Révision de la Constitution : à Kisangani, Félix Tshisekedi s’est-il induit en erreur ?”
Il n’est pas exclu qu’il fasse plus confiance aux professeurs d’université troublions, habitués à tronquer des faits historiques au lieu de se fier à leurs collègues réputés avertis et dont certains évoluent dans son pré-carré !
Six ans après s’être défait de la qualité d’homme politique pour revêtir celle d’homme d’État, Félix Tshisekedi ne devrait plus tenir en public des propos susceptibles de le rattraper à la première occasion. A Kisangani le 23 octobre 2024, il abordé une matière sensible : la révision de la Constitution à laquelle il s’opposait sous Joseph Kabila. En déclarant ce texte rédigé à l’étranger et par des étrangers alors que selon RFI, c’était plutôt à Kisangani même, il s’est vraiment tiré une balle dans le pied au motif simple qu’il a deux collaborateurs – et non des moindres car constitutionnalistes de surcroît – qui vraisemblablement en savent plus que lui-même sur la Constitution actuelle : Jean-Louis Ekambo et André Mbata. Il aurait dû se renseigner auprès d’eux avant de se prononcer publiquement…
Production de la chaîne de télévision “Congo buzz de Christian Bosembe
Professeurs d’université, les deux personnalités exercent des hautes fonctions politiques autour du Chef de l’Etat. Le second, député national Udps, était premier vice-président de l’Assemblée nationale lors de la dernière législature. Dans l’actuelle, il est président de la Commission Politique, Administrative et Juridique (PAJ). En plus, il est secrétaire permanent de la plateforme Union sacrée de la nation (USN).
Le premier est depuis le 1er août 2023 Conseiller spécial du Président de la République en matière de sécurité, c’est-à-dire chef du Conseil national de sécurité. Aux termes de l’article 1er de l’Ordonnance 87-032 du 22 janvier 1987, le Cns «veille spécialement (…) à la centralisation et à l’exploitation efficiente des documents et renseignements émanant des différents services spécialisés ad hoc, en l’occurrence l’Agence nationale de documentation, le service d’action et de renseignements militaires, la garde civile, l’Agence nationale d’immigration», et cela à l’attention exclusive du Chef de l’Etat.
Dans une vidéo remise en circulation après la prestation de Félix Tshisekedi à Kisangani, Pr Jean-Louis Ekambo déclare ceci : «Je suis l’un des rares universitaires qui a participé à l’élaboration de la Constitution du début jusqu’à la fin. Donc, je connais les arcanes de cette Constitution, les dessous des cartes. Je connais également les acteurs. Ceci dit, la Constitution est solide». Faisant allusion à la révision de 2011, il affirme que «Si elle n’était pas solide, on aurait changé beaucoup de choses». A propos d’une personnalité universitaire française supposée impliquée dans la rédaction de ce texte et qu’il a rencontrée au Bénin, Jean-Louis Ekambo précise : «Elle a menti. Je ne la reconnais pas comme universitaire français qui est venu pendant que nous étions en train de discuter de la Constitution. Je ne le reconnais pas. Lorsque je lui ai dit cette vérité, elle m’a dit qu’elle n’a jamais été à Kinshasa mais qu’elle a eu des informations. C’est comme ça qu’elle a pensé que notre Constitution ressemblait à bien des égards à la Constitution française. Nous n’avons jamais été la petite sœur de la Constitution française». Le Pr Jean-Louis Ekambo fera plutôt sensation en révélant que la France et la Belgique se sont plutôt inspirées de la Constitution de la RDC dans certains domaines législatif et judiciaire. Il admet que le seul français venu au moment où on préparait la Constitution est Pierre Mazaud. «Il n’a jamais été constitutionnaliste. C’est un privatiste». Et de conclure : «Les Congolais doivent être fiers d’eux».
