Ils s’attaquent verbalement dans les médias, et personne ne lâche l’autre. Les amis d’hier devenus ennemis aujourd’hui, Félix Tshisekedi et Paul Kagame, sont dans les fronts diplomatiques. Si Kagame veut consolider son fauteuil en soutenant des terroristes sur le sol congolais, Félix Tshisekedi lui, défend l’intégrité territoriale de son pays qu’il a promis même au prix de sa vie. Ainsi, tous les coups sont permis.
Dans une interview à Jeune Afrique, le président rwandais Paul Kagame n’a pas été tendre face à son homologue Félix Tshisekedi. Pour Kagame, « Félix Tshisekedi a été capable de manipuler des dirigeants, des pays, et maintenant des régions entières, en jouant la SADC contre l’EAC ».
Si Kagame estime que cela est une manipulation, en République Démocratique du Congo, il s’agit des victoires diplomatiques que Paul Kagame ne saurait remporter face au fils du sphinx.
Certes, la solution militaire avec l’EAC pour éradiquer le M23 et pacifier l’Est de la RD Congo n’a pas abouti. Une mission voulue offensive, mais qui est restée défensive, laissant l’ennemi poursuivre la conquête des territoires.
Cette attitude n’avait pas rencontré la préoccupation de Kinshasa qui ne voulait plus voir le M23/RDF progresser.
« Si au mois de juin, nous estimons que le mandat n’est pas rempli, nous allons décider de raccompagner et de remercier ces contingents venus à la rescousse de la RDC », avait estimé Félix Tshisekedi en mai dernier lors de sa visite d’Etat au Botswana.
Kinshasa n’a pas compris « le jeu auquel joue cette force régionale de l’EAC dont, parfois, les troupes cohabitaient allégrement avec des éléments du M23 dans les territoires qu’ils occupent. Ainsi, quoi de plus normal pour un Etat d’aller voir ailleurs ? Certes, ce qui dérangeait les congolais, faisait le bonheur du « seul » rwandais Paul Kagame.
Si le remplacement de la force régionale de la Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC) par celle de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) inquiète Paul Kagame, ce dernier se voit alors dans une position de faiblesse.
C’est ainsi qu’il a multiplié des courriers à l’ONU et à l’Union Africaine afin de désapprouver la SAMIDRC (force régionale de la SADC déjà déployée en RDC).
Oui, Tshisekedi est capable de tout !
“Moi, votre candidat numéro 20, le président de la République démocratique du Congo, sachez que je ne cesserai jamais de vous aimer, d’aimer mon pays. Si je dois donner ma vie pour vous, je le ferai. Rien de mal ne vous sera arrivé tant que je serai là”, avait promis Tshisekedi aux congolais lors de la campagne électorale au mois de novembre 2023.
Agité et visiblement perdu, Kagame fait un aveu d’échec en affirmant que « Tshisekedi est capable de tout, d’autant qu’il semble incapable de comprendre les implications de ce qu’il dit en tant que président de la RDC. Pour moi, c’est un problème en soi, et un problème très sérieux dont je dois m’occuper. Cela signifie qu’une nuit il peut se réveiller et faire quelque chose que vous n’auriez jamais cru possible ».
D’une réponse à une autre, en seulement 24 heures après, Tshisekedi qui aime s’assumer, a dit haut et fort aux côtés de son homologue Salva Kiir, que dans la région des Grands lacs, Paul Kagame est « un perturbateur, mais, il n’est pas éternel, son régime n’est pas éternel, son tour viendra ». C’est des propos pareils qui font peur et mettent dans une position moins conforme son homologue rwandais qui, selon quelques congolais, « lorsqu’il se prépare à attaquer verbalement Tshisekedi, il doit suffisamment avoir des arguments et bien se préparer ».
Au peuple rwandais, Félix Tshisekedi, aussi pacifique qu’il soit, rassure que la crise RDC-Rwanda n’a rien à voir avec les peuples. « Le peuple Rwandais ne vient pas envahir la RDC, c’est un régime dirigé par un individu friand de ce genre de crimes. C’est ce régime qui agresse la RDC. Un jour, tout cela s’arrêtera », renchéri Tshisekedi.
« Nous sommes dans la bonne direction »
Somme toute, Paul Kagame fait confiance au président angolais Joao Lourenço qui pour lui, « a été chargé d’apaiser les relations entre le Rwanda et la RDC ».
« Des équipes devraient être formées, de part et d’autre, pour discuter de nos problèmes tels que nous les comprenons, sous la conduite et la supervision du président angolais. Ces rencontres entre délégations ministérielles conduiront à une éventuelle réunion entre chefs d’État. Il y a donc du travail, mais, jusqu’à présent, nous allons dans la bonne direction », a-t-il fait savoir à Jeune Afrique, malgré sa crainte sur les deux conditions (le retrait des troupes rwandaises de la RDC et le pré-cantonnement du M23) posées par son homologue de la RDC.
« Mais commencer des discussions en posant des conditions n’est pas la bonne manière de procéder. Parfois, certains souhaitent épater la galerie et prendre des positions dans les médias, ce qui ne fait que rendre le problème plus confus. J’espère que le médiateur tentera d’éliminer cette dimension au fil du processus. Si la partie congolaise pose des conditions, cela laisse penser que nous pourrions en faire de même. Nous n’aurions alors pas de points d’accord, et le problème ne serait pas abordé comme il le devrait. Je pourrais ainsi exiger que, pour des raisons sécuritaires, le président Tshisekedi revienne sur ses déclarations de guerre contre le Rwanda et la nécessité d’un « changement de régime ». Je pourrais aussi dire qu’à moins que les FDLR [Forces démocratiques de libération du Rwanda] se retirent de la RDC je refuse de parler au président Tshisekedi, etc. Ces pré-conditions ne servent pas l’objectif de paix. J’espère que nous pourrons aller de l’avant », a-t-il avoué.
La rencontre entre les ceux personnalités s’annoncent alors alléchantes, car l’homme de Kigali donnerait l’impression d’être face au mur. Wait and see !
Bernetel Makambo