Honorables invités, Mesdames et Messieurs, zao shang hao !
Je tiens à remercier nos hôtes de m’avoir conviée à prendre part au débat sur le développement constant de la Chine, en ce début d’année du Dragon, une année qui s’annonce capitale pour l’économie mondiale et pour la Chine.
L’économie mondiale
À l’échelle du monde, il conviendra cette année d’ajuster soigneusement les politiques monétaires et budgétaires afin de réussir un atterrissage en douceur, c’est-à-dire réduire l’inflation tout en maintenant une croissance vigoureuse. De nombreuses banques centrales doivent prendre une décision délicate : quand abaisser les taux d’intérêt et dans quelle mesure ? Elles ne peuvent plus se baser sur l’action de leurs homologues, car les chiffres de la désinflation et de la croissance divergent de plus en plus d’un pays à l’autre.
Cette année s’annonce également difficile pour les autorités budgétaires de la plupart des pays, car elles doivent rééquilibrer les finances publiques pour réduire la dette et reconstituer les réserves tout en finançant la transformation numérique et écologique de l’économie.
Heureusement, l’économie mondiale a remarquablement bien résisté aux chocs de ces dernières années. Cette résilience s’explique avant tout par les solides fondamentaux macroéconomiques de la plupart des pays avancés ou émergents, ainsi que par le niveau élevé de la demande des consommateurs et des dépenses publiques. Les marchés du travail se sont maintenus et les chaînes d’approvisionnement sont revenues à la normale.
C’est pourquoi, malgré la hausse des taux d’intérêt à l’échelle mondiale, nous tablons sur une croissance de plus de 3 % cette année et l’an prochain. L’inflation reste supérieure à son taux cible dans de nombreux pays mais elle continuera de baisser selon nos prévisions. Ici en Asie, le tableau est plus nuancé parce que l’inflation n’avait pas grimpé autant que dans le reste du monde, et qu’elle reflue plus rapidement. De ce fait, les taux d’intérêt n’ont pas tant augmenté.
Mais sur le moyen terme, nous prévoyons une croissance mondiale d’environ 3 %, un chiffre modeste dans une perspective historique : pendant la décennie précédant la COVID, la moyenne annuelle était de 3,8 %. La faible croissance de la productivité et le haut niveau d’endettement posent problème à tous les pays, mais surtout aux pays émergents ou en développement. En outre, les tensions géopolitiques perturbent les échanges commerciaux et les flux de capitaux, moteurs essentiels de la croissance au cours des dernières décennies.
La bonne nouvelle, c’est que la transformation numérique et écologique donne l’occasion de renforcer la croissance de la productivité et de relever les niveaux de vie. Des réformes structurelles de fond peuvent améliorer les conditions propices à la création d’entreprises, à l’innovation et à la performance économique.
En Chine, une nouvelle ère de croissance de grande qualité
S’agissant de la Chine, nous avons constaté un fort rebond post-COVID en 2023, avec une croissance supérieure à 5 %.
À moyen terme, le pays continuera d’être un acteur clé de la croissance économique mondiale. Certes, la faible croissance de la productivité et le vieillissement de la population entravent la croissance, mais les possibilités restent immenses.
La Chine se trouve à la croisée des chemins : elle peut soit poursuivre les politiques qui ont fonctionné dans le passé, soit les moderniser pour entrer dans une nouvelle ère de croissance de grande qualité.
D’après notre analyse, en appliquant un vaste ensemble de réformes favorables au marché, la Chine pourrait connaître une croissance bien plus rapide que si elle maintenait le statu quo. Cette croissance supplémentaire représenterait une expansion de 20 % de l’économie réelle au cours des 15 prochaines années, ce qui équivaut à ajouter 3 500 milliards de dollars à l’économie chinoise.
Quels sont les ingrédients de cet ensemble de réformes ?
Pour commencer, de bons fondements macroéconomiques. Je me réjouis d’entendre que la Chine est déterminée à asseoir son économie sur des bases saines et des institutions solides. La croissance impressionnante que le pays a enregistrée pendant plusieurs décennies a considérablement amélioré les niveaux de vie et permis de constituer une grande marge de manœuvre pour régler les problèmes les plus pressants à court terme. La Chine doit notamment stabiliser son secteur immobilier et réduire les risques liés à l’endettement des administrations locales. Il est essentiel de remédier à ces difficultés pour entrer sans heurts dans une nouvelle ère de croissance de haute qualité. Selon notre analyse, des mesures résolues pour réduire le parc de logements non terminés et laisser jouer la loi du marché dans le secteur de l’immobilier pourraient à la fois accélérer la résolution des problèmes que rencontre ce secteur, et rassurer les consommateurs et les investisseurs.
