Trêve d’illusion : L’Occident ne voudra jamais pour l’Afrique son type de démocratie !

Motif simple : sa démocratie est trop coûteuse en termes de niveau social, d’économie et de sécurité pour être compatible avec les réalités sociales, économiques et sécuritaires fragiles de la majorité des pays africains…
En une soixantaine d’années d’indépendance, les pays africains, autrefois colonisés par l’Europe occidentale sous le regard attentionné des Etats-Unis, font maintenant la troisième expérience de la démocratie. Venue avec le vent des indépendances, la première vague remonte aux 1960-1965. Elle va se planter avec l’avènement des coups d’État militaires et l’instauration des régimes à Parti-Etat à partir des années 1963 jusqu’en 1990. La deuxième expérience s’est manifestée entre 1990 et 2020 avec la cogestion des transitions et l’avènement des institutions issues des élections sujettes à contestation. Jamais deux sans trois : la troisième est en cours. Elle se vit malheureusement avec la propension à la révision de la Constitution pour plus que deux mandats, tendance coïncidant avec le recours aux coups d’Etat militaires. Le dernier en date – celui du Niger – a pour mérite inespéré de voir la France Etat menacer ouvertement les putschistes nigériens des répressions en cas de mise à mal de ses intérêts économiques. Paris refuse de subir une troisième humiliation après celles du Mali et du Burkina Faso…
Démocratie à l’occidentale
Pour une fois depuis 1960, avec l’entrée en lice de l’Algérie, trois pays voisins décident de coaliser leurs forces armées pour combattre au Niger toute autre force étrangère qui empêcherait l’armée nigérienne d’exercer les prérogatives régaliennes.
A la base, il est certes aisé de citer la menace djihadiste qui, elle-même, a ses origines dans la mort brutale et atroce de Mouammar Kadhafi, mort planifiée sous Nicolas Sarkozy par Paris, dit-on
Mais, en réalité, la vraie crise a ses racines dans la démocratie telle que vendue à l’Afrique : la démocratie à l’occidentale pratiquée dans les pays d’Amérique du Nord et de l’ex-Europe de l’Ouest, tous membres de l’Otan.
Et comment !
Cette forme de démocratie, on le sait, est entretenue dans ces pays avec le niveau social relativement élevé des populations, niveau garanti par une économie forte et une sécurité optimale.
Tous les partis qui se succèdent aux affaires en Occident savent que sans celles-ci, celui-là est nul.
La preuve est que pour une majoration de prix d’un centime d’euro, ou d’un cent de dollar, le pouvoir – peu importe qu’il soit de gauche, du centre ou de droite – s’expose à une déferlante du genre Gilets jaunes.
Au moins, il est formellement établi que pour garantir le standing acquis pour leurs populations, la plupart des pays occidentaux ont besoin des matières premières dont regorge en abondance l’Afrique. Continent qui, depuis sa « découverte » par des explorateurs puis son exploitation par des colons européens, les nourrit au travers de l’exploitation industrielle et artisanale des ressources naturelles du sol et du sous-sol.
Conséquence : l’Afrique renoue avec des coups d’Etat militaires
De cette démocratie profitable essentiellement aux Américains et aux Européens, les Africains sont de plus en plus nombreux à ne plus en vouloir.
Normal : à l’échec patent de la démocratie suscitée dans la foulée des indépendances en 1960 a succédé l’échec, tout aussi patent, du monopartisme justifié par la Guerre froide au moyen des coups d’Etat militaires et civils. Et tout naturellement, cet échec a douché les espoirs démocratiques suscités par la « Perestroïka » (reconstruction) et la « Glasnot » (transparence), concepts lancés par Mikaël Gorbatchev dernier président de l’Urss en 1990-1991, mais surtout promus lors de la 16ème conférence des chefs d’État d’Afrique et de France organisé à La Baule en juin 1990 sous un François Mitterrand plutôt napoléonien que gaullien.
