Inde : L’hégémonie du nationalisme hindou inquiète 

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L’intense propagande hindouiste déployée par le premier ministre Narendra Modi et son Parti indien du peuple à l’occasion des élections ne présage rien de bon pour les minorités religieuses.

L’issue des élections générales, qui ont appelé aux urnes près d’un milliard d’électeurs indiens entre le 19 avril et le 1er juin, ne faisait guère de doute : ce serait un triomphe pour le nationalisme hindou promu par le Parti indien du peuple (BJP) et le premier ministre Narendra Modi, au pouvoir depuis 2014. Il a employé les dix années de ses deux premiers mandats à promouvoir l’«hindutva», une idéologie politique selon laquelle l’hindouisme est non seulement une religion, mais la culture fondamentale de l’Inde. Prônant l’hégémonie culturelle, sociale et politique de l’hindouisme, cette doctrine relègue aux oubliettes le sécularisme des pères de l’indépendance indienne, Gandhi et Nehru. Au sommet de l’État, Narendra Modi a multiplié les signes de ferveur hindouiste pour s’assurer un troisième mandat de cinq ans.

En mai 2023, il avait inauguré le nouveau siège du Parlement en brandissant un sceptre royal, devant une délégation de prêtres hindous venus bénir le bâtiment. En janvier dernier, il avait revêtu une tenue religieuse pour inaugurer un temple construit sur le site d’une ancienne mosquée détruite en 1992 par des extrémistes hindous, dans la ville d’Ayodhya (Uttar Pradesh). Il avait alors prononcé un discours proclamant l’avènement d’une « nouvelle ère » pour l’Inde. L’opposition est accusée d’« anti-hindouisme » quand elle entreprend de critiquer le bilan du pouvoir, peu flatteur s’agissant du chômage, de l’inflation, de la corruption ou de l’indigence des services publics. Le taux de chômage chez les jeunes est particulièrement élevé et l’inflation est en constante augmentation. Un rapport du World Inequality Lab, publié fin 2023, révélait que 1% des Indiens les plus riches détenaient 40% des richesses du pays.

Une pression croissante contre les minorités

Selon les idéologues du nationalisme hindou, l’Inde aurait été asservie pendant douze siècles par les musulmans puis par les Britanniques. Pour retrouver sa souveraineté et son identité, il lui faudrait revenir à « la source » en affirmant la primauté de l’hindouisme, avant tout sur l’islam et le christianisme, les deux principales religions « allogènes ». La pression exercée par la théocratie hindoue sur les minorités religieuses ne cesse de croître.

Elles sont marginalisées et même menacées dans leur accès à la citoyenneté. Cela concerne d’abord les musulmans, qui représentent 14,3 % de la population indienne, soit près de 200 millions de personnes, puis les chrétiens (4,8 %), soit entre 30 et 35 millions de baptisés, les sikhs (1,7 %) et les bouddhistes (0,7 %). Modi n’a pas caché son désir d’obtenir une majorité suffisante au Parlement pour instaurer un nouveau code civil unifié qui priverait les minorités religieuses de leurs législations particulières, charia pour les musulmans, lois ou coutumes liées au mariage, à l’adoption ou à l’héritage pour les chrétiens.

Les lois anti-conversion et celles destinées à exclure les musulmans du marché de la viande bovine, à proscrire ou restreindre des congrégations religieuses, ont confirmé aux musulmans et aux chrétiens qu’ils sont dans le viseur des nouveaux dirigeants de l’Inde. Des nationalistes hindous s’en prennent au personnel d’institutions chrétiennes (écoles, orphelinats, dispensaires, hôpitaux) sans être poursuivis. Selon l’organisation United Christian Forum, 161 attaques ont ciblé des chrétiens en Inde au cours des trois premiers mois de 2024. La Conférence des évêques catholiques de l’Inde (CBCI) a dénoncé une « polarisation religieuse sans précédent qui endommage notre chère harmonie sociale et menace la démocratie elle-même ».

Philippe Oswald (un article à retrouver dans notre revue L’Eglise dans le monde – juin 2024)

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