Chères lectrices, chers lecteurs;
- Les congolaises et congolais sont dans l’attente d’un Congo nouveau depuis l’annonce de l’avènement de la 3ème République le 24 avril 1990.
- Plusieurs raisons justifient cette attente notamment leur libération de la misère intellectuelle et matérielle dans laquelle ils sont plongés à cause de la colonisation, de la dictature du néocolonialisme 3. Le Congo nouveau est celui où règnent justice, paix, travail qui sont les valeurs de la République démocratique du Congo.
- Cependant, l’avènement d’un Congo nouveau est intimement lié au passage de « logos » à la « praxis », c’est-à-dire de la parole à la pratique par une action politique de changement sur terrain.
- Pour ce faire, le Congo nouveau avait et a encore besoin d’être porté par les femmes et les hommes nouveaux, les femmes et les hommes chez qui l’esprit de l’intérêt personnel est remplacé par l’esprit de l’intérêt général. Les femmes et les hommes chez qui l’instinct de survie est remplacé par la raison de réalisation. Par la raison de réalisation, entendez l’utilisation de ses compétences pour le bien être de sa communauté.
- L’avènement d’un Congo nouveau a aussi besoin de la contribution de la presse vu pouvoir d’informer. Cette presse doit être celle qui promeut, non pas les hommes gaspillés, mais l’information et les valeurs de la République démocratique du Congo. C’est ainsi que ma 41ème lettre sociale congolaise est intitulée « Urgence d’une presse innovante pour la promotion, non pas, des hommes gaspillés, mais de l’information et des valeurs de la République démocratique du Congo pour un Congo nouveau ».
- Dans un environnement médiatique où tout le monde se fait appeler Madame ou Monsieur de la presse, distinguer téléologiquement la presse congolaise des autres médias est un exercice discursif pour restaurer la vérité historique, technique et scientifique de la raison d’être de la presse.
- Je reviens sur le titre de cette lettre sociale congolaise pour y extraire les concepts clés à mettre en lumière afin de faciliter la compréhension de cette dernière. Il s’agit des concepts tels que presse, information et valeurs de la République démocratique du Congo.
- Primo, selon le Dictionnaire Robert, « la presse ou presse écrite » désigne l’ensemble des journaux. Aussi, la presse englobe tous les moyens de diffusion de l’information écrite : quotidiens, hebdomadaires et autres publications périodiques.
- Il demeure ainsi fondé de préciser que l’expression « presse écrite » est un pléonasme(terme ou expression qui répète ce qui vient d’être énoncé) qui sert à distinguer la presse par rapport aux autres médias(radio, télévision, internet…), car , elle(presse écrite) tire son origine d’une presse de l’imprimerie.
- Dorénavant, nous comprenons avec Alfred Sauvy(1965) que la presse est protégée et garantie par « la liberté de presse ». Sauvy renchérit sur cette liberté en montrant que c’est elle qui a abouti à une très grande variété de publications où toutes les opinions sont également exprimées.
- En République démocratique du Congo cette liberté de presse est garantie par l’article 24 de la Constitution du 18 février 2006. La liberté de presse est consécutive à la liberté d’expression qui est aussi garantie en République démocratique du Congo par l’article 23 de la même constitution congolaise.
- Les publications de la presse sont classées tour à tour selon le rythme de parution (quotidien, hebdomadaire, mensuel, bimensuel…), selon le contenu (généraliste ou spécialiste), selon la nature (information, divertissement, publications scientifiques), selon la zone de diffusion (nationale, régionale, internationale) et selon le modèle économique (payant ou gratuit).
- Tout compte fait, la tâche que la presse se donne avec le sentiment du devoir est d’informer. C’est alors que Sauvy revient sur le « pouvoir d’informer » afin de préciser que le « Pouvoir d’informer » est le 4ème pouvoir après les trois pouvoirs classiques : législatif, exécutif et judiciaire. Ce pouvoir est essentiellement fondé sur la liberté de presse.
- Secundo, l’information est, pour Harald Schutz(1976), « une connaissance nouvelle diffusée conformément aux besoins d’information du récepteur ». Dans la presse, le récepteur est le lecteur. Montrant l’utilité de l’information, Schutz argumente que l’information atteint son but que si elle apporte une connaissance nouvelle dont le récepteur a besoin pour s’acquitter de ses tâches dans les domaines de l’administration, de la science ou de l’économie.
- De son côté, Théophile Ayimpam (1965) définit l’information comme « un moyen d’éducation civique étant donné qu’elle détient un pouvoir de communication sur les âmes et les cœurs des hommes ».
- Eu égard au « pouvoir d’informer » de la presse, je postule que la presse congolaise travaille résolument pour vaincre l’ignorance. Car, il n’y a pas pire pauvreté que l’ignorance. Croire en un développement matériel tout en restant ignorant c’est vivre dans une richesse de la loterie.
D’ailleurs Mabika Kalanda(1965) montre qu’ « une société organisée sur la base de la connaissance de la vérité a plus de chance de survivre et d’échapper à la disparition qu’une société dite naturelle ».
- Tertio, les valeurs de la République démocratique du Congo sont justice, paix, travail qui sont constitutifs de la devise de la République démocratique du Congo. Cette devise est inscrite sur les édifices publics des entités et institutions de la République démocratique du Congo.
- La devise de la République démocratique du Congo, justice, paix, travail, est en cohérence avec le drapeau tricolore de la République démocratique du Congo. La couleur rouge de la bande qui traverse le milieu du drapeau symbolisant les martyrs congolais renvoie à l’égalité, l’équité et la justice. La couleur bleu ciel de ce drapeau symbolise la paix et la couleur jaune symbolisant la richesse de notre pays renvoie au travail qui est une source de toute richesse.
- Dès lors, dans un régime démocratique comme celui de la République démocratique du Congo, la presse devrait œuvrer pour la promotion des valeurs de la RDC qui sont justice, paix, travail, par la production et la diffusion d’une information de qualité.
- Ainsi donc, en promouvant ces valeurs par l’information écrite, la presse congolaise se distinguerait de certains médias Congolais qui ont fait ou font encore la promotion « des hommes vides », « hommes gaspillés » pour reprendre une expression chère à Dominique Kahang’a Rukonkish(1988). Pour Rukonkish « les hommes vides », « les hommes gaspillés » sont « les citoyens du monde sur lesquels on ne pouvait plus compter pour la vie et la survie de l’humanité ».
- La plupart des médias congolais ont fabriqué ce genre d’hommes que l’on retrouve remarquablement dans les organisations politiques et institutionnelles, dans les structures religieuses, sportives, syndicales, dans l’administration publique avec toutes les conséquences que cela comporte.
- Hélas, la promotion « des hommes vides », « des hommes gaspillés » est une conséquence logique d’un des défauts de la radiodiffusion qui consiste, selon Alfred Sauvy ci-haut cité, à « flatter l’auditeur, lui donner des nouvelles agréables et reléguer aux heures creuses les informations scientifiques qui peuvent l’instruire, c’est-à-dire élever son esprit ».
- De leur côté, Güter Anders(1956) et Bernard Porte(1994) foudroient le défaut de la télévision. Abondant dans le même sens que Sauvy au sujet du défaut de la flatterie, Anders écrit : « (…) On diffusera massivement via la télévision, des divertissements abrutissants, flattant toujours l’émotionnel instinct ».
- Toujours à propos du défaut de la télévision, Bernard Porte(1994) écrit : « Pour rapporter les nouvelles du monde, la télévision ira toujours plus vite, et de façon plus attrayante, que le meilleur journal. Mais un « journal parlé » d’une demi-heure ne correspond jamais qu’aux trois quarts d’une seule page d’un quotidien. Quiconque exige, sur tel ou tel point qui l’intéresse plus particulièrement, un peu plus de détails que n’en donnera jamais la radio ou la télévision, ne peut se passer de la lecture d’un quotidien écrit ».
- Maintenant, au-delà de la supériorité de la presse sur les autres médias partant de sa fonction documentaire, l’urgence d’une presse congolaise innovante s’impose pour la promotion de l’information et des valeurs de la République démocratique du Congo.
- Puisque, en journalisme, un article de presse est un texte qui relate un évènement, présente des faits ou expose un point de vue.
- Cependant, dans un pays comme la République démocratique du Congo où l’avènement d’un nouveau Congo passe impérativement par l’appropriation et la socialisation des valeurs de la RDC (justice, paix, travail), relater un évènement, présenter un fait ou exposer un point de vue me paraissent insuffisants pour élever cognitivement, socialement et politiquement les congolais sur ces valeurs.
- Plus loin, la presse congolaise doit expliquer les lois sous-jacentes qui sous-tendent l’apparition des éléments qu’elle relate, des faits qu’elle présente ou les points de vue qu’elle expose. C’est ça une presse congolaise innovante susceptible de développer la compétence civiquedes congolaises et des congolais. Car, Henry Milner(2004), définit la compétence civique comme « les connaissances et les habilités dont disposent les citoyens pour comprendre le monde politique ». Milner montre que la compétence civique augmente avec le taux de lecture des journaux, mais elle diminue avec le niveau de la dépendance à l’égard de la Télévision.
- C’est pourquoi Bernard Porte montre que « le journal constitue un lieu incontournable de l’exercice de la démocratie ». Et « La presse, c’est la conscience d’une nation », dixit Albert Camus. Pareille presse ne peut être confiée aux étrangers sans risque de glisser dans l’aliénation.
- Pour que la presse congolaise soit au rendez-vous, elle doit être pour ses lectrices et lecteurs un guide, un soutien et un compagnon de route. Elle doit être aussi une presse de service qui concerne la vie quotidienne dans ses applications pratiques et les aspirations de ses lectrices et lecteurs à comprendre les autres, la société, le monde à partir d’une information honnête, expliquée et commentée. De ce fait, la presse congolaise devrait être partout où il y a des activités humaines.
- Pour ce faire, la presse congolaise doit ouvrir des nouvelles brèches dans d’autres domaines et vers d’autres publics en inventant, comme le signale Bernard Porte, des concepts de presse, d’édition et explorant de nouvelles voies éditoriales.
- C’est ici le lieu de féliciter certains quotidiens généralistes congolais qui publient des sujets semi – scientifiques et semi-techniques dans leurs colonnes. C’est donc dans cet esprit que s’inscrit la lettre sociale congolaise, un écrit ordinaire sur les faits vrais, évidents et vécus lesquels faits ont concouru, il y a plus de 4 décennies, à l’anthropologie de l’écriture.
- En publiant depuis quelques années la lettre sociale congolaise qui explique les lois sous-jacentes qui sous-tendent l’apparition des faits qu’elle présente, les quotidiens La prospérité, L’Avenir et Quotidien. Cd, contribuent par l’information écrite à la promotion des valeurs de la République démocratique du Congo : justice, paix, travail. Je n’ai pas oublié non plus le quotidien Le Phare qui a été pour moi ce qu’a été Jean Paul Sartre pour Jean Ziegler concernant la presse. Jean Paul Sartre avait créé le quotidien français « Libération ». En 2018 dans l’émission en sol majeur sur RFI, Jean Ziegler raconte ce qu’a fait Sartre pour lui. Ziegler fut personnel de la mission de maintien de la paix de l’ONU au Congo(ONUC) en 1960. Quand il était de retour en Europe, il a rencontré Jean Paul Sartre à Paris. Sartre lui a posé cette : « comment ça se passe au Congo ? ». Ziegler a commencé à lui raconter la misère qu’il observait quand les enfants congolais minés par la faim allaient mendier les choses à manger autour de l’Immeuble Royal dans l’actuelle commune de la Gombe. Après avoir écouté Jean Ziegler, Sartre lui a dit : « écris tout ça ».
- Le phare est donc le premier quotidien congolais écrit à avoir publié dans Le phare n° 52 94 de mars 2016 ma première réflexion écrite sur le sujet intitulé « La tradition syndicale congolaise trahie ».
- C’est donc Le Phare, avec sa renommée médiatique, qui a non seulement validé mais excité du point de vue de la praxis mon « pouvoir d’informer ». Car, la communication écrite relevé de ma spécialité en Sciences et Techniques Documentaires. Aussi mon « pouvoir d’informer » va aussi de pair avec mon « pouvoir d’enseigner » partant de ma qualité d’agrégé d’enseignement d’anglais.
- Par cette première réflexion écrite, je mettais ainsi en pratique la leçon donnée aux congolais alors zaïrois par le Premier élu Etienne Tshisekedi wa Mulumba dans son message de nouvel an 1994 en ces termes « (…) Que chacun, dans son secteur et à sa manière, contribue à libérer les captifs, à ouvrir les yeux des aveugles et à relever ceux qui sont courbés et meurtris (Is.42 :7) (…) ». Cette leçon vaut autant pour la presse congolaise qui doit devenir innovante en promouvant l’information et les valeurs de la RDC pour un Congo nouveau.
- J’ai fait ma part par ma coupe pleine.
Fait à Kinshasa, le 24 janvier 2024
Jean Joseph NGANDU NKONGOLO
Anthropobibliologue, Expert en Anthropobibliologie du Travail, Formateur
PsychoSocioProfessionnel et Chercheur à l’Observatoire Congolais du Travail
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