Vérité dure à dire et à avaler : pendant que le Rwanda de Paul Kagame se construit avec les recettes provenant des ressources minières tirées du sous-sol congolais, la RDC se « déconstruit » avec les recettes provenant de la même source. Les siennes contribuent plus à l’enrichissement des individus qu’à l’accroissement des recettes budgétaires. Curieusement, ni les puissances occidentales, ni les pays voisins de l’Est, encore moins les dirigeants nationaux et surtout les leaders du Kivu et de l’Ituri ne sont favorables à l’implantation des industriels miniers comme on en trouve au Katanga. Ils s’accrochent à l’exploitation artisanale. Par quoi peut-on résoudre cette problématique ayant des implications sécuritaires évidentes ? Il faut bien quelqu’un pour le motiver…
Ainsi, avec le coltan de l’est, le Congo est ramené à la cueillette…
L’image prête à sourire : une colonne de motocyclettes (version Wewa des Grands Lacs) dans les sentiers des monts et collines verdoyants du Kivu avec, sur des porte-bagages, des sacs contenant des minerais à destination du…Rwanda. Du moins selon la légende. Il s’agit d’une vidéo mise en circulation la semaine passée.
De quoi rappeler les chevauchées des Yankees dans les collines, monts et plaines de l’espace amérindien décrites dans les films Western, chevauchées en rapport avec la ruée vers l’or volé, pardon pris aux Indiens par des Européens.
Pour rentrer au Congo, il y a de quoi rappeler les colonnes des porteurs «indigènes» des ballots du caoutchouc extrait de l’hévéa, «l’arbre qui pleure», selon la légende.
Bref, avec l’exploitation artisanale, le Congo est ramené à l’époque de la cueillette. Plus d’un siècle en arrière…
Certes, l’exploitation artisanale a ses avantages et ses inconvénients.
Parmi les avantages, le peu de moyens humains, matériels et financiers utilisés. Un creuseur a juste besoin d’une barre à mine, d’une pelle, d’un tamis, d’une torche et d’un peu de sou, le tout avec un peu de folie ! En témoignent les documentaires réalisés dans les mines.
Les inconvénients sont énormes pour le creuseur : aucune couverture sociale. Les recettes qu’il réalise disparaissent dans les petites taxes locales et dans la consommation de survie (habillement de seconde main, alimentation approximative, boisson et sexe à gogo etc).
Ce forçat finit souvent malade et devient une charge pour la famille et pour l’Etat.
Le premier gagnant dans l’exploitation artisanale, c’est l’intermédiaire communément appelé négociant. Celui qui impose son prix au creuseur. Bien entendu, le négociant a des relations avec les acheteurs qui, souvent, sont des intermédiaires des multinationales. Et, ces intermédiaires sont parfois des Etats. Cas du Rwanda de Paul Kagame.
La conséquence (dramatique pour le creuseur en amont et pour l’Etat congolais en aval) est que les recettes publiques réalisées de l’exploitation artisanale sont difficiles à retracer. Celles du négociant disparaissent dans des taxes qui, dans la plupart des cas, alimentent la corruption. Quant aux recettes de l’intermédiaire (Etats), elles sont d’habitude minorées.
En gros, à « déconstruire » la RDC
Il s’en suit ce qui va nous choquer tous, et nous devons le dire à haute et intelligible voix, s’agissant des recettes d’exploitation artisanale à l’Est.
La rapine (car c’en est une) à laquelle se livre Paul Kagame en RDC sert visiblement à reconstruire son Rwanda. Preuve : la publication de la vidéo des « Wewa des Grands Lacs » a coïncidé avec celle d’une vidéo de la voirie de Kigali.
A quoi sert par contre la « rapine » à laquelle se livrent et l’Etat congolais et, avec lui, la population du Kivu et de l’Ituri, leadership compris ? En gros, à «déconstruire» la RDC.
En effet, en dehors de la construction, sur place, des immeubles à usage résidentiel ou commercial grâce à l’économie de guerre (acte à féliciter), les recettes de l’exploitation artisanale ne contribuent ni à la construction des infrastructures des voies de communication (routes, chemins de fer, ports, aéroports etc.), ni à celle des écoles et des centres de santé, ni même à l’aménagement des casernes pour militaires et l’achat des armes pour la guerre.
Résultat : l’exploitation artisanale à grande échelle qui s’opère à l’Est dissuade les investissements miniers industriels de s’y installer. Normal : ils n’aiment pas les bruits des bottes.
C’est déjà un contraste que de voir une zone réputée minière s’étendant sur une longue frontière de plus d’un millier de km et demie – car allant de la province du Tanganyika (Katanga) à la province de l’Ituri (Orientale) – avoir moins de trois industries d’exploitation minière, en comparaison à la dizaine présente rien que dans le Haut-Katanga et dans le Lualaba.
