Rdc: l’exploitation illégale des minerais, cause de multiples crises

«Guerres pour les minerais, exploitation des ressources congolaises pour un prétendu écologisme global», tels sont les maux qu’a dénoncé Mgr Marcel Utembi Tapa, archevêque de Kisangani et président de la conférence épiscopale des évêques du Congo (CENCO). Dans l’interview accordée à l’agence Fides, le prélat a fustigé l’exploitation illégale des ressources naturelles qui «cause d’énormes dégâts environnementaux et humains au Congo», appelant le gouvernement à y mettre fin.

Dans l’interview accordée à l’Agence de presse Fides, Mgr Utembi a commencé par décrire la situation sécuritaire qui prévaut dans le pays, notamment, les différentes guerres. Il a commencé par le Nord-Kivu «ravagé par divers groupes armés locaux et étrangers, notamment des ADF d’origine ougandaise et d’inspiration islamiste et du M23 qui est soutenu par les pays voisins, notamment le Rwanda». Cette situation, a-t-il fait savoir, «n’est un secret pour personne, tout le monde le sait, grâce aussi aux enquêtes des groupes d’investigation internationaux de l’ONU qui ont établi noir sur blanc que le M23 est soutenu par les pays voisins, en particulier l’armée rwandaise».

Les désolations causées par des multiples crises

Selon le président de la Cenco, «les groupes locaux ont été constitués à l’origine comme des formations d’autodéfense pour repousser les attaques extérieures». Parmi ces groupes, il y a «les Mai-Mai et d’autres qui portent maintenant le nom de Wazelendo, présents au Nord-Kivu et au Sud-Kivu». Les Wazelendo ont récemment manifesté à Goma (capitale du Nord-Kivu) contre la présence des forces militaires de l’AEC (Communauté économique de l’Afrique de l’Est) et de la MONUSCO (Mission de l’ONU en RDC) parce que ces forces internationales ne font pas grand-chose pour arrêter les massacres du peuple congolais. «La garde nationale congolaise a tiré sur les manifestants, faisant de nombreux morts», a déploré le prélat, affirmant que «cela a créé une grande tension dans la région».

En tant qu’Église, a poursuivi l’archevêque de Kisangani, «nous sommes profondément attristés et nous offrons nos prières les plus ardentes pour le retour de la paix non seulement au Nord et au Sud-Kivu mais aussi en Ituri, une autre province de l’Est où les dégâts causés par les groupes armés tels que Codeco, FPIC, et les groupes d’autodéfense appelés Zaïre ne doivent pas être minimisés». Il a assuré que l’Église accompagne par la prière et prie pour que la situation change et a demandé que «le gouvernement congolais assume sa responsabilité d’État pour assurer la sécurité des populations de la région».

Outre la situation liée à la guerre dans le Nord et Sud-Kivu, Mgr Utimbi a cité d’autres crises, notamment dans la province ecclésiastique de Kinshasa, qui couvre la province étatique de Kinshasa, le Congo central et le Bandundu. Dans ces zones, le pasteur a dénoncé «des mouvements de personnes déplacées et des massacres de civils innocents». Cette crise, a-t-il dit, «s’approche de Kinshasa du côté de Maluku». Poursuivant, Mgr Utimbi a affirmé que les villages environnants sont attaqués par des «groupes armés locaux qui ont commencé à se battre pour la propriété et la concession de terres». Il a dénoncé entre autres «la manipulation par certains politiciens qui a transformé le conflit foncier initial en une crise de grande ampleur qui a fait de nombreux morts, 2 000 à 3 000 jusqu’à présent». Ces massacres ont entraîné une vague massive de déplacements dans la province ecclésiastique de Kinshasa. Le prélat appelle «le gouvernement à intervenir pour mettre fin à la violence et rétablir la paix».

La RD Congo, un pays riche en ressources naturelles

Se prononçant sur les richesses dont regorge le sous-sol congolais, le président de la Cenco a rendu grâce au «Seigneur qui nous a donné ce pays potentiellement très riche, notamment en ressources naturelles». Il a affirmé qu’on trouve en RDC toutes sortes de minerais, en particulier des minerais stratégiques, notamment «le coltan utilisé dans la fabrication de téléphones portables et d’appareils stratégiques tels que les satellites; le cobalt utilisé dans la construction de batteries pour les véhicules électriques». La RDC, a-t-il déclaré «possède 60 à 70 % des réserves mondiales de cobalt. D’autres minerais stratégiques y sont encore inconnus». Malheureusement, a regretté le prélat, «toutes ces richesses suscitent la convoitise de nombreuses personnes au niveau national, international et mondial», source de tous les maux.

