Transfert des eaux de l’Ubangi vers le lac Tchad : Le nocif projet ‘Trans Aqua’, péril contre l’environnement de la Rdc
Ève Bazaïba dénonce la nocivité du transfert des eaux de l’Ubangi vers le lac Tchad devant l’ONU
Dans la suite logique de la réunion préparatoire tenue en juillet 2021 dans le but de voir les Etats mener des actions en faveur de l’eau afin de relever les défis liés à cette ressource, et de garantir la durabilité des activités des secteurs utilisateurs de l’eau, la Vice-Premier ministre en charge de l’environnement et développement durable Ève Bazaïba Masudi (actuellement ministre d’Etat), au nom de la République Démocratique du Congo, dans un message porté devant la Conférence des Nations-Unies sur l’eau 2023 à New-York, le 23 mars 2023 pour faire voir à la face du monde la nocivité du projet ‘trans aqua’ qui vise à ponctionner les eaux de la rivière Ubangi en RDC vers le lac Tchad sans étude d’impact environnemental préalable.
Ce ‘projet constitue un réel danger pour le monde entier et causera un déséquilibre environnemental dans le bassin du Congo’, déplore Ève Bazaïba.
Il est vrai qu’en termes des ressources en eau, la Rdc est l’un des pays stratégiques d’Afrique. En effet, par sa position géostratégique, la Rdc constitue une charnière entre plusieurs grands ensembles hydrographique sous-régionaux. Elle est membre de quatre organisations de bassin, à savoir : le Bassin du Nil, le Bassin du Congo, le Bassin du Lac Kivu et le Bassin du Lac Tanganyika. En plus, elle fait partie des communautés économiques de l’Afrique centrale et de l’Afrique australe, qui ont toutes deux élaboré et mis en œuvre des politiques régionales de gestion durable des ressources en eau.
“La Rdc dispose de 52 % des réserves des eaux douces de surface de l’Afrique, et 23 % de ressources hydriques renouvelables de ce continent, dont la population est estimée à 1,3 milliards d’habitants. Avec une démographie estimée à 1% de la population mondiale, la Rdc dispose de 10 % du potentiel mondial en eau douce”, renseigne l’actuelle Ministre d’État en charge de l’Environnement.
Certes, le pays doit ce potentiel à l’immensité de son territoire au cœur du bassin forestier tropical du bassin du Congo, dont il détient plus de 60% de la superficie forestière, avec sa position géographique à cheval entre la ligne de l’Équateur, ainsi qu’à sa situation climatique globalement clémente. Toutefois, “la préservation des forêts du Bassin du Congo a un impact hautement positif sur le renouvellement du cycle de l’eau”, préviens Ève Bazaïba dans son message devant le Secrétaire Général des Nations Unies, le Représentant du Royaume des Pays-Bas, le Représentant de la République du Tadjikistan et autres invités, venus du monde entier.
Forêts congolaises, pilier stratégique de la lutte contre le réchauffement climatique
Les écosystèmes hydriques des forêts du bassin du Congo, qui grâce au processus de photosynthèse et d’évapotranspiration, régulent les pluies dans toute la partie Est de l’Afrique et du Sahel. Par exemple, sans les forêts de la République Démocratique du Congo, il n’y aurait aucune goutte d’eau au Soudan, au Kenya, en Ethiopie, en Erythrée, bref le Fleuve Nil dont dépend la survie de l’Egypte est alimenté par les pluies provenant de la RDC.
Le Centre de Recherche Forestière Internationale (Center for International Forestry Research) « CIFOR », confirme les multiples rôles que jouent les forêts de la RDC et ceci constitue un argument de taille en faveur de la conservation de ces forêts, pilier stratégique qui vise à répondre aux problèmes du changement climatique dans le monde.
Le danger de la pollution des eaux, notamment la pollution aux plastiques et aux produits chimiques toxiques provenant des exploitations minières réduit la disponibilité d’eau douce pour répondre aux multiples demandes. “La lutte contre ce fléau, devrait occuper une place de choix dans notre activité quotidienne”, affirme Ève Bazaïba.
‘Accélérer le changement pour résoudre la crise de l’eau et l’assainissement’, a été thème choisi pour la Conférence des Nations Unies sur l’Eau édition 2023. Ce thème doit interpeller tout le monde car “Il faut privilégier d’autres alternatives au lieu de chercher à résoudre un problème du Bassin du Lac Tchad en créant un autre dans le Bassin du Congo”, suggère celle que l’on appelle affectueusement ‘Songoli’ (entendez, génie des eaux), Ève Bazaïba.
On ne résout pas un problème en créant un autre
La rivière Ubangi dont question, connait actuellement un étiage très sévère suite aux impacts négatifs du changement climatique, ce qui rend difficile sa navigabilité saisonnière.
En plus, cette rivière se trouve dans la cuvette centrale, région recouverte par plus de 100.000 m² de tourbière tropicale.
La bonne gouvernance et la gestion intégrée des ressources en eau peuvent atténuer les menaces pesant sur un puits de carbone transfrontalier de plus de 30 milliards de mètres cubes, soit plus de trois ans de pollution mondiale qui risquerait de s’échapper dans la nature avec des lourdes conséquences pour notre planète.
Au regard des impacts négatifs grandissants que le changement climatique a sur les ressources en eau dans et aux environs de la région du Bassin du Congo, la valorisation de l’eau douce devient une urgence pour l’humanité. Celle-ci pourra se faire grâce à des partenariats axés sur un transfert de technologie et des méthodes de gestion plus efficiente de cette ressource cruciale dans plusieurs secteurs utilisateurs comme la navigation, l’agriculture, la santé et l’hygiène, le tourisme, les industries, la biodiversité, l’hydroélectricité, l’approvisionnement en eau, la pêche, les infrastructures, c’est la mise en œuvre de l’ODD 17.
Les utilisations de l’eau à travers le monde ont prouvé que cette ressource est tarissable, car capable de disparaitre et fragile puisque la pollution en réduit la disponibilité. “De manière générale, c’est ce manque de disponibilité d’eau qui engendre très rapidement des conflits entre Communautés ou entre groupes d’utilisateurs. Pareils conflits peuvent embraser les États”, préviens dans son message la gestionnaire l’environnement RDcongolais.
Cet argument parait paradoxal car, par sa valeur et son importance, l’eau est source de paix et non de conflit.
Prenant en compte les impacts négatifs du changement climatique sur l’eau, les projets intégrateurs avec des interfaces plus importants du genre NEXUS Eau-énergie-écosystèmes ou alimentation sont à encourager vivement, car rien ne se perd, mais tout se conserve. Raison pour laquelle Ève Bazaïba encourage les États membres de la Conférence de l’eau à valoriser cette nouvelle approche qui du reste cadre avec les objectifs de développement durable de notre planète.
De l’objectif 6 des ODD
Parlant de l’objectif 6 des ODD qui vise à garantir l’accès de tous à l’eau et à l’assainissement et une gestion durable des ressources en eau, y compris celle des eaux transfrontalières, Ève Bazaïba est revenue sur la demande de nomination d’un Envoyé Spécial des Nations Unies pour l’Eau. Vu les défis immenses de l’atteinte de l’ODD 6 pour les pays africains, elle attend à ce que ce poste soit occupé par une personnalité de haut niveau provenant du continent africain capable de porter la voix des pays les plus vulnérables. Pour s’assurer que l’eau sera dotée d’une attention politique permanente, nous demandons également que cet Envoyé Spécial soit basé à New York et ait des liens étroits avec l’Union Africaine et l’ONU.
Willy Makumi Motosia