces nouvelles technologies.
Par ailleurs, l’IA pourrait provoquer d’importants bouleversements dans la structure des marchés sous l’effet d’une utilisation plus répandue et plus puissante de la négociation algorithmique ainsi que de nouvelles stratégies de trading et d’investissement. Cela pourrait à son tour accroître la rotation des portefeuilles et la corrélation entre les actifs, et faire évoluer les prix en fonction des dernières informations à un rythme sans cesse plus rapide. Toutefois, d’après une enquête auprès des autorités de réglementation et des acteurs du marché, l’usage le plus courant de l’IA semble s’inscrire dans le prolongement de tendances existantes s’agissant de l’utilisation de l’apprentissage automatique et d’autres outils analytiques perfectionnés. Il faut se projeter dans le moyen et le long terme pour voir se dessiner des changements plus notables.
De fait, l’IA pourrait réduire les risques pour la stabilité financière en permettant une meilleure gestion des risques, en augmentant la liquidité des marchés et en améliorant la surveillance des marchés par les autorités de réglementation et les acteurs du marché.
Parallèlement, elle pourrait donner lieu à de nouveaux risques :
Une accélération des opérations et une augmentation de la volatilité sur les marchés en période de tension, en particulier si les stratégies de négociation des modèles fonctionnant à l’IA apportent toutes une réponse similaire à un choc ou cessent de fonctionner en cas d’événement imprévu.
Une plus grande opacité et des difficultés en matière de surveillance, l’IA stimulant une migration accrue des activités de tenue de marché et d’investissement vers des fonds spéculatifs, des sociétés de négociation pour compte propre et d’autres institutions financières non bancaires (IFNB), et créant de l’incertitude quant à la façon dont les modèles utilisés par différents investisseurs et opérateurs de marché pourraient interagir.
Une accentuation des risques opérationnels en raison de la dépendance vis-à-vis d’une poignée de grands prestataires tiers en services d’IA ayant une position dominante en matière de puissance de calcul et de grands modèles de langage.
Une aggravation des cyberrisques et des risques de manipulation des cours des marchés, en particulier par la génération de fraudes et de désinformation sur les réseaux sociaux.
Même si les dispositifs réglementaires existants apportent une protection adéquate contre bon nombre de ces risques, les autorités compétentes devraient envisager d’appliquer des mesures supplémentaires :
Procéder au calibrage de coupe-circuits et à un examen des pratiques de trading sur marge, compte tenu de la possibilité de voir les prix varier à grande vitesse sous l’effet de l’IA.
Renforcer la surveillance de l’activité des gros opérateurs de marché, y compris les IFNB, ainsi que le recueil des données correspondantes.
S’attaquer à la question de la dépendance vis-à-vis des données, des modèles et de l’infrastructure technologique en imposant aux entités assujetties au contrôle bancaire de réaliser une cartographie des risques (à savoir des éléments concrets sur les interconnexions et interdépendances internes et externes dont elles dépendent pour assurer leurs services critiques).
Adopter une approche coordonnée s’agissant d’une définition englobant les prestataires de services d’IA critiques et continuer de s’efforcer à garantir la résilience des marchés des capitaux en améliorant les protocoles applicables en cas de cyberattaques.
Adopter des mesures qui garantissent le maintien de l’intégrité, l’efficience et la résilience des marchés hors cote lorsque l’utilisation de l’IA y prolifère.
On trouvera l’intégralité de ce rapport, en anglais, à l’adresse : http://IMF.org/GFSR-October2024