Tribune de Me Dieudonné Kaluba Dibwa sur la révision de la Constitution : faire le médecin après la mort !?

Depuis la promulgation de la Constitution en 2006, l’Udps a fait porter à l’institution Président de la République la responsabilité de tous les problèmes qui se posent au pays, oubliant que 12 ans après, Félix Tshisekedi allait succéder à Joseph Kabila….

La toile congolaise a pour sujet-clé de réflexion et de débat la tribune de Me Dieudonné Kaluba Dibwa, président honoraire de la Cour constitutionnelle de la République démocratique du Congo et, par ricochet, président du Conseil supérieur de la magistrature. Docteur en droit et enseignant à l’université, avocat au barreau de Kinshasa et ayant exercé comme conseil devant la Cour pénale internationale, il a la science infuse. Après sa prise de position courageuse, on aurait dit : ‘Ite, missa est est’, entendez ‘la messe est dite’, c’est-à-dire ‘il n’y a plus rien à faire, la situation est définitive et ne peut être changée”‘

C’est si précis et concis

Voici comment Me Dieudonné Kaluba rend sa “prêche” : “Quand vous prenez la Constitution de la RDC, vous verrez qu’on a dépouillé le Président de la République de presque tout le pouvoir. En réalité, le vrai centre névralgique du pouvoir c’est le premier ministre. Mais écoutez le peuple congolais à la télévision, quand il s’exprime en réalité dans son schéma mental, il s’adresse au Président de la République mais pas au premier ministre, presque jamais. Il dit : ‘papa Tshisekedi talela biso makambo oyo, Fatshi osali eloko te’, alors que la Constitution dit que c’est le gouvernement qui définit et conduit la politique du pays. Mais personne ne s’adresse au gouvernement. Le peuple dit que c’est le Président qui doit faire ou qui ne doit pas faire. Et mêmes les intellectuels vous disent que le Président doit présenter un bilan, et pourtant ce n’est pas lui qui définit la politique du pays. Il y a toujours cette dichotomie entre ce qui est écrit et ce qui est pensé. Ce qui est pensé par les congolais est que nous voulons un régime qui ressemble au régime que nous avons dans nos villages : on ne peut pas avoir un chef qui ne fait rien. Or, dans notre Constitution, nous avons voulu un chef qui dort, et un premier ministre qui travaille avec son gouvernement. #NB : Il est impérieux que la Constitution soit changée; car selon l’actuelle Constitution, nous sommes dans un régime semi-présidentiel, tandis que dans les têtes de la population nous sommes dans un régime présidentiel. C’est une priorité absolue !”.

C’est si précis et concis qu’on devrait s’en arrêter là, et entamer la révision de la Constitution.

Véritable arme de destruction de la constitution

Il y a effectivement incompatibilité entre les articles 70 et 91 de la Constitution.

Le premier prévoit l’élection du Président de la République au suffrage universel (un homme, une voix). Pour ce faire, le candidat est obligé de compétir sur toute l’étendue du territoire national pendant 30 jours, mobilisant de gros moyens humains, financiers et matériels.

Mais une fois élu – là se situe l’incompatibilité – il est réduit par l’article 91 à définir la politique de la nation avec le Gouvernement issu de la Majorité parlementaire, Gouvernement responsable devant l’Assemblée nationale.

Concrètement parlant, le chef de l’État ne se retrouve pas dans le programme pour lequel le peuple l’a pourtant élu. Chaque année, il prononce un discours sur l’état de la Nation pour rendre compte d’une gestion qu’il n’a pas assumée. Et au terme du mandat quinquennal, il est jugé sur son bilan alors qu’il n’a constitutionnellement parlant plus de contrôle sur son programme de campagne électorale.

Les 12 ans durant, Joseph Kabila a joué le jeu, laissant quasiment les Premiers ministres en avant-plan.

Or, Félix Tshisekedi a voulu jouer le jeu différemment. Il s’est mis en avant-plan, présidant non pas que le Conseil des ministres presque toutes les semaines, mais en plus donnant des instructions à la fois au Premier ministre, aux Vice-Premiers ministres, aux ministres d’Etat, aux ministres, voire au vice-ministres !

Pour dire vrai, dès le premier Conseil des ministres, il s’est mis à gouverner.

Tout le monde – à commencer par le président de la Cour constitutionnelle et président du Conseil supérieur de la magistrature – l’a laissé violer délibérément la Constitution. Comme pour l’encourager dans cette voie, on lui a trouvé la fameuse formule “Le salut du peuple est la loi suprême”, véritable arme de destruction de la Constitution !

Du chef de l’Etat soumis au devoir de redevabilité…

 

En vérité, des Accords du Palais de Marbre 1 en 1991 au Dialogue Intercongolais en 2001-2003 en passant par la Conférence nationale souveraine en 1992-1993, Étienne Tshisekedi et l’Udps ne voulaient plus d’un Président de la République qui gouverne. Ils étaient dans la logique d’un Président de la République qui règne et d’un Premier ministre qui gouverne.

Félix Tshisekedi le savait et il le sait.

Aussi, on devrait se demander pourquoi de 2006 à 2018, l’Udps s’est acharné à faire porter à Joseph Kabila – ci-devant Président de la République – la responsabilité de tout ce qu’il considérait comme dérapage dans la gestion de la Chose publique.

Tout le Congo apprenait – par l’Udps ainsi que sa société civile (ONG, mouvements citoyens, églises, médias) – que la chute de telle localité pendant la guerre, c’était Kabila. L’envolée du dollar sur le marché du change, c’était Kabila. La crise de transport public, c’était Kabila. L’arrestation de tel acteur politique ou de tel journaliste, c’était Kabila. Le crash, le déraillement ou le naufrage, c’était Kabila. Les inondations, c’était Kabila. L’empoisonnement de tel artiste, c’était Kabila.

Et pourquoi, ceux qui rappellent aujourd’hui l’article 91, se sont tus au cours de ces 5 dernières années, faisant le médecin après la mort !

C’est tout ce qu’il y a de normal que la rue ait gardé le réflexe du chef qui règne et gouverne. Du chef de l’État soumis au devoir de redevabilité.

En appeler à un dialogue ou pas

Aujourd’hui, plaider pour la révision de la Constitution, c’est une bonne chose. Mais, l’opinion a besoin d’être fixée sur le cadre.

C’est sur ce terrain-là que le souverain primaire attend l’éclairage qui vienne de ses filles et fils constitutionnalistes conviés à avoir le courage de se prononcer sur la possibilité d’en appeler à un dialogue ou pas, en référence à l’Histoire du pays.

Autrement, la sortie médiatique de Me Dieudonné Kaluba n’aura pas aidé le Congolais lambda à sortir de l’auberge.

Au contraire…

Omer Nsongo die Lema