Pour le Maroc, comme pour l’ensemble des pays du Maghreb, il s’agissait d’un grand test politique. Le sommet Russie-Afrique que Vladimir Poutine allait abriter à saint Petersbourg allait-il accueillir le Polisario parmi les états africains invités à consacrer la coopération entre Moscou et l’union africaine ?
Cette interrogation se posait avec pertinence, d’autant plus que ce sommet avait été précédé d’une visite du président algérien Abdelmajid Tebboune en grandes pompes, accompagnée de déclarations qui se voulaient fracassantes sur l’alliance historique entre Alger et Moscou, au point de se mettre volontairement sous le protectorat économique et militaire russe.
Pour notre source, il est aisé de croire que la délégation algérienne qui accompagnait Tebboune à Moscou n’a pas manqué de faire du lobbying auprès des Russes pour les convaincre d’inviter la fantomatique république sahraoui à ce sommet entre la Russie et l’Afrique. Alger misait incontestablement sur cette tribune russe pour faire avancer son agenda international d’avocat de la cause séparatiste.
Or le résultat est aussi spectaculaire que les attentes étaient grandes et les enjeux d’une grande sensibilité. Dans ce qui a été perçu comme un désaveu flagrant de la stratégie algérienne, Vladimir Poutine n’a pas autorisé la présence du polisario dans la liste des pays africains invités à ce sommet. Le dialogue entre la Russie et l’Union africaine s’est passé comme si la fameuse RASD n’avait aucune existence au sein de ses structures. Un désaveu flagrant pour une diplomatie algérienne qui a misé toutes ses billes sur la Russie qu’elle considère comme un allié militaire et politique historique.
Échec d’autant plus parlant que le régime algérien qui vit depuis des années un isolement international presque total, voyait en la Russie sa probable bouée de sauvetage pour l’aider à faire avancer son agenda anti-marocain et pro-polisario.
Les mots utilisés par la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, qui a salué l’excellence des relations entre le Maroc et la Russie, ont dû sonner comme un grand désaveu pour les postures algériennes. Et pour cause, elle affirme que les relations bilatérales « n’ont jamais été aussi bonnes qu’aujourd’hui ».
Cette tonalité russe envers le Maroc est à mettre indiscutablement au profit de la diplomatie marocaine agissante qui a réussi à convaincre Moscou qu’aussi bien les intérêts des Russes que des pays africains passent par la décision de traiter avec les États et non avec les entités fantômes.
Pour souligner l’importance de la décision de Vladimir Poutine, ce sommet Russie Afrique où était absent le polisario et qui a été perçu comme un échec algérien, rappelle deux faits de même nature qui renseignent sur les évolutions de la crise du Sahara marocain et les changements dans le contexte international.
Le premier fut le sommet Union européenne/Afrique en février 2022 qui avait vu la participation, certes timide et discrète du polisario, mais qui avait choqué par une forme de myopie de l’Union européenne sur cette affaire. Le leadership européen doit aujourd’hui réfléchir à deux fois avant d’accepter de renouveler cette expérience qui avait déjà à l’époque suscité de nombreuses réserves.
Le second fut le sommet Afrique/Japon de la TICAD, (conférence internationale de Tokyo sur le développement en Afrique) qui s’est tenu en Tunisie en août 2022. Ce sommet fut l’occasion de dégoupiller une grande crise au Maghreb lorsque le régime militaire algérien avait imposé au président tunisien Kaïs Saied d’accueillir comme un chef d’Etat, le numéro 1 de la milice séparatiste.
En fermant la porte au Front Polisario au sommet de Saint Petersbourg, la démarche russe crée en la matière un précédent, voire une forme de jurisprudence internationale d’une importance significative. Dorénavant, tous les sommets internationaux avec les pays de l’union africaine devraient se passer sans la présence du polisario.
Sur le plan politique, cette démarche va aider toutes les stratégies marocaines et africaines qui consistent à convaincre les structures de l’union africaine d’expulser de leurs rangs le polisario, devenu non seulement un boulet qui divise et empoisonne les relations entre les Africains, mais aussi un frein qui menace et ralentit les dialogues politiques et économiques bénéfiques que le continent africain voudrait cultiver avec l’ensemble des forums internationaux.
Sans doute, sans le vouloir, ou peut-être l’a-t-elle fait sciemment, la Russie vient d’invalider de manière visible et sonore la stratégie algérienne, participant à accentuer davantage
sa solitude.