La capitale congolaise vit désormais sous la coupe réglée de la pluie et ses corollaires, des difficultés de transport en commun, de la crasse, de l’insécurité, pendant que les « armes politiques lourdes crépitent » pour gérer cette mégalopole. Des prétendants pour sa gestion sont sur le qui-vive. Ne brandissant aucun programme de gestion de la ville au Kinois, ils préfèrent d’abord se livrer à une guerre au couteau à travers les médias ou par leurs partisans interposés. Ils se fricotent sens dessus-dessous. Pendant ce temps, c’est de vies entières qui en souffrent.
Tenez, la pluie de lundi 8 avril a fait, selon des sources municipales, une dizaine de morts dans la capitale. Une pluie dont les eaux ont liquéfié des murs de constructions autorisées ou anarchiques ; une pluie qui s’est butée aux multiples immondices jetées sur les lits des rivières qui enveloppent la capitale, laissant des familles entières dans la désolation.
Larmes de crocodile
Alors que les familles étaient dans l’émoi, la stupéfaction et la désolation pour pleurer leurs proches surpris par dame la pluie, des autorités étatiques, notamment des Affaires foncières ou de l’Urbanisme versaient des larmes. Des larmes de crocodiles après avoir préalablement empoché leur cash, puisque ce sont elles qui autorisent, moyennant paiement des documents, de construire sur des terrains dangereux.
Pourtant, la règlementation en vigueur est claire à ce sujet. L’octroi des documents est conditionné par plusieurs facteurs, notamment l’étude du terrain, le mode de construction ou le type de maisons à construire, la capacité d’accueil des eaux usées, etc.
Dans un autre décor, prendre un transport en commun à Kinshasa relève d’un parcours de combattant. A plusieurs reprises, cet épineux problème est évoqué à haute voix, avec pincement, sans qu’une solution définitive ne vienne remettre les pendules à l’heure.
Habitué au parcours de combattant, le Kinois fait désormais le calvaire de Jésus en pleine Kinshasa. A moins d’être nanti, se retrouver allègrement friqué et nouer le bout de la capitale à la recherche de deux extrêmes du social familial. On le voit à pieds, parcourir des longues distances à pied ; à la recherche de sa survie, de la survie de sa famille, suant à grosses gouttes, pendant que la compradore incognito roule carrosse, sous des vitres fumées, prêt à lever sa main, à peine visible à la moindre « base politique » aperçue.
Faisait fi des difficultés de transport, le fauché Kinois décide souvent de venir à bout des immondices et de la crasse qui jonchent presque la quasi-totalité des rues de la capitale à pieds. Une ville dont la crasse, les eaux usées et des tas immondices qui y ont élu domicile, rivalisent avec l’Himalaya. Souris, cafards, rats et autres ruminants de seconde zone s’y régalent à cur joie, au grand dam de chiens qui aboient leurs rages, faute d’avoir part au festin.
Une ville à la merci de l’insécurité ?
Après avoir reçu son « onction pécuniaire » d’un quidam, d’un cousin ou d’un pote venu tout fraichement de l’Europe, le Kinois est souvent devant une meute d’inciviques, civils ou chargés de la sécurité des personnes et de leurs biens, qui n’hésitent pas à le détrousser de jour comme de nuit. Téléphone, montre, argent, même son chapelet enfoui dans sa poche sont raflés. Il est le seul à se défendre, devant une meute de bidasses ou d’enfants de la rue. Que voulez-vous ! C’est la norme à Kinshasa : « tu cherches pour les autres », tel est le refrain entonné par des persifleurs badauds.
Une fois arrivé chez soi, dans la nuit tombée, abattu, l’air débonnaire, refreiné, ivre de rage pour s’être fait détrousser qu’il apprend à la télévision que l’élection du Gouverneur de la ville de Kinshasa est projetée sous peu. Et que les candidats se bousculent déjà au portillon.
Malheureusement, ils se fricotent, se renient, se font une guerre de tranchée, sans programme de gestion de ladite ville. Le Kinois l’apprend à la télé. Du moins, si la SNEL a été clémente envers son quartier. Sinon, c’est à travers son téléphone portable qu’il voit défiler tous les balbutiements des candidats qui ne viennent que pour les intérêts. L’histoire récente, pas trop lointaine, est encore fraiche dans la mémoire du Kinois. Il s’en souvient. Amèrement.
Willy Kilapi