Recette de l’IMIS pour une coopération Maroc-Afrique digne des potentialités du continent
L’Institut Marocain d’Intelligence Stratégique (IMIS) vient de rendre public un rapport intitulé « Stratégie économique du Maroc en Afrique : le modèle chérifien de co-développement ». L’IMIS y analyse le renforcement de la stratégie du Royaume pour une coopération Maroc-Afrique plus solide.
Recette de l’IMIS pour une coopération Maroc-Afrique digne des potentialités du continent
«L’Afrique doit faire confiance à l’Afrique», a souligné le Souverain en 2014, dans un discours prononcé à l’occasion du Forum économique maroco-ivoirien à Abidjan. En effet, sept ans plus tard, l’Union Africaine a mis en œuvre officiellement la première phase de la zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), comme application de l’un des objectifs stratégiques de l’Agenda 2064 de l’organisation panafricaine. « Un signe concret de la cristallisation de cette confiance à laquelle a appelé le Roi du Maroc et qu’il applique soigneusement dans ses relations avec le continent », fait savoir l’IMIS dans son rapport.
La coopération maroco-africaine s’est même invitée, comme axe stratégique de la politique étrangère du Royaume, en matière de développement et de coopération économique et humaine. « Cette approche s’est même inscrite dans la nouvelle Constitution de 2011 par laquelle le Maroc s’engage à «consolider les relations de coopération et de solidarité avec les peuples et les pays d’Afrique, notamment les pays subsahariens et du Sahel», a relevé l’IMIS. Cette orientation s’est traduite institutionnellement par le retour effectif du Royaume Chérifien au sein de l’Union Africaine en 2017.
Les recommandations de l’IMIS
Tenant compte de cette orientation continentale du Maroc, l’IMIS recommande, dans son document, plusieurs actions qui ont été engagées pour approfondir la coopération maroco-africaine, afin de projeter les acteurs clés et mieux appréhender l’avenir.
Dans ce sillage, l’Institut recommande de poursuivre et accélérer la dynamique de développement des infrastructures d’envergure nationale et régionale, tout en veillant à la connectivité et l’interopérabilité de ces infrastructures.
« Le Maroc peut encore acquérir de nouveaux avantages stratégiques dans plusieurs secteurs (ports, chemins de fer, complexes énergétiques, acheminement de l’eau potable et traitement des eaux usées) », souligne l’IMIS.
En outre, les auteurs du rapport mentionnent l’idée de créer des structures de veille et d’intelligence économique dédiées à l’Afrique, dans l’optique de comprendre les dynamiques des marchés africains et identifier les opportunités et les relais de croissance.
« Qu’elles soient rattachées aux départements gouvernementaux ou aux directions stratégiques des grandes entreprises, ces structures permettent d’éclairer les choix de positionnement des investisseurs publics et privés », lit-on dans la note.
Il faut, en outre, prévoir d’anticiper l’adéquation législative des codes nationaux aux nouvelles réalités économiques et commerciales et préparer l’institutionnalisation des nouveaux organes de gouvernance économique, financière et monétaire continentaux, ainsi que repenser les dispositifs d’accompagnement des entreprises souhaitant se développer sur le continent.
L’adaptation des offres d’accompagnement des entreprises selon la taille des opérateurs (PME, ETI, grands groupes, leur secteur d’activité, domaine d’activité stratégique, domaine d’excellence, etc.) et leurs besoins spécifiques permettra d’optimiser leur efficacité et d’obtenir des résultats concrets, indiquent les auteurs dudit rapport de l’IMIS.
Favoriser l’émergence des écosystèmes industriels
L’IMIS appelle également à opter pour la constitution des groupements d’intérêt économique (GIE) et simplifier leur réglementation, notamment pour les opérateurs des secteurs stratégiques. Pour ce faire, il faut effectivement élaborer des offres de financement spécifiques au développement des projets d’investissements en Afrique.
« Mobiliser les investisseurs institutionnels et les banques nationales pour proposer des mécanismes de financement et d’assurance optimisés aux entreprises marocaines souhaitant se développer dans les marchés africains», souligne l’IMIS.
Décarbonation de l’industrie africaine
Quant au volet de la décarbonation de l’industrie africaine, l’IMIS met en lumière le fait que le Maroc doit s’ériger en hub de décarbonation de l’industrie du continent, et ce, en opérationnalisant sa Stratégie Bas Carbone 2050. Le Maroc pourrait ainsi s’imposer comme plateforme d’accueil des investissements industriels verts sur le long terme, a indiqué l’Institut.
Faire du Maroc un eldorado de formation et d’opportunités économiques
In fine, l’IMIS conclut ses recommandations par l’idée de renforcer l’attractivité du Royaume comme destination africaine incontournable de formation et d’opportunités économiques et faciliter la circulation des talents.
« Cela passe notamment par le positionnement des écoles et des universités marocaines sur les formations préparant aux métiers d’avenir (le digital, l’Intelligence Artificielle, la biotechnologie, la robotisation, les nouvelles mobilités, les énergies renouvelables, l’économie circulaire, etc.) et par la promotion du modèle social marocain (offre d’éducation, protection sociale, justice et sécurité, etc.) », ont précisé les auteurs.
Halte à la reconduction des schémas d’exploitation post-coloniaux !
Le développement de l’Afrique est d’ores et déjà en action, indique l’IMIS, ajoutant que les aventures entrepreneuriales lancées ou en cours de lancement par certaines puissances économiques régionales portent déjà leurs premiers fruits. Cependant, cette recherche légitime de croissance ne doit jamais empiéter sur l’axiome initial de l’investissement : le co-développement. « Il faut à tout prix résister à la tentation de reproduire les schémas d’exploitation post-coloniaux », a-t-on mis en garde dans le rapport.
Préconiser le développement inclusif
L’Institut insiste sur le développement de l’Afrique, qui ne peut pas se concrétiser en marginalisant partiellement sa population. Selon les auteurs, il doit être inclusif, équitable et transparent. Ce développement doit pouvoir ouvrir la voie de la prospérité à tous les Africains et contribuer à réduire substantiellement les inégalités sociales et territoriales existantes.
Le leadership attendu des puissances économiques régionales est un leadership d’humilité, de vision et d’intégration. Les postures condescendantes et les rapports de force déséquilibrés ne sont plus admis.
Contrer l’ingérence étrangère en Afrique
Le leadership des pays africains doit donner lieu aussi à mettre fin aux fortes ingérences étrangères dans les affaires intérieures de ces Etats. Pour faire face aux influences étrangères, l’IMIS souligne la nécessité de se reposer sur des institutions démocratiques fortes et représentatives, nationales et panafricaines. Seules ces institutions permettraient de construire une voix politique africaine, si pas unique, au moins unifiée.
Ces institutions s’appuieraient dans leur constitution sur toutes les forces vives des nations africaines. « Partis politiques, tissu associatif, fédérations professionnelles, syndicats et diasporas doivent tous être impliqués dans les processus de décision et d’influence au service des intérêts du continent », précise l’IMIS.
En finir avec l’insurrection en Afrique
Les auteurs du rapport de l’IMIS soulignent que le développement du continent est aujourd’hui un impératif politique, économique et social pour faire face aux nombreux défis géostratégiques, géoéconomiques et démographiques.
Dans ce sens, certains prérequis demeurent encore plus fondamentaux pour créer les conditions de ce développement. « L’Afrique a besoin plus que jamais de la sécurité sur l’ensemble de son territoire. Attirer et installer durablement les investisseurs, domestiques comme étrangers, nécessite une atmosphère de paix et de quiétude totales », ont-ils précisé.
Pour ce faire, la résolution des conflits sur le sol africain est une condition sine qua non, en particulier des conflits armés, et elle doit être soutenue par l’ensemble des forces vives africaines et menée dans un cadre politique et pacifique consensuel. Dans ce cadre, le Maroc a fait preuve d’un engagement ferme dans les efforts internationaux et régionaux de lutte contre le terrorisme.
En témoigne son partenariat avec le Bureau des Nations-Unies pour la lutte contre le terrorisme (ONUCT), son implication dans la coalition mondiale contre Daech et ses contributions concrètes à la Plateforme de Marrakech, en plus des autres coopérations sécuritaires bilatérales et multilatérales.
Toutefois, l’action antiterroriste du Maroc et des différentes parties engagées ne pourra gagner en efficacité que si elle s’inscrit dans une vision africaine de lutte contre le terrorisme. De même, la stabilité politique de chacun des 54 pays de l’Afrique constitue une condition sine qua non pour le développement économique des États et la prospérité des populations.
Rédigé par Mohamed Elkorri