Sahara marocain : Depuis Alger, le responsable américain pour l’Afrique du Nord lâche une véritable bombe et assène le coup de massue final à la junte militaire

C’est une interview aux allures de déconfiture pour le régime algérien que vient d’accorder ce 9 décembre 2023 à Alger, où il est en déplacement, le secrétaire d’État adjoint américain en charge du bureau de l’Afrique du Nord, Joshua Harris. Relayée par l’ambassade des États-Unis sur son site web, et ce à la fois en arabe, en français et en anglais, elle confirme définitivement l’alignement de l’oncle Sam sur les thèses marocaines en ce qui s’agit du différend autour de la région du Sahara.

En effet, Joshua Harris a d’emblée, dans sa déclaration préliminaire, mis en avant la nature régionale du différend, voire bilatérale puisqu’on peut clairement comprendre à partir de son intervention qu’il voit l’Algérie comme étant l’autre partie, d’autant plus qu’il n’a à aucun moment fait cas, tout au long de son interview, du mouvement séparatiste du Front Polisario. “La voix de l’Algérie est tellement cruciale dans son soutien au processus de l’ONU, que j’attends avec impatience d’écouter nos amis algériens nous dire comment ils voient la situation et comment, ensemble, nous pouvons créer les conditions permettant au processus de l’ONU d’avancer”, dit-il à ce propos, dans un langage certes diplomatique, mais qui ne laisse que peu d’ambages sur sa signification, à savoir que le règlement du différend dépend également de l’Algérie et non pas seulement du Maroc et, éventuellement, du Polisario, comme cherche à le faire croire la voisine de l’Est. Joshua Harris expliquera aussi plus tard que s’il est de retour en Algérie, après sa première visite du 7 septembre 2023, c’est “pour avoir une nouvelle série de consultations avec nos partenaires algériens sur les mesures pratiques à prendre pour un processus politique réussi à l’ONU”, c’est-à-dire que l’Algérie a, de façon évidente, son mot à dire, et, en filigrane, qu’elle ne peut se soustraire à sa responsabilité. Clair, net et précis.

Mais il y a pire pour les responsables algériens : malgré plusieurs relances pour lui soutirer un soutien au soi-disant référendum d’autodétermination que cherche encore à organiser l’Algérie au Sahara marocain, que le Conseil de sécurité lui-même ne met pourtant plus en avant depuis avril 2001, Joshua Harris est resté droit dans ses bottes et insisté sur l'”esprit de réalisme et de compromis quant à la situation actuelle sur le terrain”, comme il le dira notamment lorsqu’on lui posera la question sur “l’évolution de la position des États-Unis concernant la” soi-disant “colonisation” du Sahara marocain et si “les États-Unis reconnaiss[ai]ent (…) l’autodétermination du” pseudo “peuple sahraoui” (précision utile et très intéressante, Joshua Harris a tout long de son interview seulement parlé de “peuple du Sahara occidental”, ce qui n’est pas exactement la chose que “peuple sahraoui”). “La créativité, le pragmatisme et le réalisme sont de mise. Les efforts du même type qui ont conduit à l’échec des processus politiques au cours des années passées ne produiront probablement pas de résultats. C’est pourquoi le Conseil de sécurité a parlé très clairement de la nécessité de créer un esprit de réalisme et de compromis et de l’importance pour toutes les parties concernées d’élargir leurs positions”, réitérera, dans le même sillage, Joshua Harris.

C’est à peine si le diplomate américain ne disait pas clairement que son pays continuait de reconnaître la souveraineté du Maroc sur son Sahara, décision, on le rappelle, prise par le président Donald Trump en décembre 2020. On lui demandera d’ailleurs, à un moment, si, du fait qu’ils soutiennent l’envoyé personnel du secrétaire général des Nations unies, Staffan de Mistura, les États-Unis avaient “changé de position”, ce à quoi il opposera que, de un, “les États-Unis considèrent la proposition d’autonomie du Maroc comme sérieuse, crédible et réaliste, et comme une approche potentielle pour satisfaire les aspirations du peuple du Sahara occidental (sic)”, et, de deux, que “la paix ne peut être imposée par un acteur extérieur” et que “c’est là qu’intervient l’envoyé personnel, M. de Mistura, et à quel point le processus politique de l’ONU est crucial pour parvenir à un résultat durable”. Traduction : Staffan de Mistura est là pour aider à mettre en place les conditions qui permettent d’enterrer le différend autour du Sahara marocain, lequel ne peut, en même temps, se faire que dans le cadre du plan d’autonomie soumis par le Maroc, étant donné que l’indépendance n’est ni réaliste, ni une solution de compromis – ce que Joshua Harris avait sous-entendu lorsqu’il avait fait référénce “à l’échec des processus politiques” et renvoyé à la dernière résolution du Conseil de sécurité, où justement les velléités séparatistes de la partie algéro-polisarienne ne trouvent aucun droit de cité. CQFD.

Enfin, Joshua Harris a également apporté une mise au point quant à la visite effectuée le 14 novembre 2023 par l’ambassadrice des États-Unis à Alger, Elizabeth Moore Aubin, dans les camps de Tindouf : un déplacement à vocation purement “humanitaire” et non donc politique, comme la machine de propagande algérienne n’avait cessé, par la suite, de le ressasser. Et par ailleurs, il a également exprimé son inquiétude à l’égard de la rupture du cessez-le-feu décrétée en novembre 2020 par le Polisario. À cet égard, il en a profité pour indiquer que les États-Unis “considér[aient] que cibler tout civil est totalement inacceptable”, ce qui, on le comprend, renvoit à l’attaque terroriste perpétrée dans la nuit du 28 au 29 octobre 2023 par le Polisario à l’encontre de la ville de Smara, où une victime civile innocente avait été enregistrée. Et il y a peut-être encore plus grave pour le mouvement séparatiste : dès sa déclaration préliminaire, Joshua Harris avait mis sur le même pied “l’escalade militaire” due au Polisario et l’action des groupes pro-iraniens au Moyen-Orient, puisqu’il a affirmé que cette “escalade militaire est très dangereuse, surtout en cette période de forte pression dans la région, avec les événements en Israël et à Gaza et les tentatives alarmantes des groupes Houthis de créer un conflit régional plus large” et que “cela ne fait qu’accentuer encore davantage le danger d’une escalade militaire au Sahara occidental”. De là à croire que le Polisario pourrait bientôt être considéré comme terroriste par les États-Unis, il n’y a peut-être qu’un pas, et c’est le pas que ses milices franchiraient en persistant à vouloir faire régner la terreur au Sahara marocain. En tant que son sponsor du mouvement, l’Algérie a, pour sa part, elle aussi beaucoup à craindre.

Quant au Maroc, il se voit de nouveau soutenu dans sa première cause nationale par la grande puissance américaine, et cette fois, du moment que c’est depuis chez eux que le message est directement passé, les pontes du régime algérien ont sans doute bien intérêt à en prendre de la graine.