48ème Lettre Sociale Congolaise: Perte de lucidité politique dans l’exercice du pouvoir de l’Etat : suicide des partis politiques congolais

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« C’est une règle générale : l’homme qui réussit le mieux dans la vie est celui qui détient la meilleure information ». Benjamin Disraeli.

Chères lectrices, chers lecteurs,

1. La lucidité politique est la capacité de se rallier toujours à l’intérêt général dans l’exercice des fonctions politiques pour le bien de tous et de chacun.

2. C’est pourquoi les partis politiques sont des organisations politiques qui ont pour finalité de permettre à leurs membres d’accéder au pouvoir de l’Etat, de l’exercer et de le garder le plus longtemps possible dans le strict respect des lois du pays. Les membres des partis politiques qui accèdent au pouvoir et l’exercer deviennent ainsi des gouvernants.

3. Le gouvernant est, pour Mulumbati Ngasha (1988), un homme qui, chargé de gérer les affaires publiques, prennent des décisions, donnent des ordres et les font exécuter dans le sens qui leur parait exiger le bon accomplissement de leur fonction ». Dans cet exercice du pouvoir de l’Etat, les gouvernants veilleront toujours au grand bien, le bien de chacun et de tous et de l’intérêt général selon lucidité politique.

4. C’est ainsi que la lucidité politique d’un gouvernant issu d’un parti politique est fondée, d’un côté, sur le besoin qui a été à la base de la création de ce parti politique et, de l’autre, sur l’idéal et les valeurs défendus par ce parti politique dans sa lutte pour accéder au pouvoir de l’Etat.

5. Car, l’existence d’un parti politique est à situer essentiellement dans une logique systémique du besoin et de la réponse. Un parti politique qui ne s’inscrit pas dans cette logique systémique n’a pas sa raison d’être parce que Etienne Tchibanga(2017) montre que « tout phénomène social est motivé, c’est-à-dire qu’il existe toujours une cause en amont de l’existence ou apparition du phénomène social : faits sociaux, évènements… ».

6. L’intérêt de la 48ème lettre sociale congolaise part de l’article de presse de Hubert Mwipatayi paru dans le quotidien la Prospérité n°6331 du Vendredi 10 mai 2024 à travers lequel il présente une assertion et une question sur les partis politiques dont les leaders ont eu à exercer les fonctions de Magistrat Suprême dans ce pays. Son assertion et sa question entretiennent une relation déductive de comparaison quand il écrit : « Apres qu’ils aient été au pouvoir, le MPR et le PPRD ont « disparu ». Qu’en sera –t-il de l’UDPS ? ». La disparition littérale est donc la mort politique des partis politiques dont les dirigeants ont eu à accéder non seulement à la magistrature suprême mais aussi à la primature. C’est ainsi qu’en passant Mwipatayi cite le MPR, le PPRD, l’AFDL et le PALU comme ayant exercé le pouvoir de l’Etat à la magistrature suprême et à la primature.

7. L’assertion de Mwipatayi sur la disparition des partis politiques après qu’ils aient été au pouvoir nous impose de poser cette question : pourquoi les partis politiques disparaissent-ils après qu’ils aient été au pouvoir ?

8. Pour répondre à cette question, il demeure fondé de présenter d’abord les techniques utilisées pour accéder au pouvoir par les dirigeants de ces partis, ensuite et enfin énoncer la motivation de création de chaque parti politique.

9. Mulumbati Ngasha ci-haut cité montre que les techniques principales d’accès au pouvoir sont la conquête, l’hérédité, la cooptation, élection et nomination. Ainsi, nous pouvons affirmer que Joseph Désiré Mobutu, président du Mouvement Populaire de la Révolution(MPR), a accédé au pouvoir de l’Etat par conquête, Joseph Kabila, président du Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie(PPRD), a accédé au pouvoir par hérédité patrilinéaire et Felix Tshisekedi, Président de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social(UDPS), a accédé au pouvoir par élection.

10. De techniques utilisées par les partis pompeusement appelés « partis présidentiels » passons ainsi à la motivation de création de chaque parti politique. Le Mouvement Populaire de la Révolution a été créé le 20 mai 1967 alors que Joseph Désiré Mobutu était déjà Président de la République depuis le 24 novembre 1965. De même, le Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie a été créé le 31 mars 2002 alors que Joseph Kabila était déjà Président de la République depuis janvier 2001.

11. L’on note alors que la motivation de la création de ces deux partis politiques n’était pas celle d’accès au pouvoir de l’Etat, mais celle de conservation du pouvoir de l’Etat dont chefs des partis politiques exerçaient déjà.

12. Cependant, créée le 15 février 1982, l’UDPS n’a pu accéder au pouvoir de l’Etat qu’en 2018, soit 36 ans après sa création. L’on se rend compte que la motivation de la création de l’UDPS était l’accès au pouvoir pour l’exercer dans l’intérêt populaire voire l’intérêt général.

