Quand le phénomène “wengetisation” atteint la société savante des “veilleurs” de la Constitution ! Décidément, Félix Tshisekedi est fort. Tellement fort qu’il est en train de réaliser un exploit qu’aucun de ses quatre prédécesseurs n’a réalisé : convaincre les Constitutionnalistes de se regrouper discrètement et rapidement en structure d’accompagner de sa volonté de changer la Constitution…
Ni vu, ni entendu prendre position sur quoi que ce soit
La preuve est le “silence”, ce lundi 2 décembre 2024, de tous les moteurs de recherche Internet sur l’existence de cette association. Même le bien gentil Wikipédia n’en sait rien ; personne n’ayant jusque-là songé à lui fournir des informations sur sa genèse, ses statuts (objectifs compris), sa composition et sa localisation.
Pourtant elle dit exister depuis 2005 !
Or, au cours de ses 19 ans d’existence, le pays a connu de nombreuses crises constitutionnelles dont les plus emblématiques sont la révision de la Constitution en 2011, la prorogation du mandat du Président Joseph Kabila en 2016, la promulgation des ordonnances de 2020 sans le contreseing du Premier ministre Sylvestre Ilunga Ilunkamba et le renversement de la Majorité parlementaire en pleine législature en 2021.
On de l’a ni entendu, ni vu prendre position sur quoi que ce soit.
Même le vaillant André Mbata n’en n’y a jamais fait allusion.
Mais, mais, mais,…
Sa prise de position du 30 novembre 2024 ressemble malheureusement à sa sortie officielle effectuée à la Faculté de droit de l’Université de Kinshasa. La photo présente Jean-Louis Esambo, Evariste Boshab, André Mbata, Jacques Djoli, Dieudonné Kaluba, Willy Makiashi et Paul-Gaspard Ngondanko. En seraient aussi membres, selon certains médias, les Professeurs Félicien Kalala et Zacharie Richard Ntumba. Tous de l’Union sacrée de la nation (USN) !
Exit alors leurs collègues Raphaël Nyabirungu, Augustin Mampuya, Bob Kabamba, etc. dont les dernières prestations en date les placent dans la catégorie d’ “opposants” non pas à la révision ou au changement de la Constitution, mais à la manière dont cette re-visitation est administrée.
Certes, dans sa déclaration, l’ACDC _”salue la démarche du Chef de l’Etat, qui a annoncé que, préalablement à toute initiative institutionnelle, il convoquera, l’année prochaine, une commission multidisciplinaire d’experts qui l’éclairera sur le sujet et sur la conduite à tenir, pour le grand bien du peuple congolais_”.
Certes, elle _”tient à souligner que forte de l’expérience de ses membres dans l’enseignement et la pratique du droit constitutionnel, elle connaît l’histoire constitutionnelle du pays, ses textes et son vécu_”.
Certes, elle déclare connaître _”particulièrement l’origine de la Constitution du 18 février 2006, ses rédacteurs, son contenu, son pouvoir constituant et les mécanismes prévus pour sa révision_».
Certes, elle _”indique que ses membres ne se laisseront guidés que par le seul intérêt du peuple congolais et ne donneront d’avis que pour ce qu’ils croient vrais, justes et objectifs en âme et conscience_.
Certes, elle dit se tenir _«à la disposition de la Nation pour le grand débat qui s’annonce, conformément à l’article 6 de ses statuts, aux termes duquel : l’Association poursuit les objectifs suivants : servir de cadre de réflexion et d’analyse de toutes les questions touchant au droit constitutionnel congolais et comparé_».
Mais, trois fois mais, il lui sera difficile d’évacuer le doute quant à la finalité de son action.
En effet, dès lors que le Président de la République s’est ouvertement déclaré pour le *changement de la Constitution*, on ne sait plus à quoi servira la commission multidisciplinaire d’experts annoncée pour l’année prochaine.
A dire vrai, avant même sa parution, pardon sa réapparition, elle est déjà disqualifiée par le Chef de l’Etat en ce que personne de sensé ne la voit, elle, le contredire en déclarant qu’il s’agit plutôt d’une bonne et non d’une mauvaise Constitution (la meilleure depuis 1960 selon Pr André Mbata), en plus élaborée par des Congolais et au Congo (et non par des étrangers et à l’étranger !). Ce serait une bravade. Sauf si Félix Tshisekedi est dans le schéma de renoncer à cette re-visitation et a besoin, pour faire diversion, de l’avis de ses experts.
Autrement, elle se faut hara kiri !
Pour ne pas remonter à Mathusalem, le pays a connu au cours de ces quatre dernières années (2020-2024) trois crises touchant aux matières relevant de la Cour constitutionnelle : nominations opérées dans la Magistrature en 2020 sans le contreseing du Premier ministre pourtant en séjour au pays, changement de la Majorité parlementaire en 2021 et renouvellement arbitraire des Juges de la Cour constitutionnelle.
On n’a ni vu ni entendu une quelconque association des constitutionnalistes réagir.
Le monde n’étant pas statistique, quoi de plus normal que de nous retrouver avec l’ACDC qui, par essence, est une société savante du genre ASBL.
Et les ASBL sont régies en RDC par la Loi n°004/2001 du 20 juillet 2001 portant dispositions générales applicables aux Associations sans but lucratif et aux établissements d’utilité publique.
En faisant remonter sa création à 2005, c’est que l’ACDC doit détenir sa personnalité civile, et ses statuts sont certainement notariés.
Autrement, elle se fait Hara Kiri !
Remplacer le meilleur (qu’on a) par le meilleur (qu’on aura)
Ce qu’on doit toutefois retenir de sa réapparition subite, c’est la confirmation de la tragédie congolaise qu’est l’impossible unité dans les forces sociales (Société civile). C’est le phénomène “wengetisation”.
Sous nos yeux, nous allons assister à la naissance de l’Association des Constitutionnalistes aile X , de l’Assemblée des Constitutionnalistes aile X et de l’Association des Constitutionnalistes aile Y.
Il nous sera dit que c’est l’expression de la vitalité démocratique.
Nous pensions que ce phénomène qui a gangrené la classe politique et même la Société civile ne devrait pas atteindre des sociétés savantes comme celles du Droit, et encore du Droit constitutionnel.
Hélas ! C’est chose faite.
Il ne reste aux Congolais que d’en prendre acte car les détenteurs du savoir national en matière constitutionnelle ont résolu de remplacer le meilleur (qu’on a) par le meilleur (qu’on aura) !
Dire que, pour paraphraser Émile Bongeli, les Facultés de Droit dans toutes les grandes universités du pays sont celles qui produisent le plus de diplômés, comparées aux autres facultés. Il y a, là, de quoi remercier Félix Tshisekedi d’avoir suscité ce débat pour le moins inopportun sur la Constitution pendant que lui-même déclarait, à l’époque où il était opposant, que la préoccupation première des Congolais n’était pas la re-visitation de la Loi Fondamentale mais l’amélioration du quotidien des Congolais.
Qui, parmi les signataires de la Déclaration du 30 novembre 2024, osera le lui rappeler ?
Oui : qui !
PROCHAINEMENT: “Re-visitation de la Constitution : retour à l’article 21 de la Constitution de 1990 pour le septennat et l’article 30 pour les gouverneurs des provinces !
Omer Nsongo die Lema