Marquée ces dernières heures par la mort au front, la nuit du 23 au 24 janvier 2025, du général Peter Cirimwami, gouverneur militaire du Nord-, la dégradation de la situation sécuritaire à l’Est est l’occasion, pour les partenaires extérieurs, d’en appeler à la réactivation rapide du Processus de Luanda. On parle de plus en plus de la médiation turque en substitution de celle de l’Angola. Erreur stratégique à ne pas commettre. En effet, pour avoir été médiateur africain dans la crise tchadienne résolue grâce au Processus de Kinshasa, le Chef de l’Etat congolais est censé connaître l’état d’esprit de son homologue angolais en cas de réussite ou d’échec du Processus de Luanda ! Au moment où Joao Lourenço s’apprête à exercer la présidence rotative de l’Union africaine le 17 février 2025, Félix Tshisekedi doit savoir lire les signes des temps. Ici, la fameuse théorie de la ‘Pyramide renversée ou Inversée’ chère à l’Udps ne tient pas la route. Cette théorie est en train de faire de gros dégâts en croyant gérer la guerre à coup de battage politico-médiatique sur fond de diabolisation.
La Rdc se retrouve au point de départ…
Après le rendez-vous manqué du 15 décembre 2024 du fait de l’absence de Paul Kagame, le Processus de Luanda a effectivement du plomb dans l’aile pendant que son pendant de Nairobi est quasiment à l’arrêt ; certains groupes armés congolais s’étant convertis en Wazalendo, d’autres ayant conservé leur statut.
Dans la dernière livraison sous le titre «Lettre ouverte au Président Félix Tshisekedi : ‘Svp !, pour une fois, prêtez une oreille attentive à l’initiative CENCO-ECC sur le Pacte Social’», ont été repris les propos du ministre angolais des Affaires étrangères Teté Antonio le 17 janvier et ceux du chef de l’Etat congolais le lendemain.
«Nous sommes convaincus que la guerre ne résoudra pas le problème. Si, plus tôt on peut aller à une table des négociations plutôt que de faire la guerre pendant plusieurs années pour revenir à la même table, autant prendre le raccourci», a-t-il déclaré engageant sans doute son Président de la République.
On ne dira pas que Félix Tshisekedi lui ait répondu, mais devant le corps diplomatique reçu le 18 janvier 2025 à la Cité de l’Union africain, il a persisté et signé. «Le dialogue avec un groupe terroriste comme le M23 est une ligne rouge que nous ne franchirons pas», a-t-il tranché.
Et voilà que dans la foulée des événements en cours autour de Goma, le Président angolais aurait relevé que “le conflit et les défis de sécurité dans l’Est de la RDC n’ont pas de solution militaire”. Il aurait exhorté “les parties à revenir immédiatement à la table des négociations», selon les comptes X de plusieurs professionnels des médias utilisant ce réseau, info diffusée le 24 janvier.
Conséquence normale : le Processus de Luanda et le Processus de Nairobi étant tous les deux en panne, la RDC se retrouve (comme) au point de départ…
Le reste n’est que gestion des conséquences
Dans le contexte actuel, on doit s’attendre à une réactivation de ce double processus. D’où, nécessité, pour la partie congolaise, d’adopter des stratégies adaptées à sa lecture et à sa perception des enjeux.
A “BALISES”, nous ne cesserons jamais de le dire : en 65 ans d’Indépendance, et particulièrement au cours de ces 30 dernières années, jamais la RDC n’a été en position aussi forte que maintenant. Pas dans le sens d’une victoire militaire sur le Rwanda, mais dans celui de la résolution définitive de la double question foncière (terres congolaises revendiquées par le Rwanda ou terres rwandaises appartenant à la RDC) et ethnique (communauté tutsi).
En Afrique, particulièrement dans sa partie subsaharienne, il n’existe pas de terre sans tribu, ni de tribu sans terre. Chaque tribu a ses terres, et chaque terre a sa tribu.
La latte utilisée pour le découpage de l’Afrique en 1885 à Berlin est certes passée sur des tribus, donc sur des terres tribales. Mais ces tribus ne se sont pas éteintes, et leurs terres n’ont jamais disparu physiquement.
Là est la cause première, la cause unique de toutes les crises à base identitaire dans les Grands-Lacs, à l’Est de la RDC. Le reste n’est que gestion des conséquences.
Une telle démarche nécessite une cohésion interne forte
RDC en position de force, disons-nous ? Oui !
Car, c’est maintenant ou jamais pour Kinshasa de prouver à la face du monde avoir tout donné à l’Afdl, au Rcd, au Cndp et au M23 en termes des revendications posées dans le cadre des Accords conclus successivement à Addis-Abeba en 1999, à Sun City I et Pretoria en 2002 et à Sun City II en 2003, parallèlement aux Accords de Luanda avec le Rwanda et l’Ouganda en 2002, mais aussi des Accords de Goma en 2008 et en 2009, le tout coiffé par l’Accord-cadre pour la Paix, la Sécurité et la Coopération connu sous le vocable «Accord-cadre d’Addis-Abeba» en 2013.
C’est dans cette optique que Félix Tshisekedi pourrait proposer au Médiateur de l’Union africaine pour le Processus de Luanda l’élargissement et renforcement de celui-ci avec la mise sur pied d’un Comité international de Suivi des Engagements Conclus (CISEC) (genre CIAT) comprenant les représentants :
-1) des 5 pays membres permanents du Conseil de Sécurité des Nations Unies ;
-2) de l’UA (Afrique) ;
-3) de l’UE (Europe);
-4) de l’ASEAN (Asie) ;
-5) de l’OEA (Amérique) ;
-6) de la LA (Ligue Arabe) ;
-7) de la CEEAC (Afrique Centrale) ;
-8) de la SADC (Afrique Australe) ;
-9) de la CAE-EAC (Afrique de l’Est) ;
-10) de la CIRGL et
-11) du Secrétaire général des Nations Unies (Monusco).
Auparavant, la RDC va devoir lister et publier toutes les revendications du Rwanda, du Rcd, du Cndp et du M23 jusque-là connues de l’opinion.
Cet élargissement est dicté notamment par les enjeux économiques faisant de la crise sécuritaire de l’Est un prétexte à l’exploitation illégale des ressources naturelles de la RDC.
L’objectif, comme on peut bien s’en rendre compte, est d’impliquer la communauté internationale dans la compréhension des enjeux sécuritaires à l’Est de la RDC.
Bien entendu, une telle démarche nécessite une cohésion interne forte.
Et à ce jour, on le répète, l’unique personne, l’unique Institution de la République à disposer de l’autorité de le faire est Félix Tshisekedi à qui il est encore conseillé de garder l’initiative politique, non sans lui rappeler cette déduction de l’américain Lee Iacocca : «Une bonne décision qui est prise trop tard devient une mauvaise décision».
La pire des choses à lui arriver est par voie de conséquence de perdre l’initiative politique face à des partenaires internes et externes avisés…
Omer Nsongo die Lema