
En RDC, le chef d’état-major de la force terrestre des FARDC, le général Ndaywel, était à Bunia vendredi pour y rencontrer des officiers supérieurs de l’armée ougandaise. Les UPDF ont renforcé cette semaine leur présence, dans cette ville, chef-lieu de la province de l’Ituri dans cette province du nord est de la RDC. Objectif de la réunion : coordonner les opérations conjointes entre les deux pays, dans le cadre de l’accord conclu il y a plus de trois ans pour traquer les rebelles ADF.
Depuis lundi, au moins 750 soldats ougandais sont arrivés avec des véhicules blindés. Ces troupes sont installées dans le camp des FARDC, les forces armées congolaises, de Rwampara en périphérie de Bunia.
Où seront-ils déployés et avec quelle mission ? C’est tout l’objet des réunions en cours. Des réunions qui rassurent le coordonnateur de la société civile pour la province de l’Ituri, Dieudonné Lossa : « C’est la preuve que l’arrivée des soldats ougandais n’est pas une initiative unilatérale de leur part… mais bien concertée avec les Congolais. »
Car ces renforts ont suscité de l’inquiétude…
L’accord conclu en 2021 entre Kinshasa et Kampala prévoit des opérations conjointes contre les rebelles ADF, dans le cadre de l’opération Shujaa. Mais des sources militaires ougandaises ont évoqué la possibilité que ces renforts mènent aussi des opérations contre des groupes armés locaux… alors que le conflit entre les milices Codeco et Zaïre a récemment gagné en intensité…
La semaine dernière, le chef d’état-major ougandais avait aussi menacé, dans un message diffusé sur un réseau social, de lancer une offensive contre les groupes armés locaux actifs à Bunia.
De quoi faire craindre à certains une répétition du scénario de la Seconde Guerre du Congo, lorsque le Rwanda et l’Ouganda s’étaient affrontés en RDC par groupes armés interposés.
Une guerre d’influence
Pour Kristof Titeca, chercheur à l’université d’Anvers et spécialiste de l’Ouganda, ce renforcement de la présence ougandaise en Ituri s’inscrit avant tout dans la guerre d’influence que se livrent, depuis des décennies, Ouganda et Rwanda dans l’Est congolais.
« À mesure que le M23 [soutenu par le Rwanda, ndlr] gagne du territoire dans l’Est du Congo, l’armée ougandaise renforce sa présence militaire. Ce faisant, Kampala envoie un signal clair au Rwanda pour dire : ici, c’est notre territoire et c’est cela qui est inquiétant, » explique-t-il avant d’ajouter « de nouveau, nous voyons l’Est du Congo réparti en zones d’influences pour l’Ouganda et le Rwanda, avec le Rwanda dans les Kivus et l’Ouganda en Ituri. »
« J’y vois une excuse pour les UPDF [armée ougandaise] pour entrer à Bunia. Il faut le lire à l’aune de la relation entre Kigali et Kampala, deux frères ennemis. Il est possible qu’il y ait des contacts entre eux, mais il est clair aussi que même s’il y en a, Kampala est en train de dire au Rwanda : ici, c’est notre territoire et nous restons ici », analyse Kristof Titeca.
Je crois que le plus important, c’est la relation entre Kigali et Kampala.
Depuis le début de ce conflit, l’Ouganda a été accusé de jouer un rôle ambigu: allié des FARDC au sein de l’opération Shujaa mais pointé du doigt par les experts des Nations unies, en juillet dernier, pour leur soutien au M23.
Avec ce déploiement supplémentaire, une fois encore, l’Ouganda poursuivrait un double objectif : « d’une part, elle souhaite poursuivre ses opérations militaires conjointes avec les Congolais. D’autre part, elle ne peut pas se permettre de laisser le Rwanda, son frère ennemi historique, être la seule puissance à exercer une influence sur l’Est du Congo avec le M23 »
Dans un message diffusé, vendredi 21 février sur X, le président Museveni a d’ailleurs démenti que les UPDF déployés au Congo appuient l’armée congolaise dans leur lutte contre le M23, ainsi que l’avaient affirmé certains médias.
« Ce n’est pas le cas », affirme le président ougandais, un message perçu, cette fois, comme une volonté de donner un gage à son voisin rwandais.