Une élection présidentielle sans recours aux fondements idéologiques : Entretien exclusif avec Crispin Kabasele Tshimanga, président de l’UDS

Trois questions à Crispin Kabasele Tshimanga Babanya Kabudi, Président National de l’UDS (Union des Démocrates Socialistes), à propos de l’élection présidentielle devant se tenir le 20 Décembre en RDC. Ces élections présentent la caractéristique d’être organisées sur un seul tour, mais surtout cette année de se dérouler sans la participation des habitants de certaines régions de l’Est du pays, soumises à des tensions armées pour une bonne part soutenues voire organisées par des pays voisins (Rwanda et Ouganda). La grande richesse du sous-sol congolais surtout dans la partie orientale du pays aiguise depuis même avant la colonisation les appétits les plus cyniques et les moins scrupuleux…

L’UDS est membre de l’ « Union Sacrée pour la Nation », coalition politique formée il y a deux ans autour du Président sortant en réaction aux risques grandissants de balkanisation. Notre camarade Crispin Kabasele est quant à lui candidat pour les élections législatives, qui se tiendront le même jour, dans la province du Kasaï.

Initiative Communiste : Des régions de l’est de la RD Congo connaissent depuis quelques années un regain de tensions et de violences entre divers groupes armés et entre certains de ces groupes et les FARDC (Forces armées de la République Démocratique du Congo), sans oublier que certains de ces groupes sont activement soutenus par le régime de Paul Kagamé au Rwanda. Dans ce contexte, diriez-vous que la sécurité est l’enjeu essentiel de ses élections ?

Crispin Kabasele Tshimanga : Tout à fait. La question sécuritaire est au centre de la campagne présidentielle en cours pour l’élection du 20 Décembre 2023. Tous les candidats l’ont abordée. Le Président sortant Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo se révèle comme le plus agressif et déterminé à utiliser tous les moyens en sa possession pour ramener la paix dans la partie orientale du pays. Des dispositifs militaires et réglementaires ont été mis en place. Quant au candidat Moise Katumbi Chapwe, il est resté timide tout en promettant qu’en six mois d’exercice, une fois à la présidence, mettrait fin à la guerre sans pour autant esquisser sa recette miraculeuse pour y parvenir.

 

L’ancien Premier Ministre Adolphe Muzitu est revenu sur l’idée d’ériger un mur à la frontière entre le Rwanda et la RD Congo. Les autres candidats, notamment Dr Mukwege, Martin Fayulu, n’ont aucun plan, à part suivre les fluctuations des masses populaires congolaises.

Au demeurant, l’opinion soutient le candidat fermement engagé au règlement militaire de l’insécurité récurrente entretenue par les voisins dont le Rwanda.

Quand les médias français évoquent les prochaines élections présidentielles en RDC, les candidats ne sont pas caractérisés par leur orientation politique. Pouvez-vous nous présenter les orientations des principaux d’entre eux ?

Il est difficile de présenter les orientations politiques de différents candidats tant il est vrai que le microcosme politique fait rarement cas des fondements idéologiques bien connus. Même si la plupart des partis politiques congolais copient servilement les nombreuses idéologies existantes, il est malheureux de constater que les options de celles-ci sont rares dans leurs discours et programmes politiques.

Le social-démocrate Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo a décliné un programme plutôt pragmatique que de gauche. Le programme du libéral Moise Katumbi Chapwe est un fourre-tout. Les autres sont difficiles à classer sur l’échiquier idéologique. L’absence des fondamentaux propres à chaque idéologie rend celles-ci difficilement repérables. On ne sent pas la différence entre la gauche, la droite et le centre.

Dans l’ensemble, sur des thèmes importants comme le redressement économique, l’éducation, la santé, l’agriculture, l’emploi, la jeunesse, la décentralisation, la lutte contre la corruption, etc., il y a absence des mesures phares chez un grand nombre de candidats. Le Président sortant a, quant à lui, plaidé pour la consolidation des acquis de son quinquennat.

Les autorités congolaises ont récemment congédié la mission d’observation électorale de l’UE, leur reprochant leur manque de transparence à propos de leurs outils numériques. Pensez-vous que l’Union Européenne pourrait vouloir manipuler le scrutin ?

L’opinion publique congolaise, intriguée par les manigances de l’église catholique locale, a été  surprise d’apprendre de la bouche de certains candidats qu’ils ne reconnaîtront que les résultats publiés par les observateurs électoraux étrangers et la CENCO (Conférence Épiscopale Nationale Congolaise). De là, la suspicion a monté d’un cran. Face au refus des observateurs électoraux de l’Union Européenne de faire contrôler leurs équipements par les services spécialisés congolais, il y a eu doute. Surtout qu’il se raconte dans le camp de quelques candidats que tout est fait pour la chute du Président Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo.

Donc, l’Union Européenne est soupçonnée de rouler pour les adversaires du Président sortant.