Le semestre pré-électoral dans lequel nous sommes engagés, depuis un mois et demi, nous révèle certains aspects de notre culture postindépendance ou du moins de l’esprit de nos politiciens. Un agissement qui nous apprend beaucoup sur la conception politique de certains de nos leaders.
Comme beaucoup des Congolais, mon attention a été attirée par une pratique qui risque de se transformer en coutume, si nous n’y prenons pas garde et ne la dénonçons pas suffisamment fort, dès maintenant. La supercherie consiste pour les candidats députés à imposer comme suppléant un membre de la famille biologique.
Ce phénomène, qui contrevient aux règles élémentaires de l’éthique démocratique, ne date pas d’hier. Sauf erreur ou distraction de ma part, nous l’avions observé pour la première fois lors des élections législatives de la première législature de la Troisième République. Les précurseurs de 2006 feront des émules ; ce qui aura pour conséquence une augmentation de l’usage de cet artifice en 2011. Cette fois-là, nous avions eu droit à observer que, bien souvent, dans la même famille et sous l’égide du même parti politique, il y avait un candidat député national, son suppléant, un candidat député provincial et pour couronner le tout, un candidat Sénateur.
A l’examen des listes électorales récemment publiées, il s’observe que la pratique se généralise et que la triste duperie prend une ampleur qui risque de tuer la jeune et balbutiante démocratie congolaise.
Pourquoi ce manège constitue une tricherie, un mal à combattre ? La démocratie dans son essence est un système politique qui veut que le pouvoir émane du peuple afin qu’il soit véritablement exercé en son nom, pour ses intérêts et sous son propre contrôle. Trouver et instaurer des moyens pour réduire le caractère populaire des choix en enfermant le pouvoir dans le cercle familial dénature le système. Il assassine la démocratie.
En plus, cette pratique dévoile un égoïsme inacceptable dans une Nation qui se prétend solidaire, dans laquelle nombre de partis politiques proclament un attachement mensonger à la social-démocratie. Nous savons tous que le but de la manœuvre est, entre autres, de générer plusieurs émoluments au sein d’une même famille, sans oublier les autres avantages. Pire encore, voilà une situation où la notion de trahison trouve toute son expression ; laisser de côté les cadres et militants avec lesquels pendant des années vous avez réfléchi, cogité, battu le pavé et que sais-je encore, en faveur de votre sang est une attitude irresponsable, de manque de courage de la part des leaders. C’est aussi un non-sens, au vue du rôle essentiel, voire primordial que la démocratie consent aux partis politiques. Dans ces organisations s’unissent, non pas des familles biologiques, mais des cadres, militants et sympathisants partageant les mêmes valeurs et aspirations, qui investissent leur temps, leur énergie, leurs intelligences et parfois leurs argents afin de promouvoir l’image du leader et respectivement du parti pour atteindre ensemble un objectif convenu. C’est dire que le choix des suppléants devait appartenir aux partis.
Au-delàs du népotisme, que ces leaders affichent sans gêne, il est autorisé de suspecter ces gens de tribalisme. Comment se comporteraient-ils en nationalistes, en défenseurs de la cohésion nationale au parlement national ; si déjà ils se montrent incapables de sortir du carcan familial au niveau de la circonscription électorale ?
D’ailleurs, l’observation des débats parlementaires passés montre clairement que ces suppléants-bidons se limitent à faire de la pure figuration et n’apportent rien de constructif ou de positif aux débats à l’Assemblée nationale. Il arrive même qu’ils se rebiffent contre leurs prétendus mentors, pour des questions d’argent bien sûr !
Nous parlons de népotisme au parlement, mais que dire alors de celui qui se pratique ostensiblement dans les cabinets ministériels. Ces lieux ne sont plus que des entreprises familiales.
Voilà un comportement qui met de l’eau au moulin de ceux qui répètent que l’Afrique n’est pas prête pour la démocratie. Et si ces pourfendeurs de la greffe démocratique en Afrique étaient les plus lucides parmi nous ? Peut-être que ce système politique, venu du froid, est effectivement incompatible avec nos meurs ! Réfléchissons, sans complexe sur la question !
Le plus grave dans ce phénomène est qu’il témoigne du degré infinitésimale de confiance qui existe actuellement dans notre société. Si un leader se sent contraint d’aller chercher ses éventuels futurs remplaçants dans sa propre famille, cela ne dénote-t-il pas d’une absence totale de confiance ? Je reprendrai ici le questionnement du philosophe Mark Hunyadi : sommes-nous en train de construire une société sans confiance ; or à quoi ressemblerait une société qui se passerait de la confiance dans son rapport aux autres et au monde ? Pour finir j’emprunterai également le sage mot de Gildas Richard : « le témoignage d’actes antérieurs, et une certaine qualité de l’attitude présente laisse à penser que les actes futurs seront de l’étoffe des précédents ».
Jean-Pierre Kambila Kankwende wa Mpunga