En effet, pour préserver ses intérêts, l’Occident avait fait le choix de se débarrasser de tous les régimes à parti unique qu’il avait utilisés en gendarmes de ses intérêts géopolitiques, géostratégiques et économiques sous la Guerre froide. Il avait alors misé sur les opposants africains propulsés au-devant de la scène grâce aux ONG, aux médias, aux syndicats des travailleurs, aux églises chrétiennes etc.
D’où sa (re)prise de contrôle de tous les changements institutionnels opérés dans bon nombre de pays africains : élections là où il y a possibilité d’élections, soulèvements populaires là où il y a possibilité de soulèvement, coups d’Etat militaires là où il y a possibilité de coup d’Etat militaires.
Paradoxalement, les filleuls – une fois aux affaires – ont réalisé les limites de la démocratie à l’occidentale. La gestion démocratique se révélant de plus en plus difficile à assumer, certains vont découvrir la « nouvelle recette » consistant à faire sauter dans la Constitution la limitation des mandats pourtant initialement fixés à deux.
Conséquence : l’Afrique renoue avec des coups d’Etat militaires.
Aux enjeux économiques, ils opposent des enjeux politiques
A dire vrai, l’échec de tous les cycles expérimentés résulte d’une même cause : la persistance des crises sociales consécutives à la persistance des crises économiques consécutives, elles-mêmes, à la persistance des crises sécuritaires.
Aussi, depuis 6 décennies, la population africaine ne sait pas couvrir ses besoins primaires en logement, en énergie (eau et électricité), en éducation, en santé, en transport etc.
Elle se demande, non sans raison, quand est-ce que Washington pourrait, par exemple, aider Kinshasa à se rapprocher ne serait-ce que de 10 % du PIB par habitant aux Etats-Unis qui est de USD 70.248,63 en 2021, soit USD 7.024, puisque celui de la RDC par habitant est de USD 577,21 ! Dans 10 ans ? Dans 20 ans ? Plutôt dans 50 ans ?
Choquante, la vérité à laquelle il faut finalement préparer l’opinion africaine est que jamais, mais alors jamais l’Occident ne saura pousser l’Afrique à adopter son mode de démocratie et se l’approprier. Ce mode étant trop onéreux, les Occidentaux ne voudront pas s’étrangler en voyant l’Afrique, avec son 1,4 milliard d’habitants, jouir du même niveau de vie que les Américains et les Européens (ex-Europe de l’Ouest) qui sont 820 millions d’habitants.
Pour rien au monde ils n’encourageront les Africains à disposer d’un système sécuritaire et à se doter d’un système économique sur lequel va devoir s’appuyer un système social consolidé par un système politique démocratique à l’occidentale. Ce sera suicidaire pour la « civilisation universelle ».
Par contre, ils seront derrière tout système politique aux apparences démocratiques, système qui rende au moins les élections potentiellement inflammables pour leur permettre d’agir en sapeurs-pompiers.
Que représentent alors l’Afrique pour ses leaders institutionnels ?
Une partie de la réponse est dans le communiqué de presse 9 août 2022 publié par Africom (Commandement militaire américain pour l’Afrique) à l’occasion de la prise de fonction du général Stephen G. Townsend. Ce dernier déclare : «*L’Amérique ne peut pas se permettre d’ignorer l’Afrique – la sécurité future de l’Amérique, et je crois que la prospérité – dépend d’une Afrique plus sûre et plus prospère».
Comment ces leaders, conscients du rôle-pilote des Etats-Unis dans le monde occidental, négocient-ils avec Washington la contrepartie de l’Afrique en termes de niveau social, de niveau économique et de niveau sécuritaire ?
Evidemment, comme relevé dans une chronique récente, aux enjeux économiques constituant la priorité des priorités pour les Occidentaux, les leaders africains opposent continuellement les enjeux politiques ; leur préoccupation première étant de figurer dans le Guinness World Records Book des meilleurs démocrates du continent !
Omer Nsongo die Lema