24 avril 1990 – 24 avril 2024: Les Congolais n’étaient- ils pas non plus préparés pour la démocratie ? 

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« Les condamnés à mort peuvent décider librement s’ils veulent, pour leur dernier repas, que les haricots leur soient servis sucrés ou salés » telle est l’épigraphe de l’introduction du livre intitulé L’Obsolescence de l’homme que j’utilise pour justifier le libre choix des congolais dans leur lutte pour l’indépendance et la démocratie. Parce que l’on avait déjà tranché sur leurs têtes la colonisation et la dictature, les congolais ont décidé de lutter d’abord pour l’indépendance, ensuite et enfin pour la démocratie.

L’indépendance et la démocratie ont pour finalité l’émancipation de l’Homme. Cette émancipation apparait, selon la philosophie marxienne, comme le couronnement de l’histoire. Il s’agit donc de la philosophie de la libération, car, l’idéal de l’Homme est la liberté. La liberté s’oppose à toute situation où l’homme est dépossédé de soi-même, c’est-à-dire l’aliénation de l’homme.

La colonisation était une aliénation des congolais sur le sol de leurs ancêtres dans la mesure où ses penseurs belges ont prétexté l’infériorité des congolais pour justifier la traite des noirs, l’esclavage et la colonisation.

Aspirant à vivre en liberté et dignité sur leur sol, les congolais ont lutté pour être indépendants et libres. La détermination dans cette lutte a fait que la République démocratique du Congo accède à sa souveraineté nationale et internationale le 30 juin 1960. Dans son discours du 30 juin 1960, Patrice Emery Lumumba décrit cette lutte là comme suit : « Une lutte de tous les jours, une lutte ardente et idéaliste, une lutte dans laquelle, nous n’avons ménagé ni nos forces, ni nos privations, ni nos souffrances. Cette lutte, qui fut de larmes, de feux et de sang, nous en sommes fiers jusqu’au plus profond de nous-mêmes, car ce fut un lutte noble et juste, une lutte indispensable pour mettre fin à l’humiliant esclavage qui nous était imposé par force(…) ».

Dans de ce même discours, Lumumba donne des raisons pour lesquelles il fallait lutter. Il met en exergue entre autres : « (…) Nous avons connu le travail harassant exigé en échange de salaires qui ne nous permettaient ni de manger à notre faim, ni de nous vêtir ou de nous loger décemment, ni d’élever nos enfants comme êtres chers(…) ».

Pour Lumumba, l’indépendance était une rationalité politique pour pallier cette situation inhumaine caractérisée par l’injustice sociale fondée sur l’esclavage et la colonisation. C’est ainsi qu’il dit dans son discours ci-haut cité : « Tout cela, mes frères, nous en avons profondément souffert, mais tout cela aussi, nous, que le vote de vos représentants élus a agréés pour diriger notre pays, nous qui avons souffert dans notre corps et dans notre cœur, de l’oppression coloniale, nous vous le disons, tout cela est désormais fini(…) ».

Les structures ne valant que ce que valent leurs animateurs, satisfait de l’indépendance comme résultat de la lutte politique, Patrice Emery Lumumba annonça la nouvelle lutte qu’il avait décrite dans les termes suivants : « (…) Ensemble, mes frères, mes sœurs, nous allons commencer une nouvelle lutte, une lutte sublime qui va mener notre pays à la paix, à la prospérité et à la grandeur. Nous allons établir la justice sociale et assurer que chacun reçoive la juste rémunération de son travail. Nous allons montrer au monde ce que l’homme noir peut faire s’il travaille dans la liberté, et nous allons faire du Congo le centre de rayonnement de l’Afrique tout entière(…)».Hélas, la mission noble assignée à cette nouvelle lutte, à savoir : la paix, la prospérité, la grandeur, la justice sociale, la liberté… n’était pas réalisée à cause d’un coup d’Etat opère le 24 avril 1965 plongea le pays dans la dictature. Cette dictature mobutiste plongea les congolais dans des conditions humaines et matérielles pires que celles dans lesquelles ils se trouvaient durant les 80 ans de la colonisation.

Lumumba assassiné, l’indépendance en souffrance et la dictature instaurée, certaines personnes commencèrent à dire que les congolais n’étaient préparés pour l’indépendance. C’est donc ce postulat des congolais non préparés pour l’indépendance qui constitue la suite sous-entendue de la question qui constitue le titre de cet article : les congolais n’étaient-ils pas non plus préparés pour la démocratie ? Ce postulat appelle de toute évidence cette question : qui devrait préparer les congolais pour l’indépendance ? Est-ce le colonialiste ? La réponse est non, car, c’était une tâche de l’élite congolaise dans sa diversité.

Dès lors, la démocratie devenait un impératif catégorique pour réaliser la mission assignée à la deuxième lutte annoncée par Patrice Emery Lumumba le 30 juin 1960. La lettre ouverte des 13 parlementaires, du 30 décembre 1980, adressée au Président Mobutu le fut l’élément déclencheur de la lutte pour la démocratisation du pays. Le résultat de cette lutte fut le discours présidentiel d’avènement de la troisième république du 24 avril 1990 de Marechal Mobutu dont la chute est intervenue le 17 mai 1997 pour donner ainsi naissance à la République démocratique du Congo.

Les congolais aspiraient à la démocratie parce que, selon Evariste Tshimanga(2004), « à la différence des régimes autoritaires caractérisés souvent par une gestion arbitraire et une exclusion des gouvernés de l’organisation et de l’exercice du pouvoir, le système démocratique est de plus en plus associé à la bonne gouvernance. Cet auteur précise que l’idée de la bonne gouvernance fait généralement allusion à la possibilité qui doit être offerte à chaque citoyen de faire entendre librement sa voix sur les problèmes de la cité, sur l’organisation et l’exercice des pouvoirs.

Ainsi donc, si le mot était à prendre au pied de la lettre, 17 ans après l’organisation des élections politiques générales, la République démocratique du Congo serait un pays où la justice, la paix, la prospérité, la grandeur, la liberté, le travail devraient caractériser toute personne qui a reçu directement ou indirectement le mandat du peuple congolais. Car, la démocratie est non seulement la rationalité politique par laquelle le peuple délègue son pouvoir à ses représentants par vote, mais aussi et surtout la pratique rationnelle qui permet de distinguer le bien du mal dans l’exercice du pouvoir reçu par le peuple. C’est donc cette pratique rationnelle qui constitue la condition première du règne de l’éthique est » le pouvoir est fait pour servir, il est passager ».

Cependant, le détournement des derniers publics, la corruption, le progrès de l’ignorance, le népotisme, l’inefficacité et inefficience, la violence physique, la flatterie, le fanatisme… montrent que l’éthique susmentionnée fait défaut à un grand nombre des congolais pompeusement appelés Excellences ou Honorables. D’où cette question : les congolais n’étaient-ils pas préparés pour la démocratie ?

Jean Joseph Ngandu

+243 994 994 872

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