38ème lettre sociale congolaise : Au-delà d’avoir investi le chef de l’Etat comme docteur honoris causa, le rapprochement des pouvoirs intellectuel et politique est le pari gagné par le Recteur Jean-Marie Kayembe

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«  C’est une règle générale : l’homme  qui réussit  le  mieux dans la vie  est celui qui détient la meilleure information ».  Benjamin Disraeli.

Chères lectrices, chers lecteurs;

  1. J’ai eu le privilège  d’assister, par curiosité le 07 juin  2022,  à la cérémonie  solennelle  de  signature de la Convention collective  de l’Université Catholique  du Congo. L’extrait de l’allocution prononcée par le Recteur de l’Université Catholique  du Congo, le Professeur Abbé Santedi Léonard qui résonne encore  dans mon esprit  est : «  (…) En fait, s’il est  une évidence  selon laquelle les hommes passent mais les institutions restent, il en est une autre selon laquelle  les hommes passent mais les traces  de leur passage  dans les institutions demeurent. C’est en vertu  de ces deux évidences  que je me réjouis  de léguer à notre institution la nouvelle version de ce manuel dont l’importance n’est pas à démontrer ».
  2. En invoquant ces deux  évidences, Léonard Santedi  abondait dans le même sens  que Muriel Lefebvre(2013)  qui promeut l’infra ordinaire comme l’actuel objet  de la recherche scientifique, car, l’infra –ordinaire a pour finalité  de regarder  non seulement les hommes exceptionnels, mais aussi les évènements vécus, vrais et évidents créés par ces hommes exceptionnels.
  3. Ce sont des hommes exceptionnels  qui laissent des traces,  car, ils ont fait ou font ce que les autres  n’ont pas fait ou ne  font pas.  C’est  à ce titre  que l’investiture,  le 12  octobre 2023,  du Chef de l’Etat  en fonction du titre de docteur Honoris Causa  par le Recteur Jean-Marie Kayembe Ntumba   fait de ce dernier (Recteur  Jean-Marie Kayembe Ntumba) un recteur exceptionnel de l’Université de Kinshasa. Il  suffit d’interroger l’histoire  managériale  de l’Université de Kinshasa pour  s’en rendre compte.
  4. Créée le 12 octobre 1954 sous l’appellation du Centre Universitaire  congolais, l’Université de Kinshasa   a totalisé 69 ans  d’existence  au moment où le Recteur Kayembe Ntumba décernait un diplôme  de Docteur Honoris  causa  au cinquième Président de la République  démocratique du Congo, Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo.
  5. 63 ans après la naissance  de la République  démocratique du Congo, s’il est aisé  de dénombrer les hommes  qui ont présidé à la destinée des  congolais ( Joseph Kasa vubu de 1960 à 1965,  Joseph Désiré Mobutu de 1965 à 1997, Laurent Désiré Kabila de 1997  à 2001,  Joseph Kabila de 2001à 2019  et Felix Antoine Tshisekedi  de 2019 à ce jour),  j’avoue  qu’à l’état  actuel de mes connaissances il m’est  difficile  de dire, 69 ans après la création de l’Université de Kinshasa, le rang  qu’occupe le Recteur Jean Marie Kayembe Ntumba dans l’ordre numérique de présentation  des recteurs  qui se sont succédés  à l’Université de Kinshasa.
  6. Néanmoins, l’investiture du Chef de l’Etat en fonction  par le recteur  Jean Marie Kayembe Ntumba  met en lumière  le caractère  exceptionnel de ce dernier (Recteur Jean Marie Kayembe Ntumba), car, elle renvoie  au rapprochement des pouvoirs intellectuel et politique. Le pouvoir intellectuel est incarné par le Recteur  de l’Université  de Kinshasa tandis que le pouvoir politique est incarné par le Chef de l’Etat, le Chef de l’Exécutif National, le Magistrat Suprême, le Garant du bon fonctionnement des institutions.
  7. Les raisons avancées par le Recteur  de l’Université de Kinshasa pour décerner le Diplôme de Docteur Honoris causa  au Chef de l’Etat congolais  en fonction sont  entre autres :

–              « La  reconversion  symbolique de la majorité parlementaire en cours de législature ;

–              Humanisation des services  d’Intelligence  notamment l’Agence Nationale  des Renseignements ;

–              La consolidation des acquis démocratiques  notamment par la mise à la disposition de la Commission Electorale Nationale Indépendante(CENI) des moyens  conséquents  pour l’organisation des élections dans le délai ».

  1. A dire vrai, tous ces actes témoignent d’un savoir politique acquis par expérience  voire un savoir pragmatique. Me référant  à la validation des acquis  de l’expérience  telle  qu’énoncée par Alix Bouguerba (2006), j’argumente  qu’en décernant  le Diplôme de Docteur Honoris Causa à Felix  Antoine Tshisekedi Tshilombo, le recteur  de l’Université de Kinshasa  a, par son pouvoir fonctionnel, validé  les compétences théoriques et techniques   en politique de ce dernier.
  2. Dès lors, le Diplôme de Docteur Honoris Causa  de l’Université de Kinshasa  fait de Félix  Antoine  Tshisekedi  Tshilombo l’un des ressortissants de l’Université de Kinshasa dont l’une  des strophes  de son Hymne est « Porte haut le flambeau  sacré qui éclaire ton peuple ».
  3. De son côté, Félix Antoine Tshisekedi  en tant que récipiendaire du  Diplôme  de Docteur Honoris Causa  a  d’abord  exprimé  en  des mots justes  sa reconnaissance envers  le Recteur de l’Université de Kinshasa en ces  termes : «  (…) Une allocution poignante  du Professeur Jean-Marie Kayembe Ntumba, Recteur de l’Université de Kinshasa dans laquelle il fait mention  de certaines de mes réalisations vis-à-vis  du futur de notre  société(…) ». Ensuite et  enfin  Félix Antoine Tshisekedi a assigné  à l’Université une  mission  libératrice et défensive de la nation. Par cette mission, l’Université  congolaise est appelée à sortir de la résignation  dans laquelle elle est plongée en se limitant seulement aux  conceptions   épistémique  et  sémantique  de la science. L’un des extraits de l’allocution de Tshisekedi Tshilombo  qui rend compte de la mission libératrice et défensive  de l’Université  est : « Haut lieu de circulation des  connaissances, du  savoir,  des expériences et des personnes, l’Université est l’endroit  où le message  de la  refondation  de notre nation doit être  véhiculé de sorte  qu’elle produise  des élites  attendues  pour la poursuite  et la défense  des intérêts de notre pays ».
  4. Dans cette mission libératrice, deux idées forces  qui ont retenu mon attention sont, d’un côté, « (…) circulation des connaissances » et de l’autre, « (…)  produire les élites attendues pour la poursuite  et la défense des intérêts  de notre  pays ».
  5. Par la  première idée force «  circulation  des connaissances », j’ai vu le  nouveau Docteur Honoris causa de l’Université de Kinshasa, Felix Antoine Tshisekedi  Tshilombo, faire  un plaidoyer  de la reconnaissance de la valeur de la connaissance  comme l’a fait Michel GROZIER  quand il disait : «  Dans  notre contexte français actuel, la reconnaissance  et la promotion de la valeur de la connaissance  deviennent cruciales ».  Ceci vaut autant pour le contexte congolais actuel.
  6. Dans son livre intitulé La remise en question. Base de la décolonisation mentale, Mabika Kalanda  faisait déjà le plaidoyer de la reconnaissance et de  la promotion de la valeur de la connaissance quand il a écrit : «  l’on  est  en droit  de penser qu’une  société organisée sur la base de la connaissance  de la vérité a plus de  chance  de survivre et  de mieux échapper à la disparition qu’une société dite naturelle ». Ceci suppose que tous les membres de la société  sont censés avoir la connaissance  qu’ils  doivent utiliser dans leurs  activités dans les différents secteurs de la vie  nationale. Cependant Kalanda stigmatise  que le fait que « la connaissance  de la vérité  n’a été  rendue  accessible  qu’à  une minorité des humains : Elite ».
  7. Le plaidoyer de la reconnaissance et de la promotion de la valeur de connaissance entrepris par Kalanda a son pesant d’or. Car,  le Vice-Recteur Honoraire de l’Université de Lovanium, Monseigneur Bakole  wa Ilunga, dans son livre intitulé  Conditions et voies  du développement  intégral du Zaïre, revient sur le fait que  « la société moderne est le produit d’une accumulation  de savoirs, d’expérimentation » d’une part  et d’autre part que «  le fonctionnement de cette société  exige, dans  tous  les  secteurs  de la vie  nationale, des gens  capables d’accomplir  leur travail ».
  8. Cette précision de Bakole wa Ilunga sur  l’importance  de la connaissance établit  le lien  fort d’interdépendance et de compénétration entre  la première idée  force(.. circulation des connaissances)  et la seconde idée force( produire  des élites attendues  pour la poursuite et la défense  des intérêts  de notre  pays)  de la mission  libératrice et défensive de l’Université selon  le Docteur Honoris Causa  Felix  Antoine Tshisekedi Tshilombo.
  9. « Produire des élites attendues  pour la poursuite et la défense  des intérêts  de notre  pays » est donc la seconde idée force  de la mission de l’université  selon  le nouveau Docteur Honoris causa, Felix Antoine Tshisekedi  Tshilombo. Cette seconde idée force exhume l’importance qu’il y a pour  un pays  de disposer  des filles et fils compétents. Au sujet de compétence des nationaux  Bakole écrit : la compétence est une arme  puissante  contre la domination  étrangère. Le développement d’un pays  réside dans la capacité  qu’a ce dernier  de gérer  avec ses propres  compétences les différents  secteurs  de sa vie nationale ».
  10. L’importance que revêt la compétence des nationaux comme arme contre la domination étrangère  telle que présentée par le Vice-Recteur Honoraire  de l’Université de Lovanium  est donc  corroborée  par la vision managériale du Recteur Jean-Mare Kayembe Ntumba. Sa vision managériale qui consiste à réinventer  une  université  susceptible de proposer et d’apporter  des solutions aux problèmes  concrets de la société a été réaffirmée dans sa conférence  de presse du 15 décembre 2022.
  11. Je me dois d’avouer  que  la réinvention de ce genre d’Université congolaise est motivée par  l’échec  non seulement  de l’université congolaise, mais aussi  et surtout  des universitaires congolais.  Cet échec  était déjà  présagé par  le Professeur Ilunga Kabongo dans  son  article  intitulé «  La problématique de la recherche  scientifique  en société bloquée : fond du problème ».
  12. S’adressant aux aspirants chercheurs  du  Centre Interdisciplinaire pour le Développement et l’Education Permanente (CIDEP) et de l’Université Nationale  du Zaïre (UNAZA), Ilunga Kabongo  écrit : «  un jour  l’on établira  peut être des corrélations fatales  pour  les aspirants que vous représentez et le  statut social que  vous attendez que la société vous accorde gracieusement, à savoir par exemple :

–              Que la mortalité infantile  augmente dans la même  proportion que le nombre de médecins docteurs ;

–              Que la détérioration de l’état des routes et des bâtiments publics  est  directement proportionnelle au nombre d’Ingénieurs produits  par l’Université ;

–              Que le déficit alimentaire augmente avec le nombre  des Ingénieurs agronomes, etc… ».

  1. Certes, à  côté de ces  corrélations fatales,  il y a lieu  de stigmatiser, avec le rapport de l’Inspection Générale des  Finances  en  appui, les antivaleurs  qui ont  élu  domicile  dans certaines universités congolaises. Le  25 novembre 2023, l’Inspection Générale des Finances  a rendu public  son rapport  de mission  effectuée à l’Université Pédagogique Nationale (UPN). L’’Inspection Générale des Finances a dénoncé la mauvaise gouvernance  de cet établissement public caractérisée notamment par  la corruption, le détournement, la perception au niveau des départements et facultés des frais illégaux…
  2. Voilà pourquoi la réinvention d’une université  telle que  pensée  et conçue par  Jean-Marie  Kayembe  Ntumba  doit être considérée  comme une responsabilité reposant sur les épaules  de tous  les membres  de la communauté Universitaire  et ce , du recteur  au  garde  universitaire.
  3. Réinventer une université mise en vedette par Jean-Marie Kayembe est donc  un défi qui exige qu’il soit fait table rase de la conception coloniale et postcoloniale de l’Université par les approches  de la  pédagogie de la conscientisation et de la  pédagogie de la remise en question qui font partie, comme l’affirme  NDIA BINTU  KAYEMBE(2018), de la pédagogie  critique.
  4. Hommage soit ainsi rendu au Recteur Jean-Marie  Kayembe Ntumba, le premier des recteurs  de l’Université de Kinshasa à avoir  contribué au  rapprochement des pouvoirs intellectuel et politique par  l’investiture  du Chef de l’Etat  en  fonction du titre  de docteur Honoris causa. C’est cette  investiture qui a permis au  Chef  de l’Etat d’exprimer haut et fort le besoin de production des connaissances nécessaires pour la poursuite et la défense  des intérêts  de notre pays. Ce rapprochement  a longtemps  fait défaut dans ce pays où  la connaissance  a été  laissée pour compte. C’est aussi un défi lancé aux détenteurs du capital intellectuel.
  5. J’ai fait ma part. Si vous êtes intéressés par cette lettre sociale congolaise, rejoignez la coupe pleine par X et whatsApp au numéro + 243 994 994 872 et  à l’e-mail jsphngandu@gmail.com  pour la suite.

Fait à Kinshasa, le 07 décembre 2023

Jean-Joseph NGANDU NKONGOLO

Anthropobibliologue, Expert en Anthropo-Bibliologie du Travail, Formateur Psycho Socio-Professionnel  et  Chercheur  à l’Observatoire Congolais du Travail.

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