Les ressources exploitées de façon illégale

«L’exploitation de ces minerais ne se fait pas dans la légalité et dans le respect des règles bilatérales et multilatérales; les multinationales, avec leurs complices, font tout pour exploiter notre pays au moindre coût» a dénoncé l’archevêque de Kisangani. Le peuple congolais ne bénéficie pas de l’exploitation de ces ressources par des multinationales étrangères avec la complicité des dirigeants locaux. «Nous vivons donc dans un pays très riche où une grande partie de la population vit dans la pauvreté. Les nantis de la RDC sont une minorité: les dirigeants politiques et militaires», a-t-il critiqué, affirmant que «face à cette situation, nous ne pouvons pas, en tant que pasteurs, nous taire et demander aux gouvernants d’intervenir dans la misère de leur peuple».

Mgr Utembi a par ailleurs rappelé l’appel du Pape François lors de sa visite apostolique dans ce pays, à travers lequel le Saint Père a dénoncé «le fait que nous assistions à une sorte de néocolonialisme économique dans notre région et particulièrement en RDC». Le Pape, a-t-il poursuivi, «a lancé un appel pour que notre pays jouisse des richesses que le Seigneur lui a données».

Des graves conséquences de l’exploitation des ressources minérales

«Les conséquences environnementales de l’exploitation des ressources minérales congolaises sont vastes et graves», a fait savoir l’évêque congolais, surtout qu’elle se fait «sans respect des normes acceptables». En exemple, le prélat a cité quelques cas marquant de cette exploitation illégale. Pour lui, «lorsque vous survolez la région de Kolwezi où l’exploitation du cobalt se fait à grande échelle, vous constatez que la terre est marquée par de grandes blessures. On voit partout d’énormes trous produits par l’exploitation désordonnée des minerais». Ailleurs, «dans la région du Grand Orient, dans la province de l’Ituri, dans la province de la Tshopo, dans la province du Bas-Uélé et dans les deux Kivus, il y a plusieurs mines artisanales dans les forêts qui déversent leurs déchets dans les cours d’eau». Ces derniers sont complètement pollués; «l’eau s’est transformée en boue. Par conséquent, les habitants des villages riverains n’ont pas de source d’eau propre» et la rivière Kasai en est l’exemple palpable, «polluée à sa source à cause des activités des compagnies minières, qui opèrent en Angola». Face à cette situation dégradante, le président de la Conférence épiscopale congolais en appelle à la responsabilité et à la défense de l’environnement. «S’il y a des défenseurs des droits de l’Homme et de l’environnement, qu’ils viennent en Afrique», a appelé Mgr Utembi. Car «le développement industriel dans le monde avancé a des répercussions en Afrique; mais en même temps, les dégâts causés à nos forêts tropicales ont des conséquences qui se font sentir dans le reste de la planète».

Les élections présidentielles et législatives du 20 décembre

Les Congolais s’apprêtent à aller aux urnes le 20 décembre prochain pour les élections présidentielle et législatives. Selon l’archevêque de Kisangani, «les candidats sont de différents ordres et affiliations, mais dans la grande majorité des cas, ils peuvent être rattachés à un parti politique ou à une famille spécifique». Ces candidats, a-t-il dit «ne se présentent pas en fonction de leur identité religieuse, mais en tant que leaders ou dirigeants d’un parti politique». «L’Église catholique n’a pas de parti politique ni de candidats propres, et n’a pas non plus recommandé de voter pour les candidats aux différentes élections (présidentielle, législatives et provinciales) qui se tiendront le 20 décembre» a précisé le président de la Cenco. Pour lui, «l’Église catholique est impliquée dans l’éducation civique de tous les citoyens, et pas seulement des catholiques, afin de permettre à chacun de voter en conscience et selon sa conscience, dans le souci du bien commun». En outre, il a confié l’engagement de l’Église avec «l’Église du Christ au Congo, qui est un ensemble d’associations religieuses protestantes, pour assurer le bon déroulement du vote avec nos observateurs électoraux». «L’Église catholique est très présente sur le territoire; en joignant nos forces à celles de l’Église de Christ au Congo, nous pouvons assurer un bon contrôle du vote au niveau national», a conclu Mgr Marcel Utembi Tapa.

Vatican News avec Fides