Pour un accès à l’Atlantique: ces documents qui expliquent pourquoi l’Algérie joue son va-tout contre l’intégrité territoriale du Maroc

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Alors qu’il se dit publiquement le chantre de la libération des peuples et le défenseur du droit à l’autodétermination au Sahara, le régime d’Alger n’a cessé, dans les coulisses, d’instrumentaliser le dossier pour son unique intérêt, devenu vital: s’assurer un accès à l’océan Atlantique. En privilégiant le fait colonial espagnol contre toute velléité indépendantiste, en s’inscrivant dans le prolongement de l’occupation française ou en soutenant une partition du territoire, la junte a toujours craché sur les principes qu’elle prétend défendre.

La main d’Alger dans le récent ballon d’essai lancé par Staffan de Mistura, durant son brief devant le Conseil de sécurité de l’ONU, et portant sur une improbable partition du Sahara marocain, révèle au grand jour deux vérités que le régime d’Alger a déployé un temps considérable et une énergie démesurée à vouloir cacher. Le premier est que, non seulement l’Algérie est partie prenante au différend, mais elle joue des coudes pour privilégier ses vues et ses propres intérêts. Voilà qui jure avec une prétendue «position de principe» dans le dossier du Sahara atlantique. Parlant de principes, et c’est là la seconde vérité, l’Algérie s’est, à l’évidence et au vu de ses nombreux changements de posture, servi du conflit pour se donner une façade de «Mecque des révolutionnaires», tout en sacrifiant, dans les faits et à la moindre occasion, autant ses pseudo-principes que son poulain, le Polisario.

Il est d’ailleurs un fait historique, documenté par les archives françaises, qui montre toute l’habileté du pouvoir algérien dans l’art de se travestir. Comment, sinon, admettre que le pays qui se dit aujourd’hui «à n’importe quel prix» aux côtés du Polisario dans sa «guerre de libération» ait été le premier à s’opposer à toute velléité indépendantiste dans la région? Un document officiel du Service de documentation extérieure et de contre-espionnage (SDECE, ancêtre de l’actuelle DGSE), révélé par Jillali El Adnani, historien et chroniqueur sur Le360, en atteste cependant.

Nous sommes en 1966, au lendemain de l’indépendance de l’Algérie et au plus fort du «règne» de Houari Boumediene, champion autoproclamé des mouvements de libération en Afrique, qui venait de s’accaparer tous les pouvoirs moyennant un coup d’État, une année plus tôt. L’événement est la tenue de la conférence de l’Organisation de l’unité africaine (aujourd’hui l’UA), à Addis-Abeba. Publiquement, et au nom de ses intérêts nationaux, l’Algérie a clamé son rejet total et catégorique de toute idée d’État indépendant au Sahara occidental, une position portée par le délégué algérien lors de ce sommet. Pour l’Algérie, il est «illusoire d’accorder l’indépendance à un territoire dont la population ne compte que 50.000 habitants». Dont acte. Pourquoi donc? «L’Algérie, qui avait besoin d’une ouverture sur l’Atlantique, ne pouvait se désintéresser du destin du Sahara espagnol», lit-on.

Le document historique classé «secret» du Service de documentation extérieure et de contre-espionnage (SDECE) de France, contenant les déclarations du représentant algérien à l’OUA lors de la Conférence d’Addis-Abeba en 1966.

Autrement dit, en 1966, la stratégie algérienne consistait à soutenir la présence coloniale de l’Espagne -et non à plaider pour une décolonisation. Mieux, la délégation algérienne manœuvrait pour «empêcher les réfugiés du Sahara espagnol présentés par le Maroc d’être entendus par le comité de décolonisation». Tous slogans creux mis de côté, ce qu’Alger négociait à cette époque, c’est une ouverture sur l’Atlantique, porteuse de nouvelles perspectives économiques et désenclavant son vaste territoire désertique.

Ce document devrait être encadré et accroché dans les couloirs du siège de l’UA, de préférence à proximité de la fontaine en zellige offerte par le Maroc à cette institution. C’est à Addis-Abeba que l’Algérie jugeait, en 1966, «illusoire d’accorder l’indépendance à un territoire dont la population ne compte que 50.000 habitants». Et chaque fois qu’un représentant d’Alger fait son cirque à l’UA au nom de «la dernière colonie en Afrique», on devrait l’orienter vers le mur où est accroché ce tableau qui documente les propos, très pertinents, tenus par un représentant de la République algérienne, en 1966, dans cette même ville d’Addis-Abeba.

Ceci pour dire que les ambitions de Houari Boumediene, le père du «Système», n’avaient que faire d’un quelconque droit des peuples à l’autodétermination. Au contraire, elles s’inscrivaient dans le prolongement d’une vieille idée, bien française. Dans son livre «Le Sahara occidental en 10 questions», l’historien Bernard Lugan affirme que cet accès atlantique est un «vieux projet colonial français» -illustré dans l’ouvrage par une carte très parlante- et perpétué par le «Système».

C’est là l’un des paradoxes de l’Algérie indépendante: en même temps qu’elle glorifie l’anticolonialisme, elle défend avec ardeur l’héritage du colonialisme. En cherchant une ouverture sur l’Atlantique, «l’Algérie indépendante s’affirmait donc une fois encore comme l’héritière directe de la fraction la plus ultra du colonialisme français, celle qui avait nourri le projet insensé d’enlever le Sud marocain au Maroc afin d’offrir une fenêtre atlantique à l’Algérie française», commente l’historien.

Mêmes visées, autres sources documentaires, celles produites par la Central Intelligence Agency (CIA) américaine par centaines de 1965 à 1980 et classées «Confidential». Ces notes de service du renseignement américain, révélés par l’universitaire et chroniqueur Karim Serraj, détaillent à leur tour les ambitions secrètes de Houari Boumediene sur l’océan Atlantique, considérées comme un objectif vital.

Le président algérien espérait, selon ces documents, «utiliser l’Atlantique comme un levier pour accéder aux marchés d’Amérique latine et d’Afrique subsaharienne, et établir des connexions maritimes directes avec des pays non alignés». Cette stratégie géopolitique ne pouvait se matérialiser qu’à travers une expansion coloniale dans la région, devant offrir à l’Algérie un accès à l’Atlantique, et en même temps, l’un n’allant pas sans l’autre, couper l’herbe sous le pied du Maroc dans le sous-continent. Et quoi de mieux pour y arriver que de créer un État fantoche.

Le même objectif a continué de servir de boussole, la seule qui vaille, pour le régime algérien. Bien après Boumediene, son ministre des Affaires étrangères, Abdelaziz Bouteflika, devenu en 1999 président de l’Algérie, ne défendait pas autre chose quand il a proposé, en 2001, à James Baker, alors Envoyé personnel du secrétaire général de l’ONU, un partage du territoire du Sahara entre le Maroc et le Polisario. Une position figée dans le rapport 2002 du secrétaire général de l’ONU sur le Sahara.

L’idée a soudain refait surface cette année, à la faveur d’une suggestion faite par l’actuel Envoyé personnel secrétaire général de l’ONU au Polisario comme au Maroc. C’est oublier que le Maroc, lui, ne marchande pas son Sahara et que, hier comme aujourd’hui, l’intégrité territoriale n’est pas sujette à négociation. Le régime algérien n’aura jamais accès à l’océan Atlantique. Il a joué son va-tout et a perdu.

Par Tarik Qattab

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