Selon un professeur de droit constitutionnel qui a requis l’anonymat, l’ouvrage de son collègue Mampuya n’est rien de plus qu’une note de plaidoirie des avocats de l’ancien Premier ministre dans l’affaire Bukanga Lonzo. Pour lui, il est incompréhensible qu’un scientifique consacre tout un ouvrage pour défendre une cause dans laquelle la majorité attend une issue pour connaître enfin la vérité sur l’utilisation des fonds publiques. En écrivant son ouvrage, le Professeur émérite cautionne-t-il l’impunité au détriment des attentes de toute la nation?
Le 20 juillet 2023, il y a eu baptême de l’ouvrage du professeur Auguste Mampuya par le Doyen de la Faculté de Droit de l’Université de Kinshasa, le professeur Jean-Louis Esambo. L’ouvrage est intitulé « Sous la houlette de la Cour constitutionnelle, une jurisprudence qui ne peut faire jurisprudence».
Il s’agit d’un ouvrage, selon nos sources, écrit par un spécialiste de droit international, professeur émérite de son état. D’après un juriste constitutionnaliste que nous avons contacté, au-delà de l’habillage artistique des théories de droit, cet ouvrage n’est qu’un réquisitoire dans le sens de défendre les positions toujours soutenues par les avocats de Matata Ponyo. Il nous rappelle qu’il ne s’agit même pas d’une première incursion du
Professeur émérite dans le dossier Bukanga Lonzo. Donc, si l’on s’en tient aux déclarations de notre professeur de droit constitutionnel qui a requis l’anonymat, l’ouvrage de son collègue Mampuya n’est rien de plus qu’une note de plaidoirie des avocats de l’ancien premier ministre dans l’affaire Bukanga Lonzo. II reconnait qu’il est normal de faire les commentaires des arrêts des hautes juridictions, mais il est étonné de constater qu’au-delà de l’abondance de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle, son collègue consacre un pan entier de son ouvrage à l’analyse d’un seul dossier judicaire, du reste encore en instance devant une juridiction. D’ailleurs, martèle un avocat contacté par la rédaction, ledit ouvrage ne respecte aucune orthodoxie scientifique dans le style des commentaires des arrêts des hautes juridictions comme les initiés savent le lire sous d’autres cieux. Il a le droit de commenter un ouvrage mais il doit respecter les règles élémentaires du style dans le commentaire des décisions de justice, commente cet auxiliaire de justice.
Pour un Congolais de la rue, interviewé, il est scandalisé de constater que l’ouvrage du prof Mampuya ne réponde pas aux grandes questions de la population sur la suite du grand projet, porteur d’espoir, de Bukanga Lonzo. Ce qui l’amène à se poser la question sur la valeur des travaux scientifiques de nos professeurs d’université et le sens du devoir patriotique de ces derniers. En effet, pour lui, il est incompréhensible qu’un scientifique consacre tout un ouvrage pour défendre une cause dans laquelle la majorité attend une issue pour connaître enfin la vérité sur l’utilisation des fonds publiques. Cette manière de procéder lui rappelle le langage de tous les Kinois : « ba juristes nde ba bomi mboka oyo » (comprenez : ce sont notamment les juristes qui ont placé ce pays au pied du mur)
Le bradage de la science par le pouvoir de l’argent
Selon un politicien proche de l’opposition actuelle, cette saga scientifique autour de l’affaire Matata Ponyo lui rappelle la triste histoire de la tentative du troisième mandat de Joseph Kabila. A cette occasion-là des scientifiques, des juristes en l’occurrence, s’étaient invités dans le débat avec des ouvrages, au point de promettre la disparition de la nation, au cas où la thèse d’un troisième mandat n’était pas reconnu à Joseph Kabila. II s’agissait encore des ouvrages politiquement sponsorisés pour faire avaler à l’opinion publique des théories scientifiques amères. Il était question à cette époque-là, de l’ouvrage d’un grand constitutionaliste et professeur de droit public de renom, avec pour titre : « Entre la Révision de la Constitution et l’inanition de la Nation». Ce politicien nous rappelle même que le Prof Mampuya était au premier rang de ceux qui condamnaient les pratiques abjectes des scientifiques politiciens. Ce qu’il sied de qualifier aujourd’hui de bradage de la science par le pouvoir de l’argent.
Rappelons que les poursuites contre Matata portent sur l’affaire de la débâcle du projet de Parc agro-industriel de Bukanga Lonzo. Dans cette affaire, plus de 250 millions de Usd ont été détournés pendant que Matata était encore Premier ministre, d’après un rapport de l’IGF. Après un arrêt de la Cour se déclarant incompétente, un autre arrêt de la même juridiction, par ce que les juristes appellent revirement jurisprudentielle, a considéré que Matata pouvait être jugé par elle, ce, au nom du droit à l’égalité de tous devant la loi et du droit à un juge naturel reconnu à tous les citoyens. Ceci, pour refuser de consacrer l’impunité dans le pays. Telle est l’interprétation de la seule instance habilitée à interpréter la Constitution dans notre pays. A ce jour, le parquet près la Cour constitutionnelle sollicite à nouveau une fixation de l’affaire contre Matata pour les mêmes faits.
D’ailleurs, pendant que nous écrivons ces lignes, nous venons d’apprendre qu’une synergie des ONG de lutte contre l’impunité et qui milite pour la promotion de la bonne gouvernance se prépare à organiser une série des sit-in devant la Cour constitutionnelle, car d’après elle, il est anormal de constater un silence du côté de la justice. Pour ces organisations de la société civile, au-delà des guerres des politiciens et maintenant des scientifiques, la population attend le début du procès Bukanga Lonzo afin de connaître le sort de l’argent du contribuable congolais. Et ils ont deux messages à lancer à la justice: «NOUS VOULONS LE PROCES BUKANGA LONZO TROP C’EST TROP ». «HALTE A LA CONSECRATION DE L’IMPUNITE EN RDC ».
En écrivant son ouvrage, le Professeur émérite cautionne-t-il l’impunité au détriment des attentes de toute la nation?
L’Avenir