13. Dès lors, différence de ces trois partis « présidentiels » est fondée sur les techniques d’accès au pouvoir de l’Etat par leurs leaders et les motivations de leurs créations. Cette différence pouvait justifier la survie ou l’asphyxie de ces partis partant d’un mode opératoire d’adhésion, à ces partis, qui pouvait être une contrainte ou un choix.

14. L’adhésion ou l’affiliation à un parti politique par contrainte prédisposait les adhérents de ce parti à le quitter si l’objet de la contrainte disparaissait un jour. C’est ce qui se passe avec le Mouvement Populaire de la Révolution(MPR), l’Alliance des Forces Démocratiques de Libération(AFDL), le Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie(PPRD).

15. Au zaïre de Mobutu Sese Seko, tous les zaïrois étaient contraints d’adhérer au MPR pour plusieurs raisons notamment l’accès à des fonctions politiques, à des bons emplois, à des honneurs et divers privilèges. Dans la société zaïroise défaillante tout homme raisonnable était vaincu, car, Mobutu Sese Seko lui-même disait : « Olinga, olinga te, oza nakati ya MPR ». Mobutu Sese Seko parti du pouvoir, tous ceux qui se disaient membres du MPR l’ont abandonné. L’AFDL de Laurent Désiré Kabila a connu le même sort que le MPR tout comme le PPRD de Joseph Kabila est en train de le connaitre. Pour tout dire, l’adhésion à un parti politique par contrainte est une potentielle cause de son asphyxie.

16. Par contre, l’adhésion à un parti politique par choix est une potentielle source de la survie de ce parti. La survie de l’UDPS pendant 36 ans de lutte est justifiée par le fait qu’à sa création en 1982, la plupart des zaïroises et zaïrois avaient choisi l’UDPS comme leur parti politique afin de restaurer le régime démocratique au pays. Le choix de l’UDPS par certains congolais et congolaises a été motivée par les idées et valeurs défendues par ce parti dès sa création. Nous pouvons dire que l’assise nationale de l’UDPS et sa diversification ethnique telles qu’annoncées par Gauthier Villers étaient consécutives aux idées et valeurs qu’elle défendait. Dans son article intitulé « Dernier acte au zaïre de Mobutu : le Phénix et le sphinx ». In : Kabila prend le pouvoir : les prémices d’une chute- la campagne victorieuse de l’AFDL- le Congo d’aujourd’hui, Gauthier VILLERS(1998) revient sur la conquête d’une assise nationale de l’UDPS et sur sa diversification ethnique favorisées par les liens privilégiés qu’Etienne Tshisekedi et son parti entretenaient avec l’ethnie luba, une ethnie nombreuse, aux élites entreprenantes, présente grâce à sa diaspora dans l’ensemble du pays. C’est également, peut-être, pour cette raison que dans hymne du parti, l’UDPS se dit être un parti de la majorité.

17. 6 ans après que l’UDPS ait accédé au pouvoir de l’Etat après 36 ans de lutte pour la démocratie, cette assertion de VILLERS sur l’assise nationale de l’UDPS et sa diversification ethnique fondées sur l’appui des liens qu’Etienne Tshisekedi et l’UDPS entretenaient avec l’ethnie luba offre une possibilité de faire un état des lieux de toutes les donnes qui ont contribué à la résilience et l’efficacité de l’UDPS durant ses 36 ans de lutte. Cet état des lieux permettra de dire si l’exercice du pouvoir de l’Etat de l’UDPS et le temps ont entamé sa résilience et son efficacité comme parti politique. 18. C’est donc dans cet état des lieux qu’il faut situer la question de Mwipatayi qui par déduction de disparition politique des MPR et PPRD, se demande : « Qu’en sera –t-il de l’UDPS ? ».

19. Cet état des lieux trouve également son fondement dans l’universalité du management qui doit être appliqué, selon Odilon Gamela Nginu(2015), aux organisations à caractère politique (partis politiques, gouvernements, parlement, cours et tribunaux) dont la réalisation des objectifs dépend des compétences de leurs managers. Parce que les partis politiques ne peuvent justifier leurs raisons d’être que s’ils réalisent les missions ou les objectifs pour lesquels ils ont été créés. Les partis politiques deviennent inutiles voire nocifs s’ils ne réalisent pas leurs missions.

20. Mais comme toutes les organisations humaines y compris les partis politiques ne valent que ce que valent leurs animateurs, les animateurs des partis politiques devraient être des managers. Grâce à leurs compétences, ces derniers (managers) garderaient leurs têtes hautes pour ne pas tomber dans la perte de lucidité politique. La survie voire la vie d’un parti politique est intimement liée au passage effectif des objectifs pensés et conçus à leur matérialisation. Il s’agit là de la rationalisation des actes et pratiques des managers. Ce sont ces actes qui maintiennent le lien communautaire entre les membres et les dirigeants de ce parti politique. 21. J’ai fait ma part avec ma coupe pleine.

Fait à Kinshasa, le 18 juillet 2024

Jean Joseph NGANDU NKONGOLO Anthropobibliologue, Chercheur, Spécialiste et Expert en Anthropobibliologie du Travail. E-mail jsphngandu@gmail.com +243 994 994 872

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