Une constitution à problème : De la guerre de terre au recours abusif à l’article 64
La question de la nationalité congolaise a été l’un des prétextes de la guerre de 1996, qui a vu, par génération spontanée, des militaires et réfugiés venus des pays frontaliers de l’Est, devenir congolais. Les agresseurs se disent congolais, et l’opinion publique, surtout celle de la communauté internationale, leur donne erronément le statut de rebelles au pouvoir en place. ADF NALU ougandais est devenu un mouvement rebelle au pouvoir de Kinshasa.
La Constitution du 18 février 2006, dans son article 10 conforte leur position en déplaçant la date de la constitution définitive de l’Etat congolais par l’assemblable des groupes ethniques, du 18 Octobre 1908 traditionnellement consacrée, pour la fixer à l’indépendance. Les agresseurs, se disant en rébellion, se cherchent individuellement ou collectivement un groupe ethnique existant d’attache ou s’en créent un dont ils forcent l’existence à l’indépendance ou avant pour être en conformité avec la nouvelle Constitution. Ils se trouvent une terre d’ancêtres imaginaires et se donnent une raison de se battre, de tuer, de piller et de devenir Président de la République, général de l’armée ou ministre : leur terre à défendre et à exploiter.
Du doute sur la nationalité congolaise, à la faveur de groupes linguistiques de réfugiés ou communautés étrangères devenues congolaises sur toutes les frontières de la RDC, on en arrive aussi à sa perte chez les Congolais d’origine, qui ont pris une autre nationalité. Sans couper le cordon ombilical avec les ancêtres, les vrais, tout en partageant le même sang et la même culture, on est séparé par un papier d’identité, un passeport. Ce qui fait que, malgré l’exclusivité de la nationalité congolaise, ceux qui en ont eu deux, trois ou quatre en plus, continuent à vivre en congolais et à jouir des privilèges des congolais avec la bénédiction des pouvoirs publics et de tous ceux qui profitent de cet amalgame, particulièrement les membres de familles et les copains politiciens.
Le débat de nationalité, celui de “notre terre”, du “likambo ya mabele”, du “bualu bua ditunga”, dans cette confusion entretenue par la Constitution de la Troisième République, s’invite pour l’élection du Président de la République, ce, depuis 2006. Jean Pierre Bemba fut élu, mais non proclamé, sur base de cet état d’esprit. Etienne Tshisekedi, allant jusqu’à promettre de restituer au Rwanda le “candidat régnant”, presta serment chez lui à la maison sur la Bible. 2018, sans faire exception, a vu la démonstration de force d’une population déterminée à voir un natif à la tête du pays par les élections.
Les élections de 2023 ont connu un critère de choix logé dans la conscience collective : voter de père et de mère, et même d’épouse congolaise lorsqu’il s’agit d’élire le Président de la République pour que la terre ne soit pas sous le contrôle d’un étranger. Noel Tshani, le père du slogan, son principal thème de campagne, n’a pas pourtant mobilisé autour de sa candidature à la présidentielle, afin que celui sur qui ne pèse aucun doute d’être de père et de mère soit l’élu, quitte à le faire à la russe avec 99 % des voix, soustraction faite de celles des infiltrés ou “congolais” de génération spontanée. On a même lancer une fatoi : “ Si tu ne votes pas de père et de mère, tu es donc étranger et déjà maudit”. Une épreuve difficile pour ceux qui ont pris l’option d’associer au critère de congolité celui de la vision pour un autre Congo. Les 73, 34 % du Président Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo sont l’expression populaire de la volonté d’un peuple d’assumer sa souveraineté et de se libérer de l’emprise néocoloniale du capitalisme libéral et sauvage, perceptible malheureusement dans le profil de nombreux candidats. Qu’importe la mauvaise organisation des élections et les cris à la fraude électorale. La rue, qui a boycotté l’appel à la révolte, a été en liesse, le 31 décembre 2023 à la publication des résultats par la CENI.
La volonté populaire est donc en déphasage avec la Constitution sur la question de la nationalité, donnant un gout amer de la garder en norme référentielle dans le domaine.
Maintenant que l’homme fort FATSHI BETON est réélu, place est au leadership collectif et complémentaire pour un autre Congo à travers la “ Rupture du système de prédation par la Kombolisation pour la Renaissance de la RDC”.
Pour déstabiliser le pays ou l’agresser, pour dénoncer la mauvaise organisation des élections ou en contester les résultats, on recourt aussi à la Constitution de la Troisième République, qui, en son article 64, alinéa 1, dispose : “Tout Congolais a le devoir de faire échec à tout individu ou groupe d’individus qui prend le pouvoir par la force ou qui l’exerce en violation des dispositions de la présente Constitution. ”
L’opposition congolaise, convaincue d’avoir toujours gagné les élections présidentielles depuis 2006 sans être proclamée élue, sauf en 2018, a toujours eu en réserve l’article 64 comme moyen de chantage. Devenant opposant à leur allié, opposant d’hier Félix Antoine Tshisekedi, nombreux opposants sont devenus une sorte de supplétif de l’opposition kabiliste pour renverser le nouveau régime sur base de la Constitution.