Afin de susciter une croissance de grande qualité, les autorités devront promouvoir la demande intérieure, et donc accroître le pouvoir d’achat des consommateurs et des familles. Le dispositif de sécurité sociale chinois est celui qui couvre le plus de personnes au monde, mais il reste possible d’en accroître encore la portée et d’en améliorer les prestations, par exemple en renforçant le régime de retraite de manière responsable du point de vue budgétaire.
La consommation intérieure est tributaire de la croissance des revenus, eux-mêmes fonction de la productivité du capital et de la main-d’œuvre. Des réformes visant à renforcer le climat des affaires et à garantir l’uniformité de traitement entre le secteur privé et les entreprises publiques amélioreraient la répartition du capital. Investir dans le capital humain — sur les plans de l’éducation, de la formation permanente et de la reconversion professionnelle — et dans les soins de santé se traduirait par une augmentation de la productivité de la main-d’œuvre et des revenus.
Ceci est particulièrement important à l’heure où la Chine s’emploie à tirer parti du « big bang » de l’intelligence artificielle (IA). Se préparer au monde de l’intelligence artificielle n’est plus un objectif d’avenir ; c’est aujourd’hui qu’il faut le faire. Sur ce terrain, les pays doivent être particulièrement attentifs à quatre domaines selon le FMI : l’infrastructure numérique ; le capital humain et le marché du travail ; l’innovation ; la réglementation et la déontologie. Notre analyse montre que parmi les pays émergents, la Chine est en tête en ce qui concerne le niveau de préparation à l’IA, car son infrastructure numérique très développée lui donne une longueur d’avance. En se dotant d’un cadre réglementaire solide sur le plan de l’IA et en renforçant ses relations économiques avec d’autres pays à la pointe de l’innovation, la Chine poursuivrait sa course en tête.
Le potentiel de la Chine est également immense en matière de transition écologique. Elle est déjà le numéro un mondial de la construction d’installations de production d’énergie renouvelable et elle avance rapidement sur le plan de la mobilité douce. Il est essentiel qu’elle continue de montrer la voie pour faire face à la crise climatique mondiale. La Chine s’efforce depuis plusieurs années de vendre une plus grande part de son électricité aux prix du marché. En tenant ce cap, elle dégagerait des ressources pour financer le processus de décarbonation, et l’élargissement du système d’échange de droits d’émissions au secteur industriel y contribuerait aussi.
La transformation à venir ne sera pas simple. Le développement spectaculaire de la Chine a changé la vie de centaines de millions de personnes. Les jeunes générations, qui n’avaient connu que des taux de croissance exceptionnellement élevés, assistent aujourd’hui à ce que de nombreux pays traversent, une fois que l’économie atteint sa maturité et que la croissance se tasse.
Mais ce passage d’une croissance à grande vitesse à une croissance de grande qualité est la voie à suivre, et la Chine est déterminée à s’y engager. Comme l’admet le gouvernement, un développement de grande qualité serait impossible sans réformes. Le FMI est déterminé à l’accompagner sur ce chemin, notamment en poursuivant le dialogue sur les mesures à prendre et les échanges riches d’enseignements, ainsi qu’à œuvrer ensemble à relever les défis mondiaux de la fragmentation, du changement climatique et de la dette.
Œuvrer ensemble, œuvrer pour tous
Dans ce monde interconnecté, la coopération internationale est essentielle pour relever ces défis qui ont des conséquences démesurées pour les membres les plus vulnérables de la communauté internationale. Le monde se réunit au sein du FMI pour régler des problèmes ; nous remercions la Chine pour son soutien constant à notre travail.
La Chine a permis d’accroître la capacité financière du FMI en apportant une contribution financière à notre instrument de prêt concessionnel pour les pays à faible revenu, à la facilité pour la résilience et la durabilité, que nous avons récemment créée, et à nos initiatives en faveur du développement des capacités. La Chine a également donné une impulsion remarquable pour trouver un accord visant à augmenter de 50 % les ressources permanentes du FMI.
Nous reconnaissons en outre le rôle important de la Chine pour remédier au surendettement de pays émergents ou en développement. De nombreux pays étant en situation de surendettement ou s’en approchant, il y a fort à faire auprès des créanciers pour accélérer les procédures d’allégement de dette, et nous espérons que la Chine poursuivra son action vigoureuse à cet égard.
Grâce au dynamisme, à la confiance et à la bonne fortune du dragon, et dans un esprit retrouvé de coopération internationale, la Chine et le monde pourront relever ensemble les défis actuels et bâtir un avenir plus prospère pour tous.
Merci — xiè xie !