Tebboune, persona non grata!

Le sommet arabe de Jeddah, en Arabie saoudite, fut incontestablement un succès diplomatique. Contrairement à l’édition d’Alger de novembre 2022, la représentation politique des pays arabes fut de très haut niveau. Le Maroc était représenté par le prince Moulay Rachid.

Par contre, l’une des particularités de ce sommet, l’absence très remarquée du président algérien, Abdelmajid Tebboune dont le pays assurait la présidence tournante du conseil de la ligue arabe.

Logiquement, le président algérien aurait dû être à Jeddah pour passer le témoin de la présidence au Roi d’Arabie Saoudite, Mohamed Ben Salman. C’est le protocole politique qui dicte une telle attitude. D’autant plus qu’une des grandes percées de ce sommet fut le retour de la Syrie au sein de la ligue arabe, cause pour laquelle la diplomatie algérienne avait vendu cette impression de s’être dépensée sans compter, ne serait-ce que sur le plan médiatique, pour réaliser cet objectif.

Or, Abdelamjid Tebboune était spectaculairement absent de ce sommet. Et ce n’est ni par choix politique ni pas conviction diplomatique. Connaissant les passions tristes du président algérien pour les fanfaronnades diplomatiques et la fabrication des chimères, le président algérien n’aurait jamais raté une telle occasion pour se mettre en scène et tenter de vendre l’illusion du grand retour de l’Algérie sur la scène diplomatique internationale.

La presse algérienne avait tenté de diffuser des éléments de langage qui justifieraient une telle absence. Une première explication est que le président algérien voulait rendre la monnaie à leur pièce aux autorités saoudiennes qui avaient ostensiblement boudé le sommet arabe d’Alger. Une seconde explication avait tenté de s’accrocher à la décision politique prise à la dernière minute d’inviter le président ukrainien, Vlodomir Zelensky qui aurait provoqué l’ire du régime algérien. Une décision prise selon les explications algériennes sans consultation de la présidence algérienne.

Toutes ces explications ne pèsent rien dans l’absence d’Abdelamjid Tebboune au sommet de Jeddah. La véritable raison est une décision stratégique prise par les autorités saoudiennes pour signifier au président algérien qu’il était simplement persona non grata à ce sommet arabe.

Sa présence et le cinéma diplomatique auquel il se serait même involontairement livré aurait gâché cette grand messe politique où les pays arabes devaient non seulement accueillir la Syrie de Bachar El Assad, mais aussi dérouler la nouvelle séquence diplomatique arabe pour tenter de régler et se positionner sur les grandes crises régionales.

Le baromètre de cette exclusion fut sans aucun doute le refus algérien de réagir positivement aux nombreuses tentatives saoudiennes de réconcilier le Maroc et l’Algérie. Et le message qui avait dominé ces tentatives est le suivant : Quand on nourrit à ce point un antagonisme aussi gratuit à l’égard d’un pays arabe voisin comme le Maroc, quand on est aussi hermétiquement fermé à toutes les tentatives de médiation, fussent-elles l’œuvre du pays gardien des Lieux Saints, on se met automatiquement en marge d’un minimum de consensus arabe nécessaire à la réussite du sommet de la ligue arabe.

D’ailleurs, cette position de défiance des autorités saoudiennes à l’encontre du régime algérien s’est traduite dans la phase préparatoire de ce sommet. Le régime algérien n’a été associé à aucune étape de son élaboration politique. Cela reflète au minimum le peu de crédit et d’estime que ces pays du golfe à la manœuvre ont pour ce régime algérien.

Ce sommet arabe est venu souligner la grande solitude et le terrible isolement diplomatique du régime algérien, incapable d’avoir des relations normales avec son environnement. Rupture avec le Maroc, tensions avec l’Espagne et l’Union européenne, crises de nerfs périodiques avec la France au point que la visite de Tebboune à Paris le mois de juin prochain semble sérieusement compromise, défiance à l’égard de l’administration américaine qui le menace de sanctions pour ses liens étroits avec la machine de guerre russe, sourde tension avec Vladimir Poutine au point que la visite de Tebboune à Moscou prévue en mai dernier est renvoyée aux calendes grecques …

Le régime algérien semble avoir développé à son insu une stratégie qui lui fabrique des hostilités et des ruptures. Abdelamjid Tebboune qui comptait énormément sur cette séquence internationale pour s’assurer un second mandat lors des prochaines élections présidentielles l’année prochaine, devrait revoir ses calculs et ses priorités. Le régime qu’il incarne aujourd’hui se trouve dans la situation de l’assiégé, une situation aussi dangereuse pour les Algériens eux-mêmes que pour leur environnement immédiat.

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