Deux mois avant l’échéance du 8 décembre 2023 fixée pour son futur statut, la Force régionale de l’East african community (Eac) a obtenu l’assurance de rester sur le territoire congolais «jusqu’à ce que la paix soit pleinement rétablie».
La décision est des ministres de la Défense de l’organisation sous régionale réunie le 8 octobre dernier à Arusha, en Tanzanie. Ils ont noté «des progrès réalisés par cette force depuis son déploiement dans la partie orientale du territoire congolais» avant de décréter la prolongation du mandat jusqu’au rétablissement total de la paix.
La RDC a été représentée à un niveau élevé, celui du Vice-Premier ministre Jean-Pierre Bemba en charge de la Défense nationale et Anciens Combattants.
Il ressort que l’annonce a été faite par son homologue kenyan Aden Duale qui a salué «cette décision» et s’est engagé «à soutenir la quête de la paix dans le développement économique de la RDC». Y ont également pris part le vice-chef des forces de défense du Kenya Jonah Mwangi et le commandant de la Force régionale de l’Eac Alphaxard Kiugu.
Premier leçon à en tirer : la Force régionale sera sur le territoire congolais avant, pendant et après la tenue des élections du 20 décembre 2023, sauf imprévu, naturellement. Reste à savoir si celle de la Sadc sera également déployée. On peut parier qu’il n’en sera pas le cas.
Il va alors falloir s’apprêter à une présence prolongée des troupes de la Monusco et de l’Eac, deux structures n’ayant, à proprement parler, plus la confiance des autorités officielles, surtout pas de la population orientale congolaise.
On en veut pour preuve cette réaction du ministre de la Communication et Médias, Patrick Muyaya, en sa qualité de porte-parole du Gouvernement. Parlant de la participation de Jean-Pierre Bemba à la réunion de l’Eac, il déclare : «Je vous informe qu’il est déjà revenu, et le message était clair : la force régionale de l’EAC doit quitter la République Démocratique du Congo d’ici le 8 décembre, tel que convenu, parce qu’elle n’a pas été en mesure de résoudre le problème, notamment celui du M23, qui bloque depuis deux mois le processus de pré-cantonnement, conformément aux accords signés à Luanda. C’est le message qu’il a porté. Il y aura sûrement une réunion des chefs d’État par la suite, qui devra statuer sur l’incapacité de la force régionale à résoudre cette question, et des mesures seront prises».
D’ici au 8 décembre signifie 12 jours avant le scrutin du 20 décembre.
Sur ces entrefaites, Uhuru Kenyatta, facilitateur du Processus de Nairobi impliquant la partie gouvernementale et les groupes armés congolais, en a appelé à la fin des offensives armées et aux hostilités pour permettre « un accès humanitaire ininterrompu et durable tout en offrant une chance au retour de la paix grâce au Processus de Paix de Nairobi, sous l’égide de la CEA», a-t-il déclaré.
La suite des événements pourrait se décrire en plusieurs actes dont, à notre humble avis, ces deux.
Premier acte : le bras de fer entre Kinshasa (capitale de la RDC) et Arusha en Tanzanie (siège de Eac). Ou plutôt entre Kinshasa et Nairobi, car le Kenya manage le dossier RDC aussi bien pour l’adhésion à l’organisation sous-régionale que pour le commandement de la Force régionale en plus du processus de Nairobi visant les groupes armés congolais.
Deuxième acte : les hypothèques sécuritaires sur le processus électoral. Dès lors que la position du Gouvernement n’est pas de nature à conforter celle de la Monusco et de l’Eac, ce qui va s’en suivre se devine. En cas de regain d’hostilités avant les élections, il sera bien difficile pour la Céni de maintenir son planning. Il va absolument falloir que d’ici au 19 novembre 2023 – date du lancement de la campagne électorale – s’achève la guerre notamment du M23 appuyé par le Rwanda. Or, à ce jour, rien ne le garantit !
Certes, si on s’en tient à la Constitution, de tous les animateurs des institutions de la République en place, il n’y a que le chef de l’Etat à avoir son mandat garanti par l’article 71. Tout le reste tombe ! Forte serait l’envie des Tshisekedistes de se contenter des givres faute de merles.
Moralité : les effets collatéraux du bras de fer entre Kinshasa et Nairobi via Arusha pourraient se révéler nocifs principalement à la RDC.
D’ailleurs, la « guerre Israël et Hamas » pourrait générer d’autres effets collatéraux de nature à aggraver la situation sécuritaire à l’Est en raison de l’influence islamique.
Comme nous le disions dans une livraison, le Congo, dans son refus justifié et justifiable de ne pouvoir compter sur la Monusco ni sur la Force régionale de l’Eac, n’a pas à miser sur la Force régionale de la Sadc suffisamment présente dans la Mission onusienne via la Brigade d’intervention. Cette force ne voudra pas affronter le M23 du moment où est établie et confirmée la thèse du soutien du Rwanda. Cette guerre contre Kigali est tout ce qu’il y a d’impensable.
L’apport du Burundi ne garantit rien non plus. La « propagande » en cours liant l’armée burundaise aux Wazalendo dans la reconquête des localités et villes congolaises de l’Est reprises des mains du M23 (donc du Rwanda) remet en exergue la donne identitaire.
En effet, elle promeut la thèse d’une chasse aux Tutsi dont 15 % constituent les populations respectives du Rwanda et du Burundi, 85 % étant des Hutus. Si on n’y prend garde, on verra Évariste Ndayishimiye refroidir ses ardeurs.
Conséquence : Kinshasa pourrait se retrouver dans l’isolement total.
Et lorsque certaines têtes réapparaissant (ne suivez pas mon regard) et certains discours deviennent discriminants, allant jusqu’à susciter des réactions épidermiques, un saut dans l’inconnu. Un saut qui fera de sorte que les décideurs, les VRAIS, imposent à la Monusco et à l’Eac l’ordre de rester sur le territoire congolais, curieusement, «jusqu’à ce que la paix soit pleinement rétablie».
Omer Nsongo die Lema