Sahel: Mise en garde de Moscou à Alger contre ses liens avec les groupes terroristes

La Russie a sérieusement mis en garde l’Algérie contre sa politique de déstabilisation au Sahel et plus généralement dans la région Afrique du nord, a révélé un cabinet de conseil stratégique. Ces rappels à l’ordre sont intervenus lors du récent déplacement en Algérie du vice-ministre russe des Affaires étrangères et représentant spécial du président russe pour le Moyen-Orient et l’Afrique, Mikhaïl Bogdanov.

La visite du haut représentant russe en Algérie paraissait comme une tentative de réparation des relations détériorées entre Alger et Moscou suite à une longue période de froid et une distanciation entre les deux pays depuis le début de la guerre en Ukraine qui a vu une défection de l’Algérie à la Russie de peur de représailles occidentales, et la migration de contrats de gaz occidentaux qui ont profité à l’Algérie au détriment de la Russie.

Depuis, les relations entre les deux pays sont extrêmement froides. L’Algérie qui était un fidèle client d’armement russe, a manifestement pris ses distances de Moscou sans hésiter deux fois. Cependant, depuis que l’Algérie a obtenu un siège non-permanent au Conseil de sécurité, un retour de rapprochement devait être attendu à l’initiative d’Alger qui cherche des alliés dans le conflit du Sahara qui l’oppose au Maroc.

Sauf que l’objet de la visite du vice-ministre russe des Affaires étrangères et représentant spécial du président russe pour le Moyen-Orient et l’Afrique, n’avait pas cet objectif selon le cabinet de conseil stratégique Menas Associates qui cite des sources diplomatiques.

Le 13 avril, l’influent Mikhaïl Bogdanov s’est dirigé vers l’Algérie pour lui ordonner d’arrêter son jeu déstabilisateur au Sahel, précisément au Niger et au Mali, deux pays avec qui l’Algérie a brûlé ses cartes ces derniers mois et qui lui ont infligé de sérieux revers diplomatiques.

Menas Associates qui cite une source diplomatique proche des discussions algéro-russes, avance que les deux pays résument leur message par des mises en gardes précises: « Ne faites pas comme la France (…) sinon vous subirez le même sort », ou pire.

Bamako et Niamey auraient clairement indiqué qu’ils n’hésiteraient pas à rompre les relations avec l’Algérie et à la mettre définitivement sur liste noire, indique la même source. En cause, les liens du régime algérien avec les mouvements séparatistes et notamment Touareg, des groupes armés, dont le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (Jama’at Nusrat Al Islam wa al-Muslimin) d’Iyad ag Ghali, ainsi les contacts avec des personnalités politiques radicales qui menaceraient la stabilité des deux pays.

Les pays du Sahel interdisent à l’Algérie d’intervenir dans leurs affaires intérieures, de « cesser de soutenir les mouvements radicaux qui menacent (leur) sécurité, et n’entretenir aucun contact avec leurs adversaires nationaux ».

Le Mali et le Niger lancent un sévère avertissement à l’Algérie et exigent qu’elle « cesse d’entretenir des liens avec des mouvements armés, séparatistes ou terroristes qui parcourent la région », indique le cabinet de conseil stratégique. En faisant référence à la « région », les deux pays montrent leur prise de conscience de la nature collectivement dangereuse de l’Algérie qui soutient des mouvements séparatistes pour mettre en péril la région.

Les événements liés au conflit du Sahara marocain sont une preuve directe des répercussions de l’implication de l’Algérie dans les affaires internes des autres pays et de la menace qu’elle pose pour l’intégrité territoriale des Etats voisins. Son soutien financier, diplomatique et armé aux membres de la milice séparatiste du polisario, n’a jamais été caché puisqu’Alger le revendique.

La délégation de Bogdanov a expliqué que « l’Algérie est désormais dangereusement et péjorativement diabolisée par les deux nouveaux Etats clients de Moscou », cela en raison de son comportement « impérialiste » et « paternaliste », indiquent les russes.

Bamako et Niamey ont clairement indiqué qu’ils n’hésiteraient pas à rompre les relations avec l’Algérie et à la mettre définitivement sur liste noire, si leurs exigences ne sont pas satisfaites, indique-t-on. Ils ajoutent une mise en garde directe contre le régime algérien qui a noué des contacts avec les figures de l’opposition comme il l’avait fait avec l’imam malien Mahmoud Dicko.

La Russie et l’Algérie n’ont donc pas pris le chemin de la réconciliation et les relations entre Alger et ses voisins immédiats au Sahel sont plus que jamais proches d’une rupture sans précédent. Dans ce sillage, l’étau semble se resserer autour de l’Algérie à cause de sa stratégie de division en Afrique du nord.

Ajoutons que la récente tentative algérienne, soutenue par la Tunisie, dans la création d’un nouvel équilibre sous-régional qui devrait concurrence l’Union du Maghreb arabe (UMA) en excluant le Maroc, a été marquée par l’absence de la Mauritanie et une rapide intervention de la Libye qui a donné des assurances à Rabat. Dans cet espace Sahélo-maghrébin, l’Algérie d’Abdelmadjid Tebboune continue de s’isoler et de provoquer des tensions, et il n’est pas exclu que le pays soit à l’origine de troubles considérables au Mali et au Niger dans les mois à venir

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Yasmine Saih