Charles de Gaulle n’avait pas eu tort de déduire qu’en relations internationales (coopération comprise), il n’y a pas d’amitiés. ” Les États n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts “, avait-il déclaré. Depuis le 30 juin 1960, la RDC – sous ses diverses appellations – ne cesse d’en faire l’amère expérience en ce que ses relations avec l’extérieur lui procurent moins de raisons de joie que de tristesse. Surtout depuis l’avènement de la Perestroïka survenue à Moscou en 1989 et dont la déferlante sur l’Afrique au début des années 1990 s’était révélé cruelle. En effet, sans fournir la moindre explication, ceux des partenaires qui voulaient d’un Congo uni sous la Guerre froide avaient subitement et ouvertement changé de position, agissant comme si l’intérêt mondial commandait désormais le contraire, entendez la disparition du même État.
Effectivement, au cours de ces 33 dernières décennies (1990-2023), la RDC semble poussée à cette disparition, vraisemblablement approuvée par la majorité des États membres permanents du Conseil de sécurité des Nations Unies, en l’occurrence les États-Unis, la Grande Bretagne et la France. Jusque-là plus ses tuteurs que ses partenaires traditionnels.
La dernière réunion de cet organe de l’Onu le 29 mars 2023 faisant foi, seules la Russie et la Chine prennent fait et cause pour elle.
En vérité, Kinshasa a pour problème congénital son incapacité à s’adapter aux changements qui s’opèrent dans le monde.
Trois exemples pour s’en convaincre :
– 1960 avec l’avènement des indépendances en Afrique. Le Congo n’y était pas préparé, si bien qu’un certain Jef Van Bilsen proposa son plan de prolonger la colonisation pour 30 ans, soit en 1990.
– 1990, comme par coïncidence, avec l’avènement de la Perestroïka (fin de la Guerre froide). Ce retour brusque à la démocratie pluraliste interrompue autour des années 1965-1970 avait pris les Zaïrois au dépourvu. On se contenta d’oripeaux du multipartisme et du droit-de-l’hommisme qu’on ne vit pas venir les effets annonciateurs de Berlin ll.
– 2022 avec l’avènement de la Guerre d’Ukraine en février, ” inspirant presque celle du M23 en mai. C’est à croire que les parrains et sous-traitants savaient ce qui allait se produire et qui se produit : la focalisation de l’attention des Occidentaux sur la “menace russe “, donc l’indifférence presque de ces derniers par rapport à la guerre de l’Est de la RDC.
Les Congolais de Kinshasa ne se sont préparés à aucun de ces trois avènements. Preuve que nous nous sommes mis volontairement dans la position de subir.
Or, gouverner, c’est prévoir, dit-on.
Si les pères de l’Indépendance sont excusables parce qu’interdits de fréquenter les Belges sous la colonisation, il n’en est pas de même de leurs enfants et petits-enfants, particulièrement des contemporains des dirigeants occidentaux qu’ils ont eu l’occasion de côtoyer sur les bancs de l’école, les restaurants, les sites touristiques, les bureaux, les stades, les églises, etc.
Ils ont vécu, voire sympathisé avec les Karel de Gutch, Alexander de Croo, Louis et Charles Michel pour la Belgique ; les Clinton, Herman Cohen, Anthony Blinken et autres Peter Pham pour les États-Unis ; les Macron, Hollande, Sarkozy, Laurent Fabius et autres Manuel Valls pour la France ainsi que les Tony Blair, David Cameron, Boris Johnson et même le nouveau venu Rishi Sunak pour la Grande Bretagne.
La faute ?
Paix à son âme : feu Albert Kisonga Manzakala proposait à l’époque la création d’un centre de prospective comme celui dont est dotée l’université de Makerere, en Ouganda, consacré à l’évolution de la situation dans les Grands Lacs pour les décennies à venir. Pour l’histoire, premier président du Rcd, Pr Ernest Wamba Dia Wamba, était professeur dans cette Alma mater lorsqu’il avait basculé dans la rébellion qui fut en réalité une agression rwandaise.
Le bouleversement en cours en Europe au travers de la Guerre d’Ukraine devrait intéresser les Congolais pour ériger un tel centre dans l’objectif de préparer la RDC à ce que le monde deviendra, c’est-à-dire à ce qu’elle deviendra elle-même.
Les esprits éveillés en sont conscients : quelle que soit la manière dont cette guerre va se terminer, la reconfiguration du plancher des vaches est acquise.
Dans cette logique, faire preuve de pragmatisme est un devoir. Et faire preuve de pragmatisme dissuade toute multiplication des fronts contre le Congo, surtout pour des dossiers gérables, sans nécessairement indisposer des partenaires qui, au nom des amitiés ou des intérêts (lire plutôt des amitiés et des intérêts), peuvent se révéler utiles dans la consolidation de l’unité nationale et de l’intégrité territoriale.
On n’est pas condamné à subir des évènements.
On est obligé de les devancer et, au besoin, de les orienter…
Omer Nsongo die Lema