
Le prix de l’uranium a plus que doublé depuis 2021, grâce au regain d’intérêt pour l’énergie nucléaire. La construction de nouvelles centrales s’accompagne néanmoins d’une forte croissance de la demande à long terme, laissant entrevoir des risques de pénurie si l’offre ne suit pas le même rythme.
Deep Yellow a annoncé, mardi 8 avril, le report de la décision finale d’investissement pour la construction de sa première mine d’uranium en Namibie. La compagnie indique que le prix à long terme de l’uranium reste trop bas pour justifier le développement de nouveaux projets capables de répondre à la demande mondiale croissante.
Selon l’évaluation des prix fournis par Cameco, un des plus grands producteurs mondiaux d’uranium, le prix à long terme du combustible nucléaire est d’environ 80 dollars la livre depuis juin 2024. Bien qu’il ait augmenté par rapport aux niveaux observés ces dernières années (42 à 53 dollars la livre entre 2022 et début 2023), ce prix reste inférieur au seuil de référence fixé par Deep Yellow pour son projet Tumas en Namibie, soit 82,5 dollars la livre.
« Nous faisons face à une situation où le marché de l’uranium à long terme est essentiellement dysfonctionnel […] Bien que le projet Tumas soit économiquement viable aux prix actuels de l’uranium à long terme, ces prix ne reflètent ni ne soutiennent l’énorme volume de production nécessaire pour répondre à la demande attendue », explique John Borshoff, DG de Deep Yellow.
Le marché à long terme est particulièrement important pour les compagnies minières, car il représente la principale source d’approvisionnement des centrales nucléaires, principaux acheteurs d’uranium dans le monde. Une évolution positive des prix sur ce segment est donc cruciale pour déclencher de nouveaux investissements miniers.
Selon le rapport sur le combustible nucléaire 2023 de la World Nuclear Association, la demande mondiale d’uranium devrait augmenter de 28 % entre 2023 et 2030, et de 51 % entre 2031 et 2040. Or, le rythme de croissance de l’offre pourrait ne pas suivre cette dynamique, augmentant le risque de pénurie. Pour attirer les investisseurs et encourager la mise en production de nouvelles mines, des prix plus élevés sont indispensables.
Cette analyse est partagée par Chris Frostad, PDG de Purepoint Uranium, qui souligne que la prise de conscience croissante de l’incapacité de l’offre à suivre la demande devrait pousser les prix à la hausse, afin de garantir l’émergence de nouvelles capacités de production.
Dans le paysage actuel de l’exploitation de l’uranium en Afrique, il faut cependant souligner que Deep Yellow se distingue par sa stratégie consistant à attendre des conditions de marché encore plus favorables. La hausse du prix de l’uranium ces dernières années a déjà incité plusieurs compagnies à investir pour redémarrer des mines ou accélérer le développement de nouveaux projets. C’est le cas de Paladin Energy avec la mine Langer Heinrich en Namibie ou Global Atomic et son projet d’uranium Dasa au Niger.
Emiliano Tossou