GAO Jian
Professeur de l’Université des Études internationales de Shanghai ;
Chercheur non résident du Club de Pékin à l’Association chinoise de diplomatie publique ;
Le récent Forum sur la coopération sino-africaine (FOCAC) ouvre un nouveau chapitre dans les relations entre la Chine et les pays africains. Le président chinois Xi Jinping a annoncé la proposition de « rehausser les relations sino-africaines à une communauté d’avenir partagé Chine-Afrique de tout temps à l’ère nouvelle ». À l’heure d’un changement qui ne se produit qu’une fois par siècle et qui est caractérisée par la montée des pays du Sud, les relations sino-africaines revêtent une importance considérable à bien des égards.
Depuis plus d’un siècle, la modernisation est monopolisée par l’Occident à la fois sur le plan matériel et sur le plan idéologique. L’occidentalisation est recommandée comme le seul choix légitime pour tout pays en quête de la modernisation. Ceci dit, le succès de la modernisation en Chine rompt le charme et offre d’autres possibilités pour que les pays du Sud reconsidèrent leur propre mode de modernisation en fonction de leur réalité sociale. Si les règles générales de la modernité doivent être pleinement respectées, les caractéristiques sociales spécifiques doivent également être mises en considération. Une telle perception innovante garantit la diversité et l’inclusion dans notre quête d’un avenir commun partagé. La plateforme sino-africaine d’échanges d’expériences sur la gouvernance, le réseau Chine-Afrique de connaissances sur le développement et les 25 centres d’études sur la Chine et l’Afrique constitueront un ensemble des exemples à suivre pour les pays du Sud. L’Afrique qui s’éveille, à la lumière de l’Agenda 2063 de l’Union Africaine, se voit offrir une occasion en or de se libérer des chaînes de la colonisation.
Cependant, les réflexions et les idées sont insuffisantes, bien qu’elles soient indispensables. Le développement de l’industrie manufacturière est plus que nécessaire pour le décollage de l’économie africaine. Dans le cadre des règles générales de modernisation à l’heure de la mondialisation, les pays africains doivent s’insérer dans la chaîne industrielle du commerce mondial. En ce sens, trois questions doivent être pleinement prises en compte : comment l’Afrique va-t-elle participer à la chaîne industrielle du commerce mondial afin de développer sa propre industrie fondamentale ? Comment combiner les pays africains concernés dans un ensemble et créer le cercle économique afin de construire un système de l’économie auto-circulaire ? Comment réaliser la croissance économique de l’Afrique en coopérant avec la Chine sur la base des avantages mutuels ?
Les Actions de partenariat pour la prospérité du commerce et pour la coopération sur les chaînes industrielles proposées lors du récent FOCAC ont donné une réponse très claire : le traitement de tarif douanier zéro à 100% des produits exportés vers la Chine par les pays les moins avancés, dont 33 pays africains, démontre la ferme détermination de la Chine à promouvoir une mondialisation égalitaire à travers ses grandes opportunités de marché. La manière de favoriser les pôles de croissance de la coopération industrielle entre la Chine et l’Afrique reste au cœur des relations bilatérales vigoureuses. Pour la Zone de libre-échange continentale africaine, les 30 projets d’interconnexion des infrastructures en Afrique, ainsi que la coopération logistique et financière au profit du développement transrégional sur le continent africain sont toujours les projets privilégiés. L’Initiative pour le développement mondial lancée par le président Xi prend sa forme non seulement dans un grand programme mais aussi dans 1 000 projets de bien-être social « Petits et Beaux ». Ces actions significatives et pionnières rendent visible et tangible la « communauté d’avenir partagé Chine-Afrique de tout temps ».
La révolution technologique et la transformation industrielle ne doivent pas être le privilège ou le droit exclusif des seules économies développées. Et l’Afrique a besoin d’une feuille de route praticable et accessible. Par rapport à la coopération économique primaire, un centre de coopération sur les technologies numériques et 20 projets de démonstration du développement numérique sont plus expérimentaux que remarquables. En outre, la modernisation respectueuse de l’environnement a été suffisamment mise en considération, puisque le développement vert est la « marque » de la modernisation.
Avec sa technologie de pointe et sa capacité de production dans l’industrie verte, la Chine jouera sans aucun doute un rôle important en aidant l’Afrique à accélérer la « croissance verte ». D’autre part, afin d’adopter une position protectrice pour l’économie africaine, la Chine appelle au principe de « responsabilités communes mais différenciées ». Dans la lutte contre le changement climatique mondial, les pays développés ont tendance à imposer leurs normes et mesures aux pays du Sud global en promettant de partager la responsabilité par des investissements financiers à des conditions affiliées. Dans de nombreuses circonstances, cela est irréaliste et inefficace. En tant que pays leader au nom du Sud global, la Chine appelle volontairement à une mondialisation inclusive et équitable pour défendre les intérêts du Sud global.
Il est bien urgent pour la Chine, l’Afrique et tous les pays du monde d’améliorer et de renforcer la reconnaissance mutuelle et la connaissance de base des uns et des autres pour favoriser une coopération intégrale plus poussée. En raison du facteur historique de la colonisation, les pays africains sont en grande partie dans l’ombre de la culture de la suprématie blanche. Malgré l’éveil de l’identité culturelle africaine, la plupart des pays africains ont encore besoin d’une mentalité adaptée à ce changement qui ne se produit qu’une fois par siècle. Pour les pays africains, la Chine a été considérée comme une superpuissance économique. Cependant, la reconnaissance mutuelle au sens culturel constituera une base plus solide. Les 60 000 places de formation en faveur notamment des femmes et des jeunes africains, le Programme sino-africain « Route de la Soie culturelle » et des canaux de communication diversifiés pour les échanges interpersonnels visent l’avenir.
Certaines puissances dans le monde ne sont pas compétentes en matière de construction mais sont capables de détruire. La modernisation de l’Afrique, qui ne s’appuyait pas sur la paix ni sur la sécurité, s’est avérée être une prospérité à court terme. Un environnement pacifique et stable doit être une garantie. La promesse de la Chine de donner la priorité à l’Afrique dans la mise en œuvre de l’Initiative pour la Sécurité mondiale (ISM) ouvre une grande marge d’imagination pour la coopération en matière de paix et de sécurité. La Chine ayant acquis une présence mondiale, l’intensification de la coopération en matière de sécurité se manifeste également au service de ses intérêts à l’étranger.
Après la Seconde Guerre mondiale, le système colonial s’est effondré. La Conférence de Bandung de 1955 a prôné l’esprit d’union, d’amitié et de coopération. Dans les années 1960, le Mouvement des non-alignés a adopté les cinq principes de la coexistence pacifique comme principes directeurs. Cependant, le monde du XXe siècle a été largement englouti par le principe hégémonique selon lequel « la force fait le droit ». Dans le monde d’aujourd’hui, les pays en développement, dont la Chine comme représentant, sont bien reconnus en tant que participants importants dans l’ordre mondial en raison de la croissance rapide de leur puissance nationale intégrale. Le monde a désespérément besoin d’un nouvel ordre plus juste, plus inclusif et plus équilibré, auquel la coopération intégrale Chine-Afrique apportera une contribution unique et durable.