Quid de la révision ou du changement de la constitution du 18 février 2006 (Par Bettens Ntumba) 

Pour bien cerner le sujet soumis à notre réflexion, il nous semble bon d’apporter préalablement quelques précisions terminologiques. En effet, les défenseurs et les pourfendeurs de la réforme constitutionnelle parlent tantôt d’une révision, tantôt d’un changement de la Constitution et de nouvelle Constitution.

Qu’en est-il au juste?

Il faut noter en passant que c’est à la France que revient le mérite de la distinction entre la révision totale et la révision partielle. La révision totale consiste au remplacement d’une constitution par une autre. La nouvelle constitution succède donc à l’ancienne selon les règles de celle – ci. De ce fait, on peut affirmer que changer la constitution équivaut à la révision totale.

La révision totale ou le changement de constitution relève de la compétence du constituant originaire qui détient un pouvoir insubordonné. Ce dernier étant entendu comme un pouvoir initial, autonome et inconditionné. Par le pouvoir insubordonné et inconditionné, Georges Burdeau entend que ce pouvoir ne peut pas être lié à un autre pouvoir.

En dépit de son pouvoir insubordonné, le constituant originaire est tenu au respect de la séparation de pouvoir et les droits fondamentaux des citoyens souscrits à la Charte de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme etc. La révision totale est soumise obligatoirement à l’approbation de la population par voie référendaire pour bénéficier d’une légitimation démocratique.

D’ailleurs, l’ancien vice-président du conseil d’Etat français Jean – Marc Sauve avait bien démontré que « le referendum, en permettant une participation directe des citoyens, est un instrument de consolidation de la démocratie ».

La révision totale, caractérisée par le remplacement d’une constitution par une autre, peut avoir d’une part, pour objet de changer le régime politique d’un Etat, de remettre une constitution sur le métier pour approfondir les principes et pour en ôter les défauts que son usage aura révélés ; moderniser une constitution ancienne et vieillie et de l’accommoder au goût du jour.

Il s’agit bel et bien de s’adapter la constitution à la réalité sociale, de la mise à jour et de répondre aux aspirations de la population.

D’autre part, la révision totale ou changement de constitution, comme affirme Mathieu Aldjina : « procède d’une crise : après une interruption de la vie constitutionnel d’un Etat à la suite des évènements plus ou moins dramatique (conflit armé, coup d’Etat, révolution, insurrection populaire) ».

Quant à la révision partielle, il convient de souligner qu’elle maintient la constitution tout en la modifiant, toujours dans les règles, sur un objet déterminé. Le fait de reformer des articles, c’est évidement la révision partielle.

La révision partielle de la constitution est illicite si elle est opérée suivant la procédure non prévue par la constitution. Il est généralement admis que l’objectif d’une révision partielle est d’améliorer la constitution en vigueur sans aller jusqu’à sa transformation.

Une tendance de la doctrine distingue la révision du changement de la constitution, comme le rappel Nahm – Tchougli, en prenant appui sur d’autres travaux (à révision constitutionnelle: la problématique generale.in révision de la constitution journées d’études des 20 mars et 16 décembre 1992; Association française des constitutionnalistes, economica 1993). En effet, selon ces auteurs, la révision de la constitution est l’acte par lequel on procède à une modification de la constitution selon le régime que cette dernière a elle – même prévu, tandis que le changement de constitution, c’est l’opération qui vise à en rédiger une nouvelle.

Il sied de rappeler comme précisé précédemment qu’en France, on procède à la distinction entre la révision totale et la révision partielle, tandis que d’autres doctrinaires font la différence entre la révision et le changement de la constitution.

Cela étant précisé, il importe de relever que la constitution congolaise du 18/02/2006 n’a pas expressément fait la distinction entre la révision partielle et la révision totale. Cette loi fondamentale se limite à organiser au titre VIII, la matière « de la révision constitutionnelle » sans faire la nuance.

La lecture de l’article 218 de la constitution qui prévoit la procédure de sa révision montre à suffisance qu’il s’agit de la révision partielle. Cette constitution du 18/02/2006 n’a donc pas planifié, ni programmé sa mort (révision totale) mais plutôt elle prévoit sa thérapie (la révision partielle) en cas d’une maladie.

Il se pose alors la question de savoir si cette constitution peut être révisée totalement (changée) aussi longtemps qu’elle ne prévoit pas ce mode de révision.

Nous pourrons y répondre par l’affirmative en nous basant sur le principe général du droit selon lequel “ce qui n’est pas interdit est permis.” En effet, lorsque la constitution est muette, elle est complétée par les sources du droit telles que la loi, les jurisprudences, les principes généraux du droit et la coutume constitutionnelle.

Dans le cas d’espèce, le silence de la constitution est comblé ici par ce principe général du droit précité.

Du reste, le professeur Kpodar affirme « qu’aujourd’hui, il est claire que le droit constitutionnel n’est pas toujours dans la constitution ». Depuis la Genèse de la constitution du 18 février 2006, en 2005 les élites intellectuelles congolaises ont dénoncé la manière dont le texte a été rédigé et adopté.

Nous constatons que cette constitution contient des imperfections, les incohérences, ayant un caractère d’extranéité, manque d’identité congolaise et ne garantit pas le droit de la réparation des victimes au standard moderne, etc. Le retour à l’authenticité du texte constitutionnel congolais s’impose.

La constitution du 18 février 2006 n’a pas mentionné expressément le régime politique, ni la forme de l’Etat, ni la juridiction pénale du Président de la République honoraire et les anciens premiers ministres pour les infractions commises lorsqu’ils étaient en fonctions.

En plus, elle ne s’adapte pas à la mentalité congolaise dans ce sens que lorsque les ministres, les directeurs généraux des entreprises ou les gouverneurs et tant d’autre n’assument pas leurs responsabilités, la population vise toujours le Président de la République. Cela veut dire qu’il faut un régime présidentiel pour s’adapter à la mentalité congolaise. Le régime présidentiel n’est pas synonyme de la dictature, car il tient compte du respect strict de la séparation du pouvoir.

En réalité, la République Démocratique du Congo peut fonctionner tantôt sous un régime parlementaire en période de la cohabitation, tantôt sous un système présidentialiste (Semi-présidentiel) en cas de concordance de la majorité présidentielle et majorité parlementaire (coalition).

Que ce soit dans le cas de régime parlementaire et dans le cas de régime présidentialiste, le chef du gouvernement est à la fois responsable à l’Assemblée nationale et dans le fait devant le Président de la République qui peut lui demander la démission. En réalité, le chef du gouvernement devrait être responsable uniquement devant l’Assemblée nationale, car l’exécutif est bicéphale (chef de l’Etat et chef du gouvernement).

La première révision constitutionnelle qui a abouti à la loi n°11/002 du 20 Janvier 2011 portant révision de certains articles de la constitution de la République Démocratique du Congo du 18/02/2006, avait curieusement touché aux deux matières intangibles prévues par l’article 220 : il s’agit de l’Indépendance judiciaire (article révisé 149) et de prérogatives des provinces (articles révisés 197 et 198.).

Le constituant dérivé au lieu de plonger dans l’irrégularité flagrante en révisant les articles intangibles, devrait plutôt procéder d’abord à la révision de l’article 220 pour rendre tangibles les articles révisés 149, 197 et 198.

En conclusion, la révision totale de la constitution (changement) s’impose pour s’adapter réellement aux aspirations et aux mentalités congolaises ainsi qu’à la réalité socio-politique. Cette constitution contient des imperfections, des incohérences, manque l’identité congolaise au regard de son caractère d’extranéité.