C’est ce qui va, du reste, faire dire à son collègue André Mbata : «Nous l’avons toujours dit : aujourd’hui, celle que je tiens dans ma main, c’est la meilleure Constitution de la République Démocratique du Congo depuis son accession à l’indépendance (…). Elle est la meilleure parce qu’elle pose les principaux fondamentaux de l’Etat de droit (…) Elle protège également d’une façon particulière, plus qu’aucune autre Constitution auparavant, les droits auxquels les Congolaises et les Congolais peuvent exercer dans notre pays».
Ces deux vidéos ont la particularité d’être de «Congo Buzz», chaîne de télévision de Christian Bosembe affiché au départ pro-Tshisekedi, aujourd’hui porté à la tête du Csac.
Statut des gouverneurs des provinces
A l’analyse des prestations de Jean-Louis Ekambo et André Mbata, il se révèle que Félix Tshisekedi pourrait n’avoir pas tenu compte de leurs points de vue avant son discours à Kisangani. Ou alors aurait-il résolu de les contourner.
Pourtant, jusqu’en 2023, il n’y voyait aucun mal. Pour rappel, dans son premier discours sur l’état de la nation le 13 décembre 2019, il avait même préconisé le rétablissement du second tour de la présidentielle. Dans son discours du 6 novembre 2020 clôturant la consultation présidentielle ayant abouti à la création de la plateforme USN via la liquidation de la coalition FCC-CACH, il avait fait sienne la proposition de ce rétablissement.
Évidemment, lorsqu’il a fallu élaborer la nouvelle loi électorale, l’initiative a été oubliée.
Qu’à cela ne tienne !
Dans tous les cas, les rares fois où le Président de la République a parlé de révision de la Constitution, c’était pour le statut des gouverneurs des provinces. Félix Tshisekedi préconisait leur nomination en tant que représentants personnels du Président de la République en provinces. Ce qu’il avait oublié, ce que cette logique devait s’appliquer aussi aux maires, aux bourgmestres, aux chefs des quartiers (chefs des territoires), aux chefs des secteurs, aux chefs des regroupements et aux chefs des localités.
La conséquence logique serait la neutralisation des assemblées délibérantes aux niveaux provincial, urbain, communal, territorial et local, leurs membres cessant d’être élus.
Ça s’appelle… constante !”
Que s’est-il passé entre l’Udps/Opposition et l’Udps/Pouvoir ? L’intelligence qui caractérisait autrefois cette formation politique à l’époque des Joseph Ngalula, Marcel Lihau et autres Frédéric Kibassa aurait-elle déserté le camp ? Hier, avec leur background avéré, ces animateurs savaient se faire respecter et respecter les adversaires.
Aujourd’hui, on est face à des grincheux prêts à vous envoyer paître avec des raccourcis du genre «rwandais», «étrangers», «ennemis», simplement du fait d’avoir une opinion contraire.
Pourtant, cette affaire de révision de la Constitution est en train de révéler la capacité effrayante de retournement de la veste. Notamment en soutenant aujourd’hui ce qu’on abhorrait hier, et vice-versa, selon l’humeur du leadership vraisemblablement SDF (Sans Direction Fixe).
Comment, du reste, ne pas décontenancer même l’Opposition la plus coriace ?
Résultat : on ne sera pas étonné d’apprendre bientôt une motion de défiance à l’endroit du Pr André Mbata et une pétition pour le licenciement du Pr Jean-Louis Ekambo s’il advenait qu’ils ne se dédisent pas des propos tenus à l’époque où le Président de la République n’avait pas l’intention de se dédire lui-même au sujet de la révision ou du changement de la Constitution.
C’est cela, l’Udps.
Du reste, ce n’est pas une première. Son parcours depuis plusieurs décennies est de dire OUI quand il est question de NON et de dire NON quand il est question de dire OUI !
Ça s’appelle… constante !
PROCHAINEMENT : Révision de la Constitution : tant que Félix Tshisekedi n’aura pas levé l’état de siège, tout débat côté Udps est sans objet !
Omer Nsongo die Lema