La pauvreté a atteint le stade de paupérisation
Ouvrons justement une parenthèse à ce sujet. Le Grand Katanga, qui semblait jusque-là épargné par le phénomène d’exploitation artisanale à grande échelle, est comme rattrapé. Ses deux provinces minières sont aujourd’hui livrées aux creuseurs visant particulièrement le cobalt et indisposant les exploitants industriels.
C’est exactement ce qui s’était passé autrefois au Kasaï avec le diamant. Les Belges avaient réservé la ville minière de Bakwanga à l’exploitation industrielle. Ils en avaient éloigné la population. En encourageant l’exploitation artisanale du diamant dans le Grand Kasaï, les autorités politiques avaient cru résoudre le problème de chômage. Une trentaine d’années après, force est de l’admettre : la pauvreté a atteint le stade de paupérisation.
Si l’on n’y prend garde, le Grand Katanga vivra la même épreuve.
La question est alors de savoir si on pense ou on croit résoudre le problème de l’Est en interdisant l’exploitation artisanale ! La vérité est que si on veut vraiment sécher la source de provenance des ressources financières que tire le Rwanda de Paul Kagame des minerais du Congo, il faut bien passer par là.
Seulement voilà : interdire l’exploitation artisanale dans les provinces du Grand Kivu et de l’Ituri serait suicidaire pour le Gouvernement central. Substituer l’exploitation artisanale par l’exploitation industrielle ne garantit pas l’empressement des industriels d’occuper l’espace, et cela pour deux raisons : la viabilité des gisements sous exploitation artisanale et la sécurité publique.
Que faire alors ? Construire un mur, comme le préconisent certains acteurs politiques ? Les Kivutiens n’adhèrent pas à cette formule. Ils savent que tôt ou tard, Paul Kagame partira avec son engeance. Les populations transfrontalières continuent de se fréquenter. Il suffit d’observer le mouvement des entrées et de sorties à Grande Corniche, lieu servant de frontière entre Goma (RDC) et Gisenyi (Rwanda).
Que faire alors ? Un débat de fond est nécessaire. Un débat qui nécessitera sans doute un cadre inclusif impliquant classe politique, société civile et administration publique.
L’abeille pourrait en sortir morte, mais au prix de la mort du géant !
En attendant, les Congolais doivent apprendre à admettre des évidences pouvant se révéler dérangeantes. On ne peut pas affirmer que le sol rwandais soit entièrement et totalement stérile en ressources du sous-sol. Les pays des Grands Lacs on en partage le même fond géologique. Les gisements du sous-sol n’ont que faire de la notion des frontières héritées de la colonisation. Le Rwanda n’a probablement pas le même potentiel minier que son puissant voisin RDC. Mais, les données géologiques fournies par «Petroleum and Gas Board» (RMPGB) et publiées le 14 février 2017 dans «La Tribune Afrique» révèlent l’existence des gisements de minéraux au Rwanda. L’auteur écrit : «Il n’y a pas que le coltan, l’or, le tungstène, le béryl ou l’étain au Rwanda. Les autorités ont récemment découvert de nouveaux minéraux dont des éléments de terres rares, des pierres précieuses, du cobalt, du fer et du lithium dans divers endroits à travers le pays». Il prend soin d’ajouter : «Les éléments de terre rares ou métaux de terres rares jouent un rôle essentiel dans des centaines de haute technologies et sont la clé du développement de technologies vertes, notamment dans les domaines de la communication, la défense, l’énergie alternative».
Faut-il noter qu’en 2016, sur 61 matières candidates, l’Union européenne en a retenu 26 dans le cadre du «Protocole d’Entente sur des Chaînes de Valeurs Durables pour les Matières Premières Critiques et Stratégiques”.
Kinshasa n’a à se livrer à l’espionnage pour accéder aux «découvertes rwandaises».
Futé, Paul Kagame profite certainement du contexte, qui lui est favorable, pour piller les ressources minières du Congo et, comme dit plus haut, construire son pays. Il fait comme les États-Unis, premier pays producteur mondiale du pétrole, qui exploitent les ressources pétrolières pays étrangers, notamment ceux du Golfe Persique, mais dans les règles de l’art, contrairement à Kigali.
Qu’en est-il de la RDC ?
A l’époque de « DEMAIN LE CONGO », nous avions eu à comparer le Rwanda de Paul Kagame à une abeille qui s’introduit dans la narine du buffle RDC.
Comment réagit le buffle RDC ? Agité, il va dans tous les sens, écrasant tout sur son passage, c’est-à-dire donnant aux chasseurs le droit de l’abattre pour arrêter les dégâts.
L’abeille pourrait en sortir morte, mais au prix de la mort du géant !
Pour éviter cette épreuve, le bon sens ordonne de battre le rappel des troupes pour une opération commune de sauvetage, peu importe l’appellation à adopter.
Il faut bien quelqu’un pour en assumer la responsabilité…
Omer Nsongo die Lema