En République démocratique du Congo, les femmes qui s’engagent en politique doivent être tenaces. Candidates, élues et femmes publiques, elles sont insultées, menacées, humiliées, harcelées, évincées… Ne bénéficiant pas de mesures incitatives ou de discrimination positive, elles doivent y arriver « par leurs propres moyens ». Pourtant, selon la Constitution, les femmes ont droit à une représentation équitable au sein des institutions nationales, provinciales et locales, et l’État doit garantir la parité homme-femme.
Bien préparée, toujours élue
Malgré cette disposition de la Loi fondamentale, les femmes sont dissuadées de se lancer, ou de demeurer, dans l’arène politique. Des cas d’appels au viol et de cyber harcèlement, ainsi que des discours haineux et des campagnes de désinformation visant à les disqualifier sont ainsi fréquemment relevés. Bien que le nouveau Code du numérique soit porteur d’espoir en matière de prévention de certains abus, rares sont les partis ou les formations politiques qui documentent, condamnent ou encore moins, exigent l’ouverture d’une enquête judiciaire lorsque les femmes dénoncent les attaques qu’elles subissent. Trop souvent aussi, en dépit de preuves probantes, les agresseurs, parfois multirécidivistes, ne sont ni poursuivis ni sanctionnés ; une double-peine pour les victimes, qui se retrouvent isolées et désarmées, faute de soutien.
À l’occasion de la Journée internationale de la femme Africaine – créée le 31 juillet 1962 par l’ONU et officiellement consacrée par l’OUA (actuelle UA) le 31 juillet 1974 –, il nous appartient de braquer les projecteurs sur les femmes congolaises, de mettre en lumière ce qu’elles représentent et ce qu’elles pourraient apporter à leur pays et à la région des Grands Lacs si une réelle opportunité leur était donnée de s’investir, au même titre les hommes, dans la vie politique. Les Congolaises constituent plus de 50 % de l’électorat, mais ne sont pour l’heure que 12 % environ à l’Assemblée nationale et un peu moins du double (23,85 %) au Sénat. Contrairement au discours misogyne ambiant, il s’avère qu’identifier, former et aligner des candidates offre une opportunité précieuse d’accroissement du poids politique. Les statistiques à ce sujet sont éloquentes : une candidate bien préparée est presque toujours élue. C’est aussi une aubaine grâce à la loi électorale révisée, dont l’article 13 propose désormais une mesure incitative qui dispense du paiement de caution les listes composées de 50 % de candidates minimum.
Jamais sans les hommes
L’engagement des hommes – au nombre desquels le chef de l’État, champion de l’Union africaine pour la masculinité positive et à travers la campagne He for She lancée par ONU Femmes* – est un levier crucial dans le combat pour l’égalité. Crucial parce qu’ils dirigent la majorité des partis politiques, des institutions et des médias. Ils ont donc les moyens, et la responsabilité, de renforcer les commissions de discipline et les codes de conduite ; de documenter, dénoncer et porter plainte systématiquement en cas de dérive ; de fixer des quotas de candidates aux élections ; d’organiser des primaires mixtes ; de financer des candidates ; ou d’instaurer des tarifs préférentiels pour les cotisations. Sur le plan légal, au cours des vacances parlementaires (15 juin-15 septembre), le gouvernement prévoit d’adopter une ordonnance-loi sur la prévention et la répression des violences basées sur le genre. Peut-être est-ce là une belle opportunité de sécuriser l’espace politique pour les femmes et, en cas d’abus, d’assurer une réponse holistique.
Dans la même veine, les médias peuvent ouvrir leur espace aux femmes politiques et garantir un traitement équilibré de l’information les concernant – loin des stéréotypes. En parallèle, l’engagement des hommes permettra aussi de décloisonner le débat, d’empêcher que seules les femmes militent pour les femmes. Oser se présenter, d’abord, puis s’aguerrir et se soutenir. Par exemple, en mutualisant leurs ressources pour financer du matériel de campagne, des témoins et des avocats. Et surtout, être des mentors les unes pour des autres, ce qui permettrait d’enrichir un réservoir de candidates potentielles et éligibles, et ce jusqu’à briser le plafond de verre.
Fortes de ces appuis, les femmes congolaises pourraient relever le défi d’une représentativité politique accrue lors des élections législatives, prévues à la fin de cette année. Les Nations unies, notamment à travers la Monusco, le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) et ONU Femmes, poursuivent leur soutien aux institutions et aux entités politiques pour atteindre cet objectif. Ainsi, outre les sessions de renforcement de capacités et de vulgarisation des textes électoraux, elles collaborent avec la Commission électorale nationale indépendante (CENI) pour continuer de renforcer la prise en compte de considérations liées au genre dans son travail ainsi qu’avec la Commission nationale des droits de l’Homme (CNDH), pour la prévention, l’alerte et la réponse aux violences sexistes.