Cela nous rappelle les mouvements politico-militaires, au départ criminels tuant et pillant à l’Est du pays, puis blanchis pour devenir des partis politiques et obtenir l’entrée de leurs membres dans les institutions publiques (Intégration, mixage, insertion, réintégration…). Curieusement, ils ont gardé des éléments qui se recomposent avec une autre dénomination pour brandir l’article 64 et dénoncer le manque de démocratie, chaque fois que ceux qui sont dans les institutions ne sont pas totalement satisfaits dans leurs revendications démesurées. Le CNDP et le M23, fils du RCD et petits-fils de l’AFDL, sont de cet ordre. L’AFC de Corneille Nangaa fonde aussi son action, destinée à tuer ses compatriotes pour prendre le pouvoir, sur la même célèbre disposition constitutionnelle.
Seulement, les tenants de l’article 64 n’aiment pas le lire en entièreté, par peur des représailles prévues lorsqu’on n’applique pas son premier alinéa au gout du régime au pouvoir : “Toute tentative de renversement du régime constitutionnel constitue une infraction imprescriptible contre la nation et l’Etat. Elle est punie conformément à la loi.”
La confusion de la Constitution de la Troisième République est dans sa capacité de se contredire ou de savoir dire une chose et son contraire. Les belligérants, véritables bénéficiaires de cette constitution de compromis, habitués à agir par la force, pensaient se réserver un moyen de répression contre les démocrates zélés qui oseraient appliquer la première partie de l’article 64 dans le sens de leur renversement.
La violence, dans cette disposition, n’est pas expressément exclue comme moyen de faire échec à tout individu ou groupe d’individus qui prend le pouvoir par la force ou qui l’exerce en violation de la Constitution. Les opposants dits démocrates parlent de mobiliser la rue, même lorsque les évidences montrent leur incapacité d’y arriver avec un grand nombre. Alors la minorité des jeunes mobilisés, pour donner de la visibilité internationale à leur manière d’appliquer l’article 64, sont poussés à recourir aux armes blanches (machettes, pierres, …) et autres formes de violence, y compris verbales. Très facilement, le glissement vers la tribalisation ou l’éthenisation de la mise en échec se dessine. Aujourd’hui le régime dit luba est pointé du doigt. Hier, le régime swahili, sinon katangais, sans être autant menacé à ce titre, était assimilé au pouvoir rwandais.
Qui a le pouvoir d’apprécier le fait de prendre le pouvoir par la force ou de l’exercer en violation de la Constitution ? Le tout congolais peut-il valablement apprécier la violation de la Constitution et faire de son point de vue individuel une source du pouvoir de faire échec à un régime en place de gouverner ?! Le constituant a-t-il pu prescrire un devoir civique en laissant son exercice à la libre appréciation du citoyen ou de tout groupe d’individus ? A partir du moment où la Cour constitutionnel, dont les décisions sont inattaquables, a validé les résultats de l’élection présidentiel en proclamant l’élu Félix Antoine Tshisekedi, au-delà des soupçons de fraude, quel tout congolais pourrait exercer son devoir de lui faire échec sur base d’une considération personnelle de prise de pouvoir par la force ? Quel tout congolais est qualifié pour faire échec au régime FATSHI BETON en pensant que celui-ci exerce son pouvoir en violation de la Constitution ?
La lecture isolée d’une disposition constitutionnelle peut donner lieu à des interprétations en tous sens et à des applications abusives. Une insécurité juridique notable menace aujourd’hui l’Etat dans son existence déjà fragile et participe à l’alimentation de l’insécurité dont les congolais sont victimes.
Une interprétation de la Cour Constitutionnelle pour répondre à ces questions permettra de prévenir les tentatives de déstabilisation des institutions et d’autres menaces à la paix précaire que nous avons.
Avec raison, nous soutenons le mouvement pour la Quatrième République lancée par Madame Marie-Josée Ifoku, afin de doter le pays d’une nouvelle Constitution des congolais et pour les congolais, celle qui ne peut être taillée sur la mesure des intérêts de quelques individus pour la pérennisation du système de prédation.
10, 12 ou 15 millions de morts en République Démocratique du Congo sur fond des questions existentielles pour l’Etat et pour la Nation : l’identité nationale et culturelle, la terre, le partage des richesses nationales, la légalité et légitimité du pouvoir, la reconnaissance et l’exercice de la souveraineté du peuple. Nous devons trouver un cadre juridique et les conditions mentales et intellectuelles les meilleures pour des réponses appropriées et pratiques.
Nous ne pouvons maintenir une constitution génératrice de pouvoir politique appauvrissant, constamment contesté, destabilisable à souhait et avilissant. Nous devons repenser la manière de designer nos dirigeants et de nous gouverner en ayant l’unité dans la diversité et la qualité du service à autrui et du bonheur collectif comme mesures. A ce prix, nous enlèverons à l’illégalité et l’illégitimité du pouvoir leur droit d’être citées face au déni de démocratie et à la misère du peuple.
Nous ne pouvons continuer à ressentir le besoin d’une organisation sociale truffée de germes de sa destruction, comme c’est le cas avec une constitution qui exclue ses fils et filles pour le besoin de l’exclusivité de la nationalité, tout en créant des Congolais d’origine par masses indéfinies, qui deviennent les partisans de la balkanisation, les vendeurs du pays et les ennemis de l’unité nationale.
Bien-sûr que la Constitution, à elle seule, ne suffit pas. Une bonne dose de kombolisation conduira à la renaissance du congolais et de la nation, afin que la loi fondamentale du pays soit dans l’environnement mental et spirituel indiqué.
BAMUANGAYI KALUKUIMBI Ghislain