Transbordement via Tanger Med: quand l’Algérie perd totalement le contrôle du gouvernail

À peine digéré le retour sur leur décision absurde d’interdire le transbordement par les ports marocains de toute marchandise destinée à l’Algérie, les autorités du pays voisin annoncent de nouveau que le première décision était «toujours» valable. Au risque de rendre chèvre opérateurs économiques et sociétés de transport maritime, et de quoi donner une idée, encore une, de la gestion chaotique de la chose publique par le régime algérien.

J’y vais, je n’y vais plus. Finalement, j’y vais, et on verra demain. À une échelle individuelle, cette hésitation maladive, au gré de l’humeur, et des peurs, du moment, serait loufoque. Mais que dire quand c’est la marque de fabrique de tout un système, et quand c’est la principale caractéristique de la gestion de tout un pays, à savoir l’Algérie? C’est catastrophique. Il en va ainsi que de la mesure-réaction des autorités de ce pays contre le succès du port Tanger Med, que celles-ci ne semblent guère digérer. Mais qui s’avère de surcroît indispensable même pour leur propre économie.

On s’en souvient, le 10 janvier dernier, l’Algérie avait annoncé tambour battant l’interdiction formelle du transbordement par les ports marocains de toute marchandise destinée in fine à ce pays. Un courrier de l’Association professionnelle algérienne des banques et des établissements financiers (ABEF) annonçait ainsi qu’il a été «décidé de refuser toute opération de domiciliation pour les contrats de transport qui prévoient le transbordement/transit par les ports marocains».

Mais alors que les fournisseurs et les compagnies maritimes commençaient à peine à s’habituer à cette mesure pour le moins ubuesque et définitivement anti-économique pour un pays important le plus gros de ses besoins domestiques, le pouvoir algérien marque un énième rétropédalage. Lundi 29 janvier, la même ABEF annonçait autoriser de nouveau le transbordement par les ports marocains pour les «denrées périssables, en particulier les viandes». Observateurs et opérateurs économiques croyaient alors être au bout de leurs peines. Mais c’est mal connaître le pays du «monde à l’envers», selon l’expression de l’excellent livre «Le Mal algérien».

Samedi 3 février, que voilà? Une nouvelle instruction, véhiculée par la même ABEF, celle-là même dont l’Algérie, dépitée par le soutien de Madrid au plan marocain d’autonomie du Sahara, s’était servie en juillet 2022 pour bloquer les échanges avec l’Espagne. Que dit-on? Que le refus de toute opération de domiciliation pour les contrats de transport prévoyant le transit par les ports marocains «est toujours en vigueur». Évidemment, tout ce qui précède comme décisions, bien qu’acté dans des communiqués et des courriers officiels, a été élevé au rang de la calomnie, imputée (on vous le donne en mille) au Maroc.

«Suite aux allégations mensongères et la grossière manipulation des médias marocains, l’ABEF informe les directeurs généraux des banques que la décision de refuser toute opération de domiciliation, pour les contrats de transport qui prévoient le transbordement/transit par les ports marocains, est toujours en vigueur et garde toute sa validité effective», nous éclaire un communiqué de l’association algérienne.

C’est au dernier décompte le troisième communiqué du même organe où l’on stipule la chose et son contraire, puis le contraire du contraire. Un coup c’est ça, demain comme ça et le lendemain c’est autre chose. Voilà qui donne une idée de la piètre gouvernance chez nos voisins et renseigne à plus d’un titre sur une désormais emblématique gestion chaotique de chose publique.

Et avec cela, l’on s’étonne que l’Algérie se voit fermer toutes les portes, des BRICS à l’organisation des moindres événements d’importance, en passant par la perte de confiance de tous ses partenaires politiques et économiques, y compris les plus historiques. Coutumier des coups de sang et des mesures intempestives, le régime algérien brille là encore par l’étendue de son incompétence, le caractère incorrigible de son impéritie, ainsi que par son absence endémique d’anticipation. Ainsi va l’Algérie du tandem Tebboune-Chengriha.

Par Tarik Qattab