Dans un message : La CENCO dit non au recours à la peine de mort

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Dans leur appel adressé ce vendredi 22 Mars 2024 aux gouvernements et au peuple congolais intitulé « tu ne tueras pas » (Ex 20,13), les Evêques de la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO) marquent leur refus net du recours à la peine de mort en RD. Ils se disent consternés par la décision du Gouvernement congolais de lever le moratoire sur l’exécution de la peine de mort, lequel moratoire courait depuis 20 ans dans notre pays, avec beaucoup d’espoir qu’il aboutisse à l’abolition totale de cette peine capitale. Ils rappellent que l’exécution de la peine de mort est une violation du droit à la vie défendue par l’Eglise en s’appuyant sur la loi divine : « Tu ne tueras pas » (Ex 20, 13). Ceci est un ordre intimé à tous. Ainsi appellent-ils le gouvernement à abolir la peine capitale pour tous les crimes. Car, la répression de tout crime, certes nécessaire, plutôt que viser la suppression de ses auteurs, doit avoir pour objectif de rééduquer la personne. Ci-dessous l’intégralité de leur appel.

« Tu ne tueras pas » (EX 20,13) : Appel des Evêques membres de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) pour l’abolition de la peine de mort

Introduction

Nous, Archevêques et Évêques membres de la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO), sommes consternés par la décision du Gouvernement congolais de lever le moratoire sur l’exécution de la peine de mort, lequel moratoire courait depuis 20 ans dans notre pays, avec beaucoup d’espoir qu’il aboutisse à l’abolition totale de cette peine capitale. En vertu de notre mission prophétique, considérant l’inquiétude suscitée par cette question, nous réaffirmons, par le présent appel, notre engagement inconditionnel en vue de la défense de la vie et de l’abolition de la peine de mort dans notre pays, la République Démocratique du Congo (RD Congo).

Constats

Avec la Note circulaire n°002/MME/CAB/ME/MIN/J§GS/2024, du mercredi 13 mars 2024, relative à la levée du moratoire sur l’exécution de la peine de mort, du Ministère de la Justice, nous assistons à « la restauration de la peine de mort dans les faits » en RD Congo.

Certes, nous sommes conscients que « les actes de traîtrise ou d’espionnage ont fait payer un lourd tribut tant à la population qu’à la République au regard de l’immensité des préjudices subis », et que la guerre imposée à notre pays nous oblige à chercher des voies et moyens pour ramener la paix et garantir l’intégrité du Territoire national.

De ce fait, nous saluons les efforts que le Gouvernement congolais ne cesse de déployer pour ramener la paix et la sécurité dans les zones sinistrées par le fait des groupes armés étrangers et locaux. Nos prières accompagnent les Forces Armées Congolaises et la Police Nationale Congolaise, engagées, avec le concours des partenaires de la Communauté internationale, dans la lutte pour la protection de la population, la garantie de l’intégrité territoriale et la souveraineté de notre pays.

Néanmoins, la volonté de « débarrasser l’armée de notre pays des traîtres (…) et d’endiguer la recrudescence d’actes de terrorisme et de banditisme urbain » ne peut en aucun cas justifier le recours à la peine capitale.

Avec la levée du moratoire sur l’exécution de la peine de mort, notre pays fait un retour en arrière en matière de défense de la vie, alors qu’il s’est engagé par des Accords internationaux pour l’abolition de la peine de mort. Le moratoire devait naturellement aboutir à l’abolition et non à la reprise d’une mesure inhumaine qui blesse la dignité personnelle.

Depuis plusieurs années, la Justice de notre pays est gangrenée par la corruption, le trafic d’influence, les erreurs judiciaires, les règlements de comptes… Par ailleurs, nous assistons aux exactions et exécutions extrajudiciaires commises par des milices et des groupes armés ou des gangs des délinquants (Kuluna) sur des paisibles citoyens. Aussi, voyons-nous des actes meurtriers décidés de façon arbitraire par la justice populaire. Ces attitudes dénotent le manque de respect de la vie humaine. La culture de la mort fait son chemin dans le chef de la population congolaise. Dans ce contexte, le rétablissement de la peine de mort vient renforcer la banalisation de la vie humaine.

Nous rappelons que l’exécution de la peine de mort est une violation du droit à la vie défendue par l’Eglise en s’appuyant sur la loi divine : « Tu ne tueras pas » (Ex 20, 13). Ceci est un ordre intimé à tous.

Ce commandement, « Tu ne tueras pas », révèle qu’aux yeux de Dieu la vie humaine est précieuse, sacrée et inviolable. En effet, Dieu lui-même s’est engagé à protéger Caïn qui pourtant a tué son frère Abel : « Si quelqu’un tue Caïn, Caïn sera vengé sept fois. Et le Seigneur mit un signe sur Caïn pour le préserver d’être tué par le premier venu qui le trouverait » (Gn 4, 15). Personne ne peut mépriser la vie d’autrui ni sa propre vie. Il nous faut prendre conscience que, créée à l’image et à la ressemblance de Dieu (cf. Gn 2, 26-27), la personne ne perd pas sa dignité, même après avoir commis des crimes très graves.

Ainsi, l’Eglise, à la lumière des Ecritures, enseigne que « la peine de mort est inadmissible car elle attente à l’inviolabilité et à la dignité humaine et elle s’engage de façon déterminée, en vue de son abolition partout dans le monde» (n. 2267 du Catéchisme de l’Eglise Catholique).

Recommandations

Eu égard à ce qui précède, animés par la certitude que chaque vie est sacrée et que la dignité humaine doit être protégée, nous marquons un REFUS NET du recours à la peine de mort. Pour ce faire, nous recommandons :

Au Gouvernement de :

– Abolir la peine capitale pour tous les crimes. Car, la répression de tout crime, certes nécessaire, plutôt que viser la suppression de ses auteurs, doit avoir pour objectif de rééduquer la personne ;

– Mettre en place des systèmes de détention plus efficace et améliorer les conditions carcérales des détenus ;

– Former une Police de proximité pour endiguer le phénomène des enfants de la rue et des gangs des hors la loi dits Kuluna.

Au Parlement de :

– Autoriser la ratification du deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques visant à abolir la peine de mort ;

Au Peuple Congolais de :

– Former et se former au respect et à la promotion de la dignité humaine ;

– Eduquer les enfants et les jeunes en les faisant passer de la culture de la mort à la culture du soin et de la protection de la vie.

– Prier pour les prisonniers, leur rendre visite (cf. Mt 25,36) et promouvoir l’amélioration des conditions carcérales ;

Conclusion

La peine de mort et sa logique de rétribution ne sont pas compatibles avec l’Évangile. Quelles que soient les modalités d’exécution, la peine de mort implique un traitement cruel, inhumain et dégradant. Jésus ne ferme pas la porte de la vie au condamné. Il est celui qui donne toujours une chance à chacun (cf. Jn 8, 1-11). L’amour infini de Dieu donne à chaque homme une dignité que même des crimes ne sauraient enlever.

Bientôt, nous allons célébrer Pâques, sommet des fêtes chrétiennes. La résurrection de Jésus, triomphe de la vie, manifeste que Dieu est contre la peine de mort infligée à son Fils. Il ne permet pas non plus d’ôter la vie à un être humain. Nous vous exhortons à lutter contre les différentes facettes de la culture de la mort dans notre société.

Que la Vierge Marie, Mère du Rédempteur, intercède pour la RD Congo, et nous obtienne la vie et la paix.

Kinshasa, le 22 mars 2024.

 

Pour la CENCO

+ Marcel UTEMBI TAPA

Archevêque de Kisangani

Président de la